Mission Fing-Idate en Corée du Sud – Juin 2004 – Compte-rendu

Du 19 au 23 juin 2004, la Fing et la Fondation Idate organisaient un voyage en Corée du Sud auquel ont pris part une quinzaine de participants d’horizons divers.
Il s’agissait de mieux cerner les déterminants qui ont propulsé la Corée au premier rang des pays en matière de haut débit, des innovations dans les services mobiles, des jeux en ligne, et qui ont permis à des firmes telles Samsung et LG de devenir des acteurs clés dans plusieurs secteurs des TIC.
Le compte-rendu de cette mission, rédigé par Yves Gassot, Daniel Kaplan et Alain Puissochet, peut être téléchargé à partir du site de la Fing.

Par Yves Gassot, Daniel Kaplan et Alain Puissochet

SOMMAIRE DU RAPPORT
Télécharger le rapport (.pdf)

  • « La Corée : un laboratoire des nouvelles technologies »
  • Démonstration de services Internet mobile en Corée du Sud
  • NHN, leader asiatique des portails et des jeux « occasionnels »
  • KTF, l’opérateur mobile leader NCSoft , le leader du jeu en réseau
  • Rencontre avec un joueur professionnel
  • Renault Samsung Motors (RSM) : la télématique automobile
  • KT, l’opérateur historique
  • Hanaro Telecom
  • La stratégie 8.3.9
  • Le ministère de l’Industrie et de la Communication (MIC)
  • Com2US
  • LG R&D
  • Le DMB (Digital Multimedia Broadcasting) terrestre et satellite en Corée et au Japon
  • Essai de synthèse

ESSAI DE SYNTHESE
Nous proposons ici de caractériser quelques points saillants qui découlent des entretiens que nous avons eus au cours des 3 jours de la mission.

Une course à la technologie qui continue, soutenue par l’Etat
Le succès de la Corée dans le secteur des TIC est probablement pour partie lié aux caractéristiques de la société coréenne : esprit de compétition, goût pour la nouveauté technologique, absence relative de loisirs, « volonté d’imiter le voisin », intensité de la concentration urbaine, prédominance des logements collectifs, etc.
Il est toutefois difficile d’écarter le rôle des pouvoirs publics, même si certains analystes tels Izumi Aizu considère que la réussite des actions de l’Etat, du moins jusqu’en 2001-2002 pourrait être plutôt due à des facteurs extérieurs. http://www.anr.org/web/html/output/2002/broadbandasia522.htm).
On a présenté ci avant les éléments du nouveau plan du MIC (8-3-9) en soulignant l’importance des approches organisées autour de la convergence des réseaux HD fixes et mobiles.
Sur un plan plus général, on peut dire que la politique gouvernementale (avec certaines similitudes avec celle du Japon) s’illustre par une association étroite dans les programmes de recherche et les plans publics, des grands acteurs industriels. Elle cherche à combiner la recherche de consensus mais aussi l’établissement d’une certaine concurrence. Enfin, elle s’exprime par le lien étroit qu’elle établit entre l’enjeu industriel et l’exportation d’une part, et le développement de l’équipement, des usages et du marché intérieur d’autre part. Les objectifs « collectifs » (fracture numérique, haut débit pour tous, e-administration, etc.) sont toujours mis en relation avec leur impact sur le développement industriel des entreprises coréennes. Le marché intérieur est, en quelque sorte, la plate-forme d’expérimentation et de lancement des produits coréens dans le monde.
Il faut aussi souligner les efforts importants réalisés dans le domaine de la R&D. En 7 ans le budget de la R&D publique a doublé pour atteindre 4 MdUSD. Cela représente 4,5 % du budget national et il est prévu d’atteindre 7 % d’ici à 2007…

Le pays du haut débit
Il semble avoir atteint un certain niveau de saturation, ce qui met la Corée largement en avance sur le reste du monde, y compris sur le plan de l’offre de services à très haut débit avec en particulier le déploiement en vrai grandeur du VDSL, et une très forte densité de hot spots WiFi.
L’essor du haut débit a permis la croissance de sociétés offrant des portails ou des jeux vidéo, qui visent naturellement l’exportation (notamment en Asie, et plus précisément en Chine et au Japon).
Mais dans un contexte marqué par une forte consolidation et le renforcement de l’opérateur historique KT, l’économie des fournisseurs d’accès reste cependant fragile comme on a pu le voir ses derniers mois avec la faillite de Thrunet et les graves difficultés d’Hanaro. Il restera à observer dans les prochains mois les capacités des acteurs de l’Internet à développer des offres de services premium et leur contribution à l’ARPU des opérateurs d’accès.
Si les usages ressemblent dans une large mesure à ceux que l’on peut observer ailleurs, certaines originalités intéressantes peuvent être observées. L’importance du jeu en réseau en Corée est particulièrement spectaculaire et permet à ses éditeurs de se doter d’une expérience unique. Il semble que l’e-learning d’une part (formations complémentaires après l’école ou le travail, notamment dans les langues) connaisse un fort développement. Enfin, les « communautés en ligne » sont particulièrement vivaces ; on se souvient que beaucoup d’observateurs leur ont attribué l’élection inattendue du Président de la République, Roh Moo-hyun.

Mobiles : la vitrine du CDMA
Le marché des mobiles se caractérise par un taux de pénétration comparable aux taux européens (et donc supérieurs aux pénétrations japonaises ou US), un essor rapide du CDMA EVDO (plus de 20 % du parc), et naturellement une contribution remarquable de Samsung et de LG à l’animation du marché des terminaux et des services.
KTF et surtout SKT sont à juste titre très fiers de l’ARPU de leurs abonnés 3G. Il restera à voir si la généralisation de la 3G dans les mois qui viennent ne va pas faire chuter le niveau actuel des recettes.
La volonté des pouvoirs publics de voir un (minimum) de déploiement du WCDMA à côté du CDMA EVDO/EVDV, les projets de DMB (satellitaire et terrestre) et l’intérêt des différents acteurs (fixes et mobiles) pour du « WiFi mobile », devraient faire de la Corée un pays très en pointe dans le développement de la convergence des services et de l’interopérabilité des systèmes radio.

L’extraordinaire succès de Samsung et de LG
Les chaebols (grands conglomérats diversifiés qui dominent l’économie coréenne) ont perdu de leur influence originelle et probablement amélioré leur comportement. Cependant ils ont su particulièrement bien rebondir après la très grave crise financière qu’a traversée la Corée en 1997. Ils restent des acteurs essentiels sur un marché intérieur qui est considéré présentement relativement déprimé et qui n’a pas la dimension du marché domestique japonais. Mais surtout ils ont su s’imposer de façon remarquable en prenant des positions en Asie et dans le reste du monde.
Ainsi la place acquise par Samsung (devenue la plus grosse capitalisation d’Asie) et par LG sur des marchés en plein développement (portables 3G, écrans plats et naturellement semi-conducteurs) ainsi que la spectaculaire croissance de leurs chiffres d’affaire (+52 % et +25 % au deuxième trimestre 2004 pour respectivement Samsung et LG) et de leurs profits (respectivement x3 et +51 %), constituent probablement aujourd’hui les principaux succès et les premiers atouts de la Corée dans le domaine des TIC.
On soulignera que cette dynamique permet avec un taux d’effort (budget R&D / CA) comparable à ceux de firmes tels Sony ou Canon, de faire croître considérablement les budgets de recherche : pour Samsung 3,6 Md USD en 2004 (soit 8,4 % du CA et +15 % par rapport au budget R&D de 2003)…

La Corée du Sud était considérée jusqu’à peu comme un pays introduisant rarement des concepts novateurs même si on reconnaissait à ses entreprises la capacité de se saisir très rapidement des innovations. La situation est probablement en train de changer comme on le perçoit dans la progression du rang du pays dans la publication des revues scientifiques, dans le fait que Sony et Philips ont du rechercher une alliance avec Samsung et LG pour être crédible dans les écrans plats, ou encore dans la reconnaissance de marques telles que Samsung ou LG chez les consommateurs nord-américains ou européens.

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