Innovation et internet : « Innovations sociales et pratiques politiques »

Dans le cadre de l’Université de printemps de la Fing qui s’est tenue à Aix-en-Provence les 8, 9 et 10 juin 2005, InternetActu.net vous propose une série de compte rendus synthétiques d’une sélection d’ateliers et de plénières.

Depuis l’origine, l’internet est incontestablement un espace d’essaimage de nouvelles pratiques politiques. Il représente un réservoir d’innovations technologiques et sociales qui semblent autant d’outils d’intervention politique, comme on l’a vu lors de la dernière campagne référendaire. Cependant, les pratiques innovantes naissent, en général, en dehors des institutions et des partis installés – et parfois contre eux : mobilisations SMS aux Philippines, en Espagne ou dans les manifestations altermondialistes, pétitions, forums, communautés en ligne et blogs, réseaux sociaux de type Move On, hacking de sites institutionnels… Autant d’exemples qui révèle l’incessante tension entre citoyens et organisations, comme le rappelle Maurice Ronai.

L’internet et la politique est un vaste champ d’expérimentation qui permet à Xavier Moisant de nous livrer un passionnant exposé de l’utilisation de l’internet lors de la dernière campagne présidentielle américaine. Xavier Moisant montre comment Joe Trippi, le coordinateur de la campagne Démocrate, décida de mettre autant de moyens humains sur l’internet que sur l’organisation traditionnelle de la campagne. En évoquant l’utilisation du mail dans la campagne politique américaine (des mails personnalisés, géolocalisés, dans une démarche plus relationnelle qu’informationnelle), le succès de l’utilisation de Meet-up pour organiser des rencontres locales de militants (qui a permis une réappropriation locale de la campagne), ou encore l’action de Move On pour mobiliser les citoyens et financer des actions concrètes, Xavier Moisant montre comment les usages politiques avaient surtout pour but de lancer une passerelle entre le militantisme en ligne et le monde réel.

Pourtant, les intervenants ne tirent pas forcément le même constat de la campagne référendaire française. Les initiatives privées n’ont pas manqué – quelques-unes, comme NotreConstitution.net que signale Olivier Auber, ont permis de mettre à la disposition des internautes des outils pour lire la constitution. Elles ont surtout été le vecteur d’une expression citoyenne sans précédent et soulignent – d’autant plus nettement qu’elles s’exprimaient différemment sur le web que sur les médias traditionnels, vu que 2 sites sur 3 étaient défavorables au projet européen – les limites d’une communication verticale (argumentaire politique classique) et l’attrait d’une communication horizontale (citoyenne et personnelle) assez nouvelle par son ampleur.

Pour Christophe Aguiton et Dominique Cardon, chercheurs à France Télécom R&D, il ne faut pas en conclure qu’il y aurait une avancée américaine et un retard français. Les structures politiques et syndicales sont bien rôdées. L’utilisation de l’internet s’est imposée là où il y en avait besoin, c’est-à-dire d’abord dans des mouvements sans structure organisationnelle, avant de gagner les syndicats et partis constitués. Cependant, la grande différence tient au fait que les pratiques politiques et sociales de ces réseaux ne sont pas les mêmes : dans les mouvements sociaux, la logique discursive, la pratique du consensus, la gouvernance procédurale est première. On y voit poindre de nouvelle formes politiques plus respectueuses et facilitatrices de la décision des participants. Toute la question reste donc de comprendre comment les pratiques politiques vont se transformer sous la pression de ces innovations et de ces nouvelles pratiques. Quelles hybridations se produiront-elles ?

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