Publicité en ligne, entre « trop » et « mieux »

De nombreux indicateurs le montrent, la publicité en ligne est sur le point de vivre son âge d’or. Ce dernier aurait pu arriver plus vite, si la période des vaches maigres de l’ère post-bulle n’avait jeté le doute sur la réalité d’une nouvelle économie. Qu’elle soit nouvelle ou non, cette économie est désormais bien réelle et, sur le marché de l’e-pub, l’heure est à nouveau à l’euphorie.

Cette perspective peut effrayer ou réjouir, c’est selon.

D’un côté, les anti-pubs regretteront le développement et la perennité des bannières, skyscrapers et autres textads, que d’actives campagnes de dénigrement et de blocage n’ont pas suffi à enrayer. Comme tous les autres médias et supports qui nous entourent, le net n’échappera pas à la règle et verra les espaces virtuels que nous consommons régulièrement se commercialiser, s’échanger, se monnayer. La publicité sera partout. Dans les emails, toujours, où elle a su atteindre un tel niveau de pollution qu’on est en droit de s’inquiéter quant à la viabilité de l’outil qui la véhicule. Sur le web, aussi, prenant de multiples visages, colorés et animés ou au contraire seulement textuels et contextualisés, et ce sur les pages, sous les pages, entre les pages, en haut, en bas ou sur les côtés. Elle sera, enfin, au sein des fil RSS aussi bien que dans les podcasts et autres fichiers web-tv, eux aussi promis à un bel avenir.

A l’inverse, on peut positiver, et reconnaître que la maturité du réseau, de ses utilisateurs et de ses acteurs, s’est considérablement accrue. Côté grandes marques, on est en train de comprendre, à l’instar de Vichy et sa malheureuse expérience dans le monde du blog [1], que tous les coups ne sont pas permis, ou de constater, comme Kryptonite [2] ou Dell [3], qu’il peut être dangereux de sous-estimer la parole blogosphérique. Côté utilisateurs, on est en train de démontrer que de nouveaux usages amènent une vigilance accrue, un esprit critique sur-développé et une réactivité sans pareil – y compris quand il s’agit de publicité ou de marketing. Marqués par une expression populaire qui sait se faire entendre avec vigueur, sur les blogs ou ailleurs, ces usages accroissent le poids des individus face aux grandes entreprises dont ils sont clients – ou simples prospects.

Au total, la publicité en ligne se trouve donc aujourd’hui dans une nouvelle situation de transition. Durant 10 ans, les annonceurs ont fait un apprentissage, long et délicat, du net et des usages qui s’y sont développés. De leur côté, les utilisateurs sont devenus plus avertis, moins passifs, plus exigeants. Ils se sont aussi dotés d’outils puissants leur permettant de ne plus seulement consommer des messages informationnels de toutes natures, mais d’y réagir – ou d’en être les initiateurs.

Plus que jamais, il serait une erreur majeure d’imaginer appliquer les recettes marketing et publicitaires traditionnelles à l’époque qui s’annonce. Sur ce « Web 2.0 », c’est bien la créativité, l’intelligence et même l’audace des annonceurs qui fera la différence. Mais ces qualités supposent une véritable compréhension des mécanismes sous-tendus par ce « nouveau web », reposant sur le partage, la libre parole ou l’avènement des médias individuels. Car, chez les internautes d’aujourd’hui et de demain, le « temps de cerveau disponible » ne se présente peut-être pas tout à fait comme ailleurs.

Cyril Fiévet

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1. Un faux-blog alimenté par un personnage fictif déclenche l’ire des autres blogueurs, avant que ses initiateurs ne corrigent le tir en faisant amende honorable.

2. Un antivol de vélo de la marque Kryptonite pouvait être forcé en quelques secondes avec un simple stylo en plastique. La vidéo de cet « exploit », relayée par de nombreux blogs, fit le tour du web en quelques jours, forçant la marque à rappeler tous les antivols concernés.

3. Jeff Jarvis a décrit longuement et à plusieurs reprises sur son blog ses déboires avec un PC de la marque Dell, déclenchant un vaste débat sur la qualité de service du constructeur, repris par de nombreux blogueurs et par la presse.

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