Le mariage des TIC et des établissement hôteliers ne date pas d’hier, mais devient de plus en plus visible. L’hôtel n’est-il pas, par essence, le symbole du lieu nomade, dans un monde de plus en plus dominé par la dynamique de mobilité, celle de la connexion permanente (avec ou sans fil), ou celle d’appareils divers, partie intégrante de notre environnement personnel ? Et qu’en sera-t-il dans le futur ?
L’intérêt des hôteliers pour l’accès à l’internet, susceptible d’augmenter la fréquentation des établissements, n’est pas nouveau. Dès 1999, une étude menée par Cyberoom, fournisseur de solutions techniques pour les établissements hôteliers, montrait clairement la voie à suivre : « Près des trois quarts de clients estiment que les hôtels devaient fournir de meilleures conditions pour l’utilisation de l’email ou l’accès à l’internet ; la moitié des répondants indiquent qu’ils préféraient surfer sur le web plutôt que d’avoir accès à de multiples chaînes TV ; et lorsqu’on demande de définir les critères de l’hôtel idéal, l’accès internet à haut débit est deux fois plus cité que la télévision en pay-per-view ».
La demande a été entendue. Aujourd’hui, sur les 91 000 hotspots Wi-Fi recensés par l’annuaire Jiwire dans le monde, un quart (soit près de 23 000 points d’accès) sont dans des hôtels. La plupart des grandes chaînes proposent désormais ce service de façon standard, parfois gratuitement. En 2005, l’opérateur T-Mobile annonçait l’ouverture de plus 500 nouveaux points d’accès dans des hôtels, doublant ainsi le total des chambres qu’il équipe aux Etats-Unis pour le porter à plus de 200 000.
Et trois ans après avoir installé des accès Wi-Fi dans une cinquantaine d’hôtels de la chaîne Ramada Jarvis, l’opérateur BT constatait l’année dernière l’engouement des usagers : « La plupart des clients se connectent entre quatre et huit fois par jour et restent en ligne pour une durée de 35 à 45 minutes » (.pdf). En juin, T-Mobile estimait par ailleurs que plus de 500 000 personnes utilisaient régulièrement son service de hotspots (incluant des hôtels, mais aussi des restaurants et des librairies).
Au delà de l’accès à l’internet
Mais si tout voyageur est désormais en droit d’accéder au net dans de bonnes conditions depuis sa chambre d’hôtel, il peut également souhaiter bien d’autres choses.
Depuis mars 2005, la chaîne américaine KSL Resorts propose ainsi dans une dizaine d’établissements hauts de gamme des « iPod Music Suites », sous la forme de luxueuses suites équipées de iPod et de stations d’accueils Bose. Les clients peuvent apporter leur propre baladeurs et en écouter la musique sans écouteurs, ou se contenter des baladeurs disponibles dans les chambres, pré-remplis de musique sélectionnée par l’hôtel.
D’autres établissements ont suivi le mouvement, et l’intégration de produits ou services hi-tech ne s’arrête pas aux baladeurs numériques. Ecrans LCD ou plasma, lecteurs de DVD et autres télécommandes programmables font progressivement leur apparition. Mais certains ont plus d’ambition. Début novembre 2005, la société KoolConnect, fournisseur de solutions techniques pour l’industrie hôtelière, introduisait une offre particulièrement innovante, présentée comme la « killer application du divertissement de chambre d’hôtel ». Le service se résume à un système de nPVR (Networked Personal Video Recording), c’est-à-dire un dispositif d’enregistrement vidéo numérique, en réseau. Comme avec un magnétoscope, l’utilisateur choisit les programmes qu’il veut enregistrer, et peut ensuite les visionner au moment de son choix. Les enregistrements ne sont pas stockés au niveau de chaque chambre, mais sur un serveur centralisé, qui les diffuse ensuite en streaming. L’ensemble fait en outre appel à un dispositif de télévision sur IP qui confère au système, selon son fournisseur, « une flexibilité sans précédent ». Il est par exemple possible de définir de façon dynamique, chambre par chambre, le réglage des chaînes accessibles, en fonction des préférences de chaque client. En outre, le dispositif permet à l’hôtel d’enregistrer lui-même les émissions télévisées les plus populaires. Celles-ci peuvent donc être regardées après leur diffusion, en s’affranchissant du « direct » et avec un décalage temporel propre à chaque utilisateur (sur le modèle du service Tivo).
« A la fin des années 1990, la demande pour des moyens de communication et de divertissement hi-tech a pris l’industrie de l’hôtellerie par surprise ; les hôteliers ont désormais compris que pour fournir à leurs clients une prestation de qualité, les technologies de pointe devaient faire partie intégrante de l’expérience offerte dans la chambre », affirme Mike DiLeva, Directeur Général de KoolConnect.
L’entreprise propose d’ailleurs d’autres produits à forte connotation technologique, notamment des écrans LCD s’incorporant parfaitement dans des miroirs de grande taille (permettant par exemple de diffuser des flux télévisés – ou des publicités – au sein du miroir de la salle de bain…), ou des téléviseurs haute définition (TVHD) affichant en boucle, lorsqu’ils ne sont pas utilisés, des images artistiques (pouvant provenir de banques d’images de galeries d’art), accompagnées de musique d’ambiance.
Inncom, autre société spécialisée dans la fourniture d’applications aux hôteliers, commercialise de son côté un dispositif complet, organisé autour d’une télécommande tactile universelle (permettant de tout piloter depuis la chambre, jusqu’à l’allumage d’une mention « ne pas déranger »à l’extérieur de la porte) mais aussi des capteurs de présence indiquant aux femmes de chambre que la chambre est occupée…
Dans un autre registre, le Wall Street Journalconstatait récemment que plusieurs établissements fournissaient sur simple demande, parfois gratuitement, des consoles de jeux à leurs clients. Des Xbox ou PSP, devenues aussi banales qu’un édredon supplémentaire ? Certains hôteliers incluent en tout cas, parfois depuis longtemps, des jeux vidéo dans leurs services de divertissement accessible par le téléviseur, tandis que d’autres s’assurent que ces mêmes téléviseurs peuvent facilement être connectés à des consoles de jeux.
En route vers le futur
Reste à savoir si les hôtels parviendront à suivre le rythme effréné de l’évolution des produits et services numériques.
Antonio DiMilia, PDG de StayOnline, l’un des leaders de la fourniture d’accès sans-fil aux établissements hôteliers, responsable de l’équipement de 600 hôtels aux Etats-Unis, expliquait en août dernier les enjeux à court et moyen termes. Insistant sur l’essor de Skype ou d’autres solutions de VoIP, mais annonçant aussi l’arrivée de téléphones cellulaires compatible Wi-Fi, il résumait : « Le téléphone du futur incorporera des services de localisation par GPS, des services de divertissement basés sur la radio FM et la TV par satellite, différentes versions de Wi-Fi ou encore du WiMAX pour les données ou les communications en VoIP. Il pourrait aussi inclure d’autres standards, comme le NFC (Near Field Communications), l’UWB (Ultra Wide Band), RFID (Radio Frequency identification) et peut-être même Zigbee. Les conséquences pour les hôteliers, qui devront s’accommoder de la technicité d’un tel téléphone, sont importantes ». « Ce changement arrive, et arrive vite », concluait-il.
Ce qui est vrai en matière de standards sans fil l’est aussi dans de multiples autres registres. Comment anticiper l’avènement de technologies de pointe et les usages qui en découleront ? Dans cette jungle de standards, de câbles et d’appareils en tous genres dont le seul point commun est d’être numériques, sur quelles infrastructures miser pour préparer l’avenir ? Et, surtout, à quoi ressemblera un hôtel en 2025 ? C’est à cette dernière question que plusieurs entreprises du secteur ont tenté de répondre, début 2005, dans le cadre d’une compétition intitulée « L’hôtel de demain ».
© WATG
Répondant sous la forme d’un étonnant document (.pdf) présenté à la façon d’un parchemin de Léonard de Vinci, Wimberly Allison Tong & Goo (WATG), l’un des plus gros cabinets de conseil, d’architecture et de design pour l’industrie hôtelière, proposait quelques concepts ébouriffants. On y trouvait pêle-mêle des lits dépliants (pouvant se modifier pour accueillir une ou deux personnes à la demande), des mini-salles d’exercice en chambre, en forme de tentes dans lesquelles l’utilisateur est immergé dans une scène en réalité virtuelle, ou encore des robots humanoïdes, véritables « femmes de chambre mécaniques », capables de servir des boissons, d’imprimer des documents ou d’assurer des massages… Pour WATG, tout dans la chambre du futur se pilote à la voix, tandis qu’en matière de communication, un « transpondeur » posé sur chaque table de nuit permet aux usagers de participer à des vidéoconférences à base d’images holographiques, pour assister presque « physiquement »à des réunions lointaines, sans avoir à quitter l’hôtel.
Keep it simple
Si l’on peut admettre que de nombreux établissements vont incorporer des technologies de pointe dans les moindres recoins de leurs chambres, encore faudra-t-il savoir harmoniser techniques et usages.
« La simplicité d’usage devient urgente à traiter, à un moment où les hôtels installent des consoles de contrôle, des lecteurs DVD, des téléviseurs avec accès à l’internet, des stations d’accueil pour iPod ou autres gadgets, tout en essayant de limiter au maximum le temps d’apprentissage de leurs clients », lisait-on il y a quelques semaines dans la rubrique Voyages du Los Angeles Times.
La remarque a du sens. Et le défi à relever par les hôteliers ne se résume pas tant à la fourniture de technologies diverses, qu’a leur intégration au sein d’un environnement convivial, souple et simple d’emploi.
Terence Ronson, dans un article sans concession publié dans la magazine chinois (Hong Kong) Hotel Asia Pacific, enjoignait les hôteliers de ne pas se contenter de surfer sur les tendances technologiques, mais plutôt d’anticiper leurs évolutions en profondeur. « Nous devons comprendre comment les gens adoptent ces nouvelles technologies et s’y adaptent, avant de les déployer dans un hôtel », prévenait-il, ajoutant : « Soyons honnêtes, mettre trois télécommandes d’un système de divertissement dans une chambre est vraiment stupide. Installer des têtes de lit sophistiquées, qui ressemblent à des panneaux de commande de centrales nucléaires, n’est pas seulement une perte d’argent, mais s’avérera inutile pour la plupart des gens qui voudront simplement éteindre la lumière oubliée dans la salle de bains. Devoir plonger sous le lit pour dégotter une prise de courant mural relève de la plaisanterie. Et ne pas offrir un câble réseau décent dans la chambre alors que vous y fournissez des accès à haut débit n’est pas seulement irrespectueux pour vos clients, c’est aussi une injustice à l’encontre d’un service dont vous êtes fier – et qui vous a coûté de l’argent ».
« Aviez-vous prédit il y a deux ans que des millions de gens se déplaceraient avec un iPod dans leur poche ? Et que beaucoup d’entre eux aimeraient écouter leur propre musique à partir de la centrale de divertissement qui se trouve dans leur chambre ? Aviez-vous aussi prédit que tous les gens dotés d’un appareil photo numérique aimeraient pouvoir visualiser leurs clichés de vacances sur leur téléviseur ? », continuait-il.
Et l’on pourrait poursuivre la liste, tant les contraintes imposées par les objets nomades sont nombreuses (et connues). Qui acceptera une chambre d’hôtel dépourvue de nombreuses prises électriques, jadis absentes ou soigneusement cachées derrière une tête de lit impossible à déplacer ? Qui se satisfera d’un coffre fort trop petit pour accueillir un ordinateur portable à écran 17″ ? Quelle solution sera-t-elle proposée au cadre en vadrouille parti sans le bon câble pour recharger son mobile ?
Mais la liste des exigences de l’homo modernicus en déplacement ne s’arrête pas aux gadgets qu’il emporte avec lui. Les services devront suivre, et sans doute aller bien au-delà de la seule mise à disposition des usagers d’un accès à l’internet, fusse-t-il à haut débit. Le voyageur solitaire disposera-t-il d’une vaste palette de divertissements, incluant l’accès à moult jeux vidéos, éventuellement en réseau ? Sera-t-il banal d’accéder via son téléviseur à un service d’achat ou de location de films à la demande ? Et pourra-t-on télécharger ces mêmes films dans son baladeur vidéo, pour les apprécier sur le trajet du retour ? De quelle solution disposera-t-on pour accéder à ses mails ? Et, le cas échéant, pour en imprimer les pièces jointes depuis la chambre d’hôtel ? Sera-t-on contraint d’emporter, y compris en vacances, un ordinateur portable, notamment pour avoir le droit à une petite séance de visiophonie avec le reste de la famille ?
« Nous sommes les passagers du train de l’évolution ; un train qui avance à une vitesse que personne n’aurait imaginé et qui n’est pas prêt de se ralentir », concluait Ronson, rappelant aussi qu’« anticiper les demandes de nos clients, et leur fournir ce dont ils ont besoin avant qu’ils ne l’aient demandé, tel est l’art de l’hôtellerie ».
Cependant, l’anticipation de ces besoins, exprimés (ou non) par des individus dotés de nombreux gadgets et d’équipements nomades hi-tech pose aux hôteliers un problème d’ordre économique. D’une part, ces outils permettent aux clients d’assouvir – de façon autonome – des besoins qui auraient pu leur être proposés – et facturés – par les hôtels eux-mêmes. D’autre part, adapter les établissements et les chambres dans le but d’accueillir ces nouveaux composants du nomadisme technologique coûte cher. Le consultant Jim Medick (MRC Group) estimait en septembre dans le Las Vegas Review Journal que, pour l’heure, on pouvait voir dans ces contraintes une opportunité : « Quel que soit l’âge, le marché d’aujourd’hui repose sur la capacité à rester connecté. Même si beaucoup d’hôtels ont perdu de l’argent en facturant moins d’appels téléphoniques à cause de la généralisation des téléphones mobiles, ils peuvent s’y retrouver en offrant des services de fax dans les chambres, ou des locations de consoles de jeu à la réception ». L’exemple de Las Vegas est d’ailleurs intéressant, s’agissant d’un endroit jadis réputé pour le caractère spartiate de ses hôtels, incitant les visiteurs à en sortir… pour aller aux casinos. Les choses ont changé et de nouveaux établissements, tous plus démesurés les uns que les autres, offrent désormais un confort d’équipement hors norme : téléviseurs hauts de gamme (Bang&Olufsen) assortis de télécommandes pilotant tous les appareils de la chambre des suites du MGM Grand, iPods au Green Valley Ranch, imprimantes et fax dans les chambres au Venitian. Les hôteliers sont unanimes : technologie et gadgets aident à vendre et correspondent à ce qu’attendent les clients d’un hôtel moderne.
La problématique des responsables hôteliers, confrontés à une forte évolution des usages et des exigences, est donc double : d’un côté, ils doivent tirer le meilleur parti, technique et financier, des technologies existantes ou futures. De l’autre, ils doivent, plus que jamais, garantir la simplicité d’utilisation – voire l’universalité – des services proposés, en restant au plus près des usages et besoins constatés.
(Remarque : même si cet article ne prétend nullement être exhaustif, j’avoue avoir eu du mal à trouver, en France, des projets ou initiatives innovantes en termes de technologies et usages testés dans des hôtels. Je ne doute pas que ces initiatives existent et si vous en connaissez, merci de nous aider à les découvrir, en utilisant les commentaires pour cela)
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Here is a start…: http://neo-nomad.kaywa.com/know/hotel.html
More soon!
Oui, mais…..les hotels restent des « distributeurs » de services qui se doivent d’etre au plus pret des besoins d’une clientele exigente et mutante… J’avoue que lorsque je dors dans un hotel sans connection internet, j’ai l’impression de me retrouver 50 ans en arriere…
Voilà la société à la pointe de la techno dans le monde hotelier…
http://www.locatel.net