UpFing06 : Les entrenetteurs

L’atelier « les EntreNetteurs » de l’Université de printemps 2006 de la FING s’est intéressé aux nouveaux intermédiaires des réseaux sociaux et à leurs modèles économiques : plates-formes de blogs ou de publication collective, places de marché entre particuliers, sites de partage d’images ou de signets, connecteurs de réseaux sociaux, organisateurs de rencontres, agrégateurs, moteurs de recherche spécialisés…

Pour Julien Jacob, directeur général de Cnet Networks France (ZDNet.fr), il convient d’être prudent sur la notion d’intermédiaire. Ainsi, Google Actualités n’est pas un média, mais davantage l’équivalent actuel du kiosque à journaux. Plus généralement, il estime qu’on augmente la pertinence des modèles économiques en accroissant le caractère participatif des services disponibles. Quand un lecteur, par exemple, peut prendre la parole dans un media, il y a de fortes chances qu’il se sente plus en affinité avec celui-ci. S’il y a toujours des risques de manipulation (des blogs par les marques, notamment), l’essentiel est de développer l’esprit critique, principal vecteur de création de valeur dans l’Entrenet.

Plusieurs des participants s’élevent toutefois contre le principe de « monétisation de l’Entrenet ». Jean-Luc Bergonzi (Viabloga ) voit même une contradiction entre l’Entrenet et la logique financière : « Cet Entrenet est basé sur l’exploration et la découverte de nouveaux territoires. Il se développe sans préoccupation de modèle économique ». Pourtant, les espaces et les outils les plus symboliques de l’Entrenet sont presque tous commerciaux : MySpace et les Skyblogs, Linkedin, FlickR, Del.icio.us, la quasi-totalité des plates-formes de blogs, etc. Ces acteurs ne sont certes pas à la source des pratiques, mais c’est au travers d’eux, et sans se soucier vraiment de leur caractère marchand ou non, que les pratiques sont passées à « l’échelle supérieure ».

« Il faut sortir de la logique binaire marchand/non marchand », insiste Fabien Lair directeur associé de NextModernity. Le commerce a sa place dans l’EntreNet, mais dès lors qu’il s’assume et se vit comme un véritable échange. « Une entreprise qui veut devenir partie intégrante de l’Entrenet doit y participer elle-même, et en devenir l’un des acteurs ; si elle ne le fait pas, le modèle s’effondre. » Mais pour les responsables d’agences web présents, leurs clients sont encore rares à comprendre ce changement. « Le mot ‘blog’ fait toujours peur », souligne Fabien Lair. Toufik Lerari de TequilaRapido rapporte la réponse la plus fréquente : « un blog ? Ah non ! Il y aura des commentaires négatifs ». Pourtant ces commentaires négatifs (internes ou externes à l’entreprise) finiront bien par faire leur chemin : les entreprises doivent savoir les repérer, les relever, y répondre ou en tirer parti.

Sur ce créneau, de nouveaux entrenetteurs apparaissent tel Feedback 2.0 qui « permet aux Internautes d’exprimer directement aux marques et entreprises leurs souhaits d’amélioration des produits, des services et de l’environnement de vente ». Mais en réalité les directeurs de communication(s) répondraient le plus souvent : « blogs, rss, wiki, tags, web 2.0, je ne pratique pas (voir je ne connais pas, mais ma fille oui…) ». Aujourd’hui, la plupart des entreprises, y compris du CAC 40, ne voient dans le blog qu’un outil pour extravertis, et ne connaissent pas FlickR et consorts. Il est également difficile de convaincre des directions des grands comptes de l’intérêt et de l’efficacité d’outils qui sont presque gratuits en comparaison des coûts auxquels ils ont été habitués. « Beaucoup craignent aussi la non pérennité de ces nouveaux outils », ajoutait Toufik Lerari.

Sur la question de l’éventualité d’une 2e bulle Internet, la plupart des intervenants s’affirment confiants. « Le principe de la bulle constitue peut-être un cercle vertueux, qui permet de ‘nettoyer’ le marché, tout en gagnant en maturité », avance Julien Jacob. Pour Toufik Lerari, « on voit davantage apparaître un ensemble de micro-bulles, plutôt qu’une bulle unique comme par le passé ; il est peu probable que ces micro-bulles explosent en même temps ». Éric Di Filippo de TequilaRapido de rajouter : « il s’agirait de toutes les façons d’une beta bulle ! » , en référence au stade de phase de beta-test, apposé sur la plupart des outils du web 2.0. Surtout, contrairement à ce qu’il se passait à la fin des années 1990, les financiers n’exagèrent pas au même point la valeur du nombre de visiteurs/membres/clients d’un site, et les modèles économiques sont beaucoup plus divers.

Un modèle innovant s’est ainsi fait remarquer récemment, celui d’IndieKarma, une nouvelle plate-forme qui propose de financer blogs et sites par du micro-paiement en débitant le visiteur de 0,01 dollar lorsqu’il visite un site faisant partie de ce réseau. Pour lancer le service, le premier dollar était offert aux 5000 premiers inscrits.

Dans le même ordre d’idée, le projet NewsMe de Luc Legay, futur service de partage d’information personnalisée, proposera à ses utilisateurs de rémunérer les sources qu’ils estimeront pertinentes, à partir de comptes pré-crédités. Dans les deux cas, il s’agit de convaincre l’internaute de rémunérer l’information de qualité. De petites sommes, multipliées par un grand nombre, auquel Cyril Fiévet, animateur de cet atelier croit beaucoup en parlant même de nano-économie.

Il apparaît en tout cas que dans bien des cas le modèle économique se construit pendant la réalisation du projet, voir à posteriori !

Pour finir, un consensus semble s’établir sur la nécessité de doter ce nouveau monde d’une éthique. « Il est impératif de disposer de chartes éthiques qui précisent le traitement fait à partir de nos données personnelles » , estime Luc Legay, qui propose sur son blog quelques instants en vidéo de la rencontre. « On ne crée pas de valeur en arnaquant les gens », résume Julien Jacob, laissant entendre que les utilisateurs feront rapidement le tri, abandonnant les services dont les pratiques seront jugées inacceptables. Matthieu Picano (Internethic) conclut : « Il ne faut pas opposer le monde des affaires et celui de l’éthique ; les utilisateurs, en se réappropriant les outils, vont sans doute influencer les choses et, peut-être, en accroître l’éthique ; je crois qu’on va aller vers une demande de services plus éthiques » . Et de penser qu’après le « BtoB », le « BtoC » n’y aurait qu’un pas à faire vers le « HtoH » (Human to human, c’est-à-dire d’homme à homme). Mais n’est-ce pas précisément ce que raconte l’EntreNet ?

Mickaël Raybaud et Cyril Fiévet

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  1. Esclave 2.0, Un texte intéressant, polémique, sur le sujet :

    « Toutes les entreprises du Web 2.0 sont là pour faire du commerce, pour exploiter vos données personnelles afin de les faire fructifier, parfois même en vous faisant payer. Technorati ne respecte pas le robots.txt, Google se sert de votre contenu pour faire des revenus publicitaires, même si votre contenu est sous une licence d’utilisation non commerciale, etc. Il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles. Utiliser les concepts de liberté, de créativité, de beaux sentiments, de communautés pour mieux vous abuser, pour mieux pomper tout ce qui fait de vous un consommateur bien identifié est une arnaque. »

    http://www.la-grange.net/2006/03/29.html#web20
    (avec de nombreuses références anglo-saxonnes sur le thème)