Les écoles françaises sous-développées en matière de NTIC ?

63% des écoles européennes, mais seulement 29% des écoles françaises, ont un site web, et la France arrive en 21e position, sur 27, pour ce qui est de l’utilisation des ordinateurs en classe, alors qu’elle compte le plus grand nombre de de blogueurs adolescents…

Une enquête de l’Union Européenne, qui a sondé plus de 10 000 directeurs d’école et plus de 20 000 enseignants, accable l’école française, et plus particulièrement les enseignants, qui feraient partie des derniers à utiliser l’informatique et l’internet en classe.

« Plus de 90 % des enseignants utilisent un ordinateur ou l’internet pour préparer les leçons. Soixante-quatorze pour cent les utilisent également comme outil pédagogique, mais là encore les différences sont importantes : 96 % au Royaume-Uni, 95 % au Danemark, 36 % en Grèce et 35 % en Lettonie. » La France, pour sa part, arrive en 21e position sur 27 : 66 % seulement des enseignants avaient utilisé l’ordinateur en classe l’année précédant l’enquête. Et 64 % de ceux qui s’en sont servi l’ont fait dans moins de 10 % de leurs cours, contre 3 % dans plus de la moitié des cas. Les quatre raisons principalement évoquées sont le manque d’ordinateurs (63 %), l’incompétence des enseignants en la matière (33 %), le manque de matériel adéquat (26 %) et leur conviction que les ordinateurs ne présentent guère d’intérêt (22 %). L’étude relève également que si 88 % des écoles primaires françaises ont un accès internet, la moyenne européenne est de 96 %.

On dénombrerait pourtant 12,5 ordinateurs pour 100 enfants en France, contre 11,3 en moyenne en Europe. L’explication serait à chercher du côté de la perception qu’ont les enseignants de l’informatique, et des usages, ou plutôt de l’absence d’usage, qu’ils en ont. Avec la Grèce, le Portugal et la Hongrie, la France fait en effet partie des pays où les enseignants se sentent le moins compétents pour utiliser l’internet en classe. Avec la Lettonie, la Lithuanie et le Portugal, la France fait également partie des pays où les enseignants sont le moins bien formés aux NTIC (en l’espèce, il s’agissait de savoir s’ils se sentaient plus ou moins capables d’utiliser Word, PowerPoint, le courrier électronique, et de télécharger et installer un logiciel).

Par ailleurs, 63 % des écoles européennes, mais seulement 29 % des écoles françaises, ont un site web. Ce qui n’empêche nullement Skyblog, qui cible essentiellement les moins de 18 ans, d’être la principale plateforme de blogs française, et surtout, un phénomène presque unique au monde. Peut-être faudrait-il proposer aux adolescents de donner quelques cours particuliers aux enseignants réfractaires, ou défaillants… Plus sérieusement, cette étude pose une fois de plus la question des usages : on peut être bien équipé, mais ne pas se servir de ses outils, et, a contrario, on peut avoir l’un des plus grands taux européens d’enseignants se sentant incompétents, et être le pays qui compte le plus de blogueurs adolescents.

Reste à savoir comment interprêter ces statistiques. Le premier réflexe naturel consiste à lever les yeux au ciel : décidément, l’Ecole en France est bien le mammouth que certains décrivent ! Mais si l’on prend du recul, on peut se poser la question autrement : la norme implicite dans de telles études, qui consiste à penser que plus d’usage de l’ordinateur en classe, c’est forcément mieux, a-t-elle un sens ? Les écarts statistiques n’expriment-ils pas d’autres différences plus profondes, entre systèmes éducatifs – le système primaire et secondaire français n’étant, selon toutes les études, pas si mauvais que ça ? On sait en tout cas qu’il n’y a guère de preuves que l’usage de l’ordinateur en classe produise des effets pédagogiques particulièrement positifs (ou négatifs, d’ailleurs)…

Autrement dit, ce qu’exprimerait l’étude, c’est d’abord que l’Ecole française fonctionne de manière assez profondément différente de la société. Un tel choix pourrait se concevoir, s’il s’agissait bien d’un choix. On peut aussi penser que cette situation contribue à faire de l’école un dispositif de reproduction des inégalités : il est sans doute plus facile de fonctionner dans une école-sanctuaire quand on dispose de bases solides, de repères qui facilitent le passage d’un univers à l’autre, et d’ordinateurs à la maison.

Jean-Marc Manach et Daniel Kaplan

À lire aussi sur internetactu.net

0 commentaires

  1. Ce qui est tout de même dommage, en France, est que l’enseignement de quelques matières type histoire, géographie, ne bénéficient pas plus de l’apport du multimedia et reste « accroché » à de pauvres vieux manuels imprimés!

  2. Il faut avouer que faire se concentrer les enfants quand ils sont devant un ordinateur doit pas etre tres facile. Pour ma part quand j’etais eleve a chaque fois qu’un prof essayait d’enseigner quelque-chose en nous mettant devant des ordinateurs je passais mon temps a jouer avec et le prof passait presque tout son temps a faire de la discipline.
    L’ordinateur reste je pense pour la plupart des eleves un divertissement, contrairement aux livres (malheureusement). Enseigner en se servant d’ordinateurs permettrait peut-etre de justement faire comprendre que l’ordinateur peut etre utilise pour travailler et pas seulement pour ecrire des « kikoo asv lol mdr » sur skyblog (et les livres pour se divertir meme, carrement, soyons fous ;))

  3. D’accord avec Lehalle… Avant de manquer le rdv d’internet, l’école en France à manqué ceux avec l’audiovisuel… Il faudrait se demander pourquoi…

  4. On ne peut pas introduire – ou recommander l’introduction – d’une technologie éducative sans renouveler un modèle pédagogique. « Internet à l’école » implique que les profs aient le temps et l’espace psychique pour accepter des modifications de place ; par exemple l' »exercice » est plein d’imprévu, le prof doit accepter de perdre le contrôle, l’important n’est plus de trouver la réponse mais de justifier un cheminement de recherche, etc. Le cours perd de son importance : les sources en sont facilement repérées par les élèves, ou des équivalents avantageux lui sont opposés.
    On ne pourra pas espérer ces prises de risques de la part de nos enseignants tant que leur image sera dévalorisée et que l’échec et l’insécurité seront les deux caractéristiques mises en avant quand on parle d’éducation… Montrons les succès, montrons que l’école est un lieu d’expression et de construction de soi.
    Nous avons raté le rendez-vous de l’audio-visuel, mais celui-ci revient avec la balado diffusion et les diaporamas sonorisés : comment aider l’école à en faire quelque chose de bien, qui rattrape le ratage -partiel- de l’entrée d’Internet ?

  5. L’hypothèse la plus probable est, selon moi, que la télévision a brisé quelque chose dans le système de l’intelligence collective en altérant les modes de communication orale dans les familles et dans l’environnement social immédiat. La télévision a brisé le jeu interactif de la parole qui fait de tout échange linguistique un moment d’apprentissage du monde et d’abord de la langue. Quand quelqu’un vous parle, il est indispensable que vous l’écoutiez bien, parce qu’il est indispensable que vous le compreniez, parce que de cette compréhension dépendra que vous puissiez lui répondre. Si vous ne lui répondez pas, vous montrez que vous ne l’avez pas compris ni sans doute seulement écouté, ce qui sera vexant pour lui, et de plus vous mettrez fin au jeu de l’échange, alors que le but premier de tout échange est qu’il se poursuive. Si vous n’êtes pas sûr de bien comprendre ce que l’autre vous dit, ou si vous n’êtes pas sûr de savoir quoi lui répondre, il existe une manière facile de s’en sortir qui consiste à répéter ce qu’il vous a dit, ou plutôt ce que vous avez cru comprendre dans ce qu’il vous disait. Les vieux niçois font un usage immodéré, très amusant mais très efficace aussi de ce procédé. On peut reconnaître ceux qui ont appris à (se) parler avant que la télévision ne se répande et ne commence à faire ses ravages à l’utilisation qui est faite de la répétition, du feuilletage conversationnel. Car la répétion de ce que l’autre vient de dire est une façon de vous assurer que vous avez bien compris. C’est une façon surtout de lui marquer que vous l’avez écouté, que ce que qu’il dit vous intéresse. Et c’est une façon enfin de faire que le jeu de l’échange se poursuive. Or, dans tout cela, il y a de l’intelligence collective. Il y a de l’effort de compréhension et donc de l’apprentissage (à tout le moins de la langue). Que deux personnes se parlent et nous avons déjà de l’intelligence collective (de l’apprentissage). Et non seulement la télévision ne vous entraîne pas dans ce processus, mais elle vous le désapprend. On voit cela dans les classes.

  6. Cette étude m’inspire trois réflexions :

    1. le paradoxe apperent qu’il y a dans les résultats européens et la précédente https://www.internetactu.net/?p=6525 qui montrait que l’école européenne ne sait pas éduquer aux nouveaux médias. Si les écoles sont équipées, outillées, que les enseignants sont massivement usagers, y compris en cours, cela pose la question des usages et de l’application des TICE dans une optique éducative et pas seulement pédagogique.

    2. en France on n’en est donc pas à ce genre de questions. Ce qui me frappe c’est la part très faible des enseignants à forte pratiques (3%), ce qui renforce l’idée dun terrain encore marqué par l’expérimentation et l’ère des pionniers, alors que par ailleurs le ministère institutionnalise à tout de bras, avec les ENT en fer de lance. Il y a là une inversion du processus d’innovation qui pose, évidemment, la question de l’accompagnement aux usages, de la conduite du changement dans une optique de généralisation, de formation continue évidemment. Il y a à ce niveau moins un problème de moyen que des questions de méthode et de culture.

    3. alors que les jeunes sont massivement outillés et usagers et que la société est en train de changer et d’intégrer la Société de l’Information, où en est le monde de l’enseignement sur ce chemin ?

  7. Aux USA, j’ai travaillé et vu fonctionner deux classes sur le logiciel d’enseignement de l’anglais : Read 180 (Scholastic). Il permet de suivre l’élève du début de sa scolarité jusqu’à la fin. L’élève avance à son rythme. Sa progression est analysée par l’ordinateur qui fournit des rapports et des guides de progression pour le prof, l’élève, les parents, le directeur pédagogique… Ces rapports sont individuels et collectifs. Si vous avez l’occasion de passer aux US, essayez de visiter une classe qui utilise ce logiciel. C’est à voir. Au passage, je n’ai pas vu les profs « faire la police ». Le logiciel est apparemment assez prenant pour que les élèves ne soient pas dispersés.

  8. C’est pourtant un outil très intéressant…
    je fais donc partie, je l’apprends de ces 3% de profs qui l’utilisent en permanence, couplé à un vidé projecteur. J’ai un tablet PC « joujou super et bien utile » associé à une connexion haut débit, en utilisant un site Internet comme support. Les cours de SVT sont ainsi plus captivants, et plus intéressant, à en croire les élèves et le temps passe vite, agrémenté de photographies, d’animations, de films, d’exercices interactifs…d’un microscope couplé à la tablet PC pour mutualiser l’observation…schéma réalisé sur le tablet PC puis sauvegardés sur le site… Mais cela ne convient pas forcément à tous les élèves, ce n’est qu’un outil qui remplace de nombreux autres, tableau noir, craies, diapos, magnétoscope…

    Pour ce qui est du corps enseignant, il faut dire à leur décharge que tout n’est pas si simple, soit on est tombé dedans et l’on s’est formé sur le tas, surtout la nuit… soit on cherche des formations, et là, on apprend mais pas assez vite car l’outil évolue rapidement ainsi que les attentes de nos élèves. On ne peut pas demander à nos profs de passer de zéro minute d’utilisation à une utilisation ponctuelle et journalière Les profs n’ont pas étaient ou trop peu formés, la machine « éducation » prend du retard…

  9. Il y a plein de chiffres dans cette statistique, et quelques éléments qui devraient inciter à la prudence:
    – l’enquête est basée sur l’auto-déclaration. Méfiance. 88% des écoles primaires françaises ont un accès internet. Dans le bureau du directeur ou accessible par les enfants? Sur un poste pour toute l’école ou sur tout un réseau? Un ordinateur pour 10 élèves? On compte les MO5 encore en activité dedans (je ne plaisante quasiment pas)? Il y a encore plein d’école sous Windows98, qui n’est plus maintenu depuis cet été.

    ceci étant précisé, je trouve les résultats de l’enquete un peu optimiste:
    – En France, le matériel et l’accès internet est financé par les collectivités locales. Il y a un monde de budget entre un conseil général ou régional et une petite mairie.
    – En France la maintenance est du ressort… de qui? Les enseignants n’ont pas vocation à être des techniciens; le ministère envoie ça aux gens qui financent le matériel. les collectivités locales renaclent un peu. La situation est donc très disparate entre les établissements. « Moins de la moitié des écoles ont conclu un contrat d’assistance ou de maintenance avec un prestataire de services », dit l’étude. Qui doit payer? En France, la question est débattue depuis le plan informatique pur tous (1985).
    Peu d’école française ont un site web? Rien d’étonnant là dedans. Il n’y a pas de solution globale pour l’hébergement. Certaines académies proposent un hébergement aux écoles, d’autres non. Le ministère a eu la bonne idée de passer un accord-cadre avec La Poste pour que les écoles puissent avoir un email pour les classes et les élèves, mais aucune solution globale n’est proposée pour les sites web. Le nouveau B2i (BO du 20 juillet 2006) parle de « situations de communication en temps réel ou différé ». On envoie tout le monde sur MSN ou on met en place des serveurs Jabber pour le chat entre école? La question va se poser aussi. Les enseignants ne risquent pas trop de s’y lancer massivement si la première condition est de se décrouiller seul pour trouver une plate-forme technique.

  10. Je viens de parcourir tous les commentaires qui sont vraiment bien. Je ne sais trop quoi dire par rapport aux chiffres, il faut prendre des précautions. Mais j’ai deux observations :
    Si, de manière professionnelle, les gens qui sont payés pour cela, réfléchissent aux objectifs d’apprentissage, ils doivent bien se douter qu’il faut mettre des moyens en face.On peut toujours dire que c’est Pierre ou Paul qui doit payer mais en attendant… Il faudrait prendre exemple sur ce qui est fait, dans les pays numériquement développés, comme l’Inde : passée en 10 ans de rien-du-tout à quasi leader mondial sur ce domaine.
    Mais j’ai bien peur que l’enseignement de la culture numérique soit laissée à l’aventure des gens croient bien faire. Quand va t on enfin confier cela à des professionnels ? Quel mal y a t il à cela ? Que je sache, les instituteurs ne font plus la soupe du midi !
    Second point : croire que l’indiscipline supposée des élèves devant un ordinateur justifie que l’on ne fasse rien, c’est pas super encourageant pour l’avenir!

  11. Cela fait 18 ans que en tant que gestionnaire de lycée j\\\’essaie de résoudre la quadrature du cercle en matière d\\\’informatique. Pour ma part je trouve les enseigants trés coopératifs et engagés aux nouvelles technologies, toute la communauté éducative partage ce point de vue. Par contre lorsqu\\\’il s\\\’agit de mettre en oeuvre les moyens de maintance des appareils ou des réseaux, c\\\’est la débandade à tous les niveaux, que ce fût au niveau des collectiviés territoriales ou de l\\\’Etat. En effet en 1997, la mise en place des emplois jeunes a permis de recruter des techniciens pour les nouvelles technologies dans les EPLE, mais coup de théâtre en septembre 2002, ils sont supprimés, des centaines de lycées se retrouvent orphelins et sans personne pour les aider. De leur coté, les Régions mettent en avant des moyens financiers considérables pour l\\\’acquisition de matériels dans les lycées mais sans se poser la question de la maintenance pour ces nouvelles technologies, aujourd\\\’hui les personnels TOS sont transférés aux régions mais il n\\\’existe pas de corps de techniciens chargés spécifiquement de la maintenance informatique si bien que la loi sur les libertés locales du 13 Aout 2004 laisse un vide immense en la matière. Hélas par l\\\’incompétence de nos élus et de leur mauvaise foi tant au niveau local que national, personne ne prend en compte les réalités du problème, la maintenance informatique va continuer à reposer sur la bonne volonté de quelques uns dont des enseignants qui ne comptent pas leur temps et sur lesquels trop de personnes sont prêtes à tirer à boulet rouge !

  12. Les comparaisons sont toujours difficiles à interpréter.

    Un visiteur de mon site sur 10 vient du Maroc. Mais…
    – Le Maroc a deux fois moins d’habitants que la France ;
    – La langue officielle n’est pas le français ;
    – Les équipements sont différents ;
    – Les plans de formations sont différents ;

    Que déduire quant à la fréquence d’utilisation de l’ordinateur en classe ? Ce n’est pas un exemple européen ni même un sondage, mais c’est pour dire que ce genre de sondage est sujet à caution…