Vers des robots « multicellulaires »

L’idée d’utiliser des collectifs de robots pour résoudre divers problèmes n’est pas une nouveauté, le concept a même le vent en poupe. A l’université de Lausanne, par exemple, l’équipe de Marco Dorigo se concentre sur les swarmanoids un « essaim » (swarm) d’entités mécaniques capables de s’aider mutuellement pour résoudre des problèmes tels que porter un objet, contourner un obstacle, etc.

Aujourd’hui, ces « intelligences collectives » s’apparentent avant tout à des sociétés : bien que des comportements nouveaux, émergents, apparaissent au sein du collectif, chaque robot reste une entité unique à part entière.

Le nouveau projet Symbrion, lancé par l’Union Européenne, envisage d’aller bien plus loin dans l’intégration des différents agents. La métaphore n’est plus ici la société, ou la ruche, mais bel et bien l’être pluricellulaire, constitué d’une multitude d’éléments si intimement connectés entre eux qu’on ne peut plus parler que d’une seule et unique créature.

Les concepteurs de Symbrion prennent certaines formes de vies pour modèles, comme ces algues qui se constituent en organismes multicellulaires pour s’adapter à certaines contraintes environnementales, puis se redissolvent en une multitude d’agents indépendants, une fois le problème résolu ou le danger écarté.

De fait, il existe un certain nombre de différences entre un collectif de robots et une telle « superentité ». Dans un « swarm », par exemple, chaque robot possède sa propre source d’énergie. Dans l’autre cas, au contraire, cette énergie est partagée. Dans un collectif traditionnel, chaque robot possède ses propres capacités de calcul. Elles sont mises en commun dans le superorganisme.

Le SymbrionDe même, la notion d’émergence devient plus complexe. Dans un essaim, l’intelligence collective est statistique. Les constituants ont tendance à adopter un comportement spécifique en rapport avec la collectivité, mais il y a toujours des exceptions, des cavaliers seuls. Au contraire, dans un système Symbrion, tous les éléments doivent fonctionner en parfaite collaboration. Pour cela, les robots élaboreront un logiciel spécifique capable de contrôler le robot assemblé.

De plus, en général, dans un « swarm », chaque robot possède les mêmes caractéristiques. Ou alors, comme dans le cas des swarmanoids, il existe plusieurs « races » de robots différents, mais les caractéristiques de chacun sont déterminées à l’avance. Avec le projet Symbrion, on se rapproche encore une fois de plus du vivant. Chacune des machines est identique aux autres au départ, mais lorsqu’elle s’intègre au collectif, elle se spécialise. Par exemple, celles qui restent au contact avec l’extérieur pourront utiliser leurs capteurs pour créer une « peau », tandis que celles à l’intérieur du « corps » cesseront d’utiliser cette fonctionnalité pour elles inutile.

Enfin, pour piloter le robot collectif, il faudra aussi inventer un « génome » définissant le rôle des différents constituants.

Les chercheurs ont imaginé une situation exemplaire dans laquelle les multiples robots ont besoin d’accéder à une source d’énergie séparée d’eux par un muret. Ils s’assembleraient alors en une créature munie de jambes assez hautes pour être capable de surmonter l’obstacle et s’alimenter en électricité.

Un tout nouvel ensemble de concepts, adapté à ce nouveau type de technologie, reste à élaborer. Par exemple, ces nouveaux organismes pourraient développer une forme de sexualité, se reproduisant en mixant leurs « génomes ». Ils pourraient aussi s’adapter aux contraintes extérieures en suivant le modèle du système immunitaire.

Comme Jon Timmis, chercheur participant au projet et spécialiste justement des « systèmes immunitaires artificiels », l’a expliqué dans IT News « nous pourrions utiliser le système collaboratif composé de nombreux robots en le faisant intervenir dans des situations ou une intervention humaine est impossible. Par exemple, un collectif Symbrion pourrait être lâché dans un immeuble effondré à la suite d’un tremblement de terre, et s’assembler en équipes pour soulever des débris ou chercher des survivants. »

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0 commentaires

  1. C’est fascinant, je débattais hier avec un confrère (je suis médecin) pour lui faire comprendre le web neuronal et je prenais comme exemple l’explosion cambrienne et l’apparition des metazoaires. Votre article l’illustre parfaitement et si l’on remplace les robots par des humains connectés, on arrive à un superorganisme capable de faire face à des difficultés paraissant insurmontables (comme trier du spam par exemple…).

    http://www.atoute.org/n/forum/showthread.php?p=1768490#post1768490