Adam Greenfield (blog) prépare un livre sur notre environnement urbain (précommande) : The city is there for you to use (« la Ville est là pour que vous l’utilisiez »). En attendant son intervention à la conférence hollandaise PicNic (qui se tiendra fin septembre à Amsterdam), il explique dans une interview aux organisateurs, sa conception de la ville. « Je pense que les villes ne parlent que de difficultés. Elles évoquent nos attentes : d’un bus, qu’une lumière qui change, d’une commande dans un restaurant rapide… Elles évoquent nos frustrations : monnaie pour les tickets de parking, merdes de chiens, voisinages bruyants… Elles nous rappellent l’inévitable proximité psychique et physique avec le genre humain avec qui nous sommes en compétition pour le même ensemble de ressources limitées »
Aujourd’hui, avec l’informatique omniprésente, le réseau, les technologies ambiantes, nous pensons que nous avons les moyens de prévenir certains de ces problèmes, explique-t-il : on ne déambule plus dans les rues dangereuses, car elles n’apparaissent même plus sur nos cartes électroniques ; on ne mange plus dans le restaurant qui clignote en rouge dans notre carnet d’adresses électroniques parce qu’il a reçu trop de visites des services sanitaires, etc. Oui, l’informatique omniprésente rend ce qui était obscur ou caché plus transparent, avoue-t-il, nous faisant apparaitre des données qu’on ne voyait pas forcément.
Mais tout cela à un coût. La solitude, l’anonymat, la sérendipité – qui sont autant d’ingrédients de notre savoir-faire urbain -, vont disparaître, prophétise Greenfield. Nous serons peut-être plus riches et plus en sécurité voire même plus heureux avec l’arrivée des services et des systèmes, mais nous aurons aussi perdu quelque chose.
Pour mieux nous amener à comprendre ce qui change dans notre approche de la ville à l’heure des réseaux, Adam Greenfield fait référence à la contextualisation.
Comme il l’expliquait sur son blog, Greenfield distingue les services basés sur la localisation (Location Based Services) des applications qui prennent en compte le contexte (context-aware applications). D’un côté, il y a un objet capable de prendre en compte son contexte d’utilisation, comme l’objet transparent de Mac Funamizu dont nous avions déjà parlé : si vous l’associez à du texte, il devient un lecteur ; dans un point de vente, il devient un porte-monnaie, pointé sur des bâtiments, il en dit le nom et en décrit les fonctions. Alors qu’un service basé sur la localisation ne permet que de faire certaines choses à un emplacement et un seul. Dans l’exemple développé par Mac Funamizu, l’objet n’a aucune importance en soi, ce qui est important c’est que son utilisation dans certains contextes ouvre l’ensemble des services disponibles.
Dans son essai qui date de 2004 intitulé, De quoi parlons-nous quand nous parlons du contexte (.pdf), Paul Dourish – l’auteur de Where the action is (Là où est l’action), qui posait les bases philosophiques de l’interaction homme-machine -, évoque la rupture entre l’approche positiviste et phénoménologique du contexte. Dans la tradition positiviste, chaque chose, chaque personne, chaque objet, a une identité stable et concrète, une position dans l’espace et le temps qu’un observateur objectif peut décrire. Alors que dans l’approche phénoménologique, par contraste, tout réside dans l’interprétation : chaque objet dépend de la perception – forcément instable et subjective – que nous avons de lui. Dit autrement, pour les phénoménologistes, le monde dans sa richesse ne saurait se réduire à un jeu de données.
Dourish distingue 4 problématiques qui s’appliquent au contexte, vu d’une manière phénoménologique :
- le contexte est une forme d’information. D’où le fait qu’on puisse créer un objet contextuel, car tous les éléments pertinents à la compréhension d’une situation donnée peuvent être encodés.
- le contexte est délimitable, c’est-à-dire que l’on peut déterminer ce qui est pertinent et ce qui ne fonctionne pas.
- il est stable.
- le contexte et l’activité sont séparables : ce que je fais (boire un café) est distinct du contexte dans lequel je le fais (au café, avec telles personnes…).
Reste que la difficulté est de parvenir à encoder le contexte selon des modalités qui permettent d’enrichir de manière pertinente les activités qu’on réalise. « Mais Dourish affirme (de façon convaincante je pense) que c’est une mauvaise question. Pour lui, on ne parvient au contexte qu’à travers l’interaction – « une réalisation, plutôt qu’une observation, une issue, plutôt qu’un principe ». Le contexte est relationnel au sens le plus profond du mot : il est un état qui découle de la performance partagée et de la compréhension de toutes les parties en jeu », explique Greenfield. Car au final, le but est d’être en mesure d’utiliser le contexte pour élaborer ou discerner le sens de l’activité de l’utilisateur.
Un constat qui rappelle les travaux de Dey et Abowd qui définissaient le contexte comme « la situation implicite de l’information » (.pdf), c’est-à-dire comme toute information qui peut être utilisée pour caractériser la situation d’une entité, d’une personne, d’un lieu, d’un objet et est considérée comme pertinente à l’interaction. Une définition d’autant plus essentielle, que, comme le rappelait Lucy Suchman dans son livre, les facteurs qui rendent l’interaction explicite se révèlent souvent en cas de défaut ou de panne de la communication.
« En d’autres termes, nous faisons tout ce travail pour saisir des faits sur l’environnement dans lequel une activité se déroule afin d’en déduire le sens pour le rendre explicite à ses participants. Une fois que nous avons cela en main, nous pouvons proposer des services, des interfaces, des alertes appropriées : des services qui semblent sans effort voire magiques quand ils anticipent nos désirs. » Et de proposer la définition suivante de l’objet sensible au contexte : « c’est un objet mobile dont les capacités et les modalités d’interfaces disponibles à tout moment donné sont en grande partie, si ce n’est pas entièrement, déterminées par le réseau d’autres objets autour de lui. »
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Le contexte dont parle Adam est pour nous ( design numérique) la notion de situation, mot issu de la géographie, qui implique des notions d’espace, de temps, d’événements et de personnes. C’est à dire le contexte élargi et instable d’un dispositif numérique Urbain ou autres. Pour être complet, l’acte de conception ou de proposition doit également intégrer en plus de la connaissance des situations les situations, les interactions (la création de raltion) et les représentations (ce que l’on signifie et voit).
CONTEXTES ET ANTHROPO
Le terme de culture employe si souvent ,je le remplace par CONTEXTES car pour moi les differentes analyses developpees ici,correspondent bien a mes investigations.
Le fait de parcourir ce globe et a fortiori,d’etre plonge dans differents contextes,situations,etc,me donnent des pretextes methodologiques tres diversifies,a moi de gerer dans chaque singularite contextuelle les comprehensions adequates et indispensables pour une mise a plat existentielles des constructions reelles et imaginaires:pas d’evidences a relater,mais simplement la possibilite de pouvoir extraire des indicateurs,marqueurs et de fait accorder aux lois juridiques une valeur toute relative.
EUGENE chercheur indepndant en anthropo