Que deviennent l’emploi, la formation et l’orientation, à l’heure de l’Internet ? Le 3 décembre, à Caen, une centaine de professionnels et demandeurs d’emploi ont participé à la première réunion du « laboratoire des politiques publiques » de la 27e région, en off du congrès de de l’Association des Régions de France qui se tenait les 4 et 5 décembre. Médiateurs, conseillers Anpe, villes, régions, espaces numériques, start-up… : tous les acteurs ont confronté leurs expériences durant cette journée qui mobilisait des méthodes créatives, avec l’appui d’un groupe de designers.
« Ma vie de e-chomeur », « Dur, dur, d’être médiateur de l’emploi », ou encore, « Je trouve un emploi grâce aux nouveaux médias »… Tels étaient quelques-uns des intitulés des huit ateliers qui ont structuré cette rencontre sur le mode « tous participants, tous intervenants ». Une journée qui a été l’occasion de faire émerger des constats, des interrogations et des propositions, comme le résument les animateurs des ateliers dans cette vidéo.
Car l’objectif de cette journée, la première de ce type organisée par la 27e région, est de fournir des éléments de diagnostic, des pistes de travail, des scénarios possibles voire des prototypes à l’Association des Régions de France, sur les sujets qui l’occupent prioritairement.
Voici, en résumé, les enseignements de cette journée :
Tout d’abord, l’Internet transforme profondément les questions d’orientation, de formation et d’emploi. Plus qu’un simple média, il contribue à changer la façon dont l’élève se comporte devant ses enseignants, modifie la nature des questions posées aux conseillers d’orientation ou à l’emploi, ou encore change la façon de trouver un travail.
Le système a du mal à intégrer ces changements. La plupart des personnes ont du mal à exister professionnellement, à s’exprimer, à écrire un simple CV (alors que dire de tenir à jour un blog !), à valoriser leurs compétences et maîtriser leur image (quel candidat n’a pas fait l’objet d’une recherche sur Google ?). La recherche d’emploi sur internet rend le système encore plus opaque qu’avant, tandis que le CV se transforme, se met en réseau et devient dynamique. Or, utilisateurs et médiateurs sont souvent pris en étau, perdus dans une offre conçue sans eux, pouvant les mettre dans une position de dépendance, de défiance, ou d’assistanat. Les artisans et les petites entreprises n’ont ni la taille, ni le temps, ni les compétences pour s’y pencher – voir ce billet d’Alexis Mons qui détaille l’impossible dédale de la formation pour les PME. Et maîtriser ces pratiques prend du temps, et vient en plus des compétences que les médiateurs doivent déjà posséder.
Les lignes bougent, dans les métiers, les situations quotidiennes. Enseignants et formateurs doivent développer chez chacun les compétences d’apprenant : Autodirection dans les apprentissages, autoformation, réflexivité, coopération avec les autres, communication sur ses compétences ; à l’école, les élèves deviennent coproducteurs d’un apprentissage devenu collectif ; les chercheurs d’emploi deviennent offreurs de compétences et doivent se mettre en réseau ; le réseau des conseillers à l’emploi doit travailler en réseau social, dépassant les frontières administratives entre Anpe, associations d’insertion, etc. Une nouvelle génération d’écrivains publics « numériques » et d’animateurs doit former les citoyens à l’expression de soi, à la publication numérique 2.0, à la vidéo, aux réseaux sociaux.
Quelles politiques publiques de l’emploi ? L’acteur public doit repartir d’une vision éthique du citoyen, travailler avec lui dans le prolongement des pratiques existantes et dans l’objectif de lui donner plus d’autonomie – plutôt que déverser sur lui de nouvelles strates de complexité et de jargon : on propose souvent aux chômeurs de nouvelles formations et de nouveaux dispositifs, sans avoir forcément pris la peine de reconnaître leurs compétences, de leur donner les capacités de les exploiter et de les valoriser eux-mêmes.
Les participants ont également produit des scénarios d’usages, des projets d’amélioration et des prototypes de nouveaux services, mis en image au terme de la journée par les designers Yoan Ollivier et Romain Thévenet :
Un wiki des compétences combiné à un réseau social
L’idée : inviter chacun à publier ses compétences à la façon de Wikipedia, et les cartographier collectivement à l’échelle d’un territoire, à la façon des sites sociaux locaux comme Peuplade.fr ou de la Ruche à Rennes. Voir également les travaux du groupe de travail CV2020 du programme Identités Actives de la Fondation internet nouvelle génération.
Un réseau social des médiateurs et des chercheurs d’emplois
Comment aider les conseillers à l’emploi et à la formation à mieux échanger entre eux, et à faire tomber les frontières de leurs structures ? Prenons le cas de la région Basse-Normande. Sur tout le territoire régional, plus de 600 personnes réparties dans de nombreuses structures (ANPE, associations d’insertion, services d’information, etc.) conseillent quotidiennement des chercheurs d’emplois et des salariés. Mais ils ont besoin d’échanger librement hors de leurs organisations respectives et des intranets eux-mêmes construits en silos. Seul des listes de diffusion, des outils de réseau social, et des événements collectifs peuvent créer une dynamique de capitalisation et d’échanges. Il peut même s’ouvrir au public des chercheurs d’emploi et aux salariés, qui ont eux aussi besoin d’échanger entre eux, de capitaliser leurs expériences. Ce projet est bien évidemment compatible avec le précédent.
Une fonction d’écrivain public 2.0
Une nouvelle génération d’écrivains publics « numériques » et d’animateurs doit former les citoyens à l’expression de soi, à la publication numérique 2.0, à la vidéo, aux réseaux sociaux. Une préfiguration de cette fonction existe déjà dans certains nombreux espaces publics numériques, ou dans les ateliers organisés par l’équipe des Explorcamps, mais il faudrait maintenant la retrouver au sein des agences de recherches d’emploi, des organismes sociaux, des associations d’insertion, et de toutes les fonctions de médiation publique.
Un projet en préparation : le ePortfolio
Plusieurs collectivités travaillent simultanément sur un dispositif qui permettrait de suivre l’individu tout au long de sa vie professionnelle : via un ePortfolio, c’est-à-dire un portefeuille de compétences numérique individuel, comme l’explique le blog de l’association Eiffel qui fait depuis longtemps la promotion du ePortfolio. C’est le cas de la région Basse-Normandie, de l’Aquitaine, de Rhône Alpes, mais aussi de l’agglomération de Rennes ou encore du Département des Cotes d’Armor. La région Rhône Alpes y consacrera à son tour une journée créative, avec ce FormaCamp, consacrée à l’orientation et à la formation tout au long de la vie.
Anne Daubrée
Billet publié originellement le 9 décembre 2008 sur le site de la 27e région par Anne Daubrée.
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L’idéal serait de faire fonctionner tout ça et en particulier la cartes des compéténces sur une structure P2P !
Assez d’accord. Emploi, Web et réseaux sociaux sont définitivement liés.