Il n’existe pas aujourd’hui d' »internet des objets », mais tout au plus une connexion en silos d’objets conçus et régis selon les règles les plus classiques de l’économie industrielle. La connectivité des objets et des espaces pourrait même signer la fin de la « parenthèse internet », celle d’un réseau sans tête, sans finalité et totalement ouvert. Ce serait sans compter sur ceux qui, venant du monde numérique ou du design, s’activent dans le sens contraire : celui de doter le monde physique de certaines des propriétés de plasticité et d’ouverture qui caractérisent le monde numérique. D’internetiser l’industrie, alors que celle-ci rêverait d’industrialiser l’internet….
Troisième et dernière partie d’une série de trois articles sur la perspective de « l’internet des objets » – lire la 1re partie et la seconde. Un thème qui sera au cœur de la conférence Lift, qui se tiendra à Marseille les 18, 19 et 20 juin prochains.
Ca commence comme une conversation
Que fait donc un capteur, se demande en substance l’enseignant et designer Julian Bleecker dans son « Manifeste pour les objets en réseau » (2006) ? Il recueille des informations et les transmet sous la forme d’un flux signé et horodaté. Rien de plus semblable à un blog, au fond. Imaginons alors que ce flux devienne accessible à tous – logiquement, au format RSS grâce auquel tous les blogs (et un nombre croissant d’autres publications du web) se rendent accessibles. Toutes sortes de personnes (et de machines) pourront alors s’abonner à ce flux, et à d’autres, puis croiser ces données, produire des calculs et des cartes, republier des données travaillées…
Sans pour autant devenir « intelligents », ces « blogjets » (objets qui bloguent) s’imposent alors comme des participants à part entière de la conversation et de la coproduction qui caractérisent le web d’aujourd’hui : « Comme les blogueurs humains, les blogjets deviennent des sources essentielles de sujets de conversation – en démarrant et en alimentant des conversations portant sur des sujets qui comptent. Le fait que leur contribution à cette discussion prenne la forme d’une simple série de données publiée sur le réseau a peu d’importance. Un blogjet peut démarrer une conversation à partir de quelque chose d’aussi simple qu’une mesure de la pollution des nappes phréatiques. »
Matière à réflexions
Il ne faut donc pas grand-chose pour franchir cette première étape : juste partager les données que captent les objets et les rendre exploitables par d’autres. Mais ce petit pas peut avoir de grandes conséquences : « les objets, une fois connectés à l’internet, deviendront des agents qui fourniront matière à réflexion, qui parleront des choses d’un point de vue nouveau et apporteront une perspective ‘objetesque’ sur les questions sociales, culturelles et politiques, tant au niveau individuel qu’au plan général. » D’une manière moins emphatique, on imagine le miel qu’un grand nombre d’entrepreneurs, d’innovateurs, de chercheurs, d’activistes et de décideurs publics pourrait faire d’une telle richesse d’information brute, directement extraite du monde tel qu’il va.
Un autre designer, Usman Haque, a d’ailleurs décidé de les y aider. Il a créé Pachube, un service web destiné à recevoir, indexer, rendre accessible et surtout, exploiter les données produites pas les capteurs disséminés dans le monde entier. Une sorte de grand agrégateurs de « blogjets », doublé d’un langage de description et de programmation destiné à faciliter la production d’applications qui croiseraient ces données.
Des objets habitables
Entrons un peu plus profondément dans la nature même de l’objet. Les objets emblématiques de l’ère numérique, ordinateurs, téléphones mobiles ou baladeurs, se présentent à la fois comme des produits finis – censés fonctionner – et comme des plates-formes. Comme il transforme son domicile afin de l’habiter, leur possesseur va les personnaliser, les nourrir, les associer, les détourner. Il s’y attend, cela fait partie de l’incorporation de l’objet dans son univers personnel et social. Et si cette forme de « postproduction », s’étendait à d’autres objets ? Un jouet peut-il servir à autre chose qu’à jouer ? Un Segway, à ramasser les ordures ?
Ecrivain reconnu de science-fiction, mais également promoteur d’un (désormais défunt) mouvement de design « vert », Bruce Sterling trace cette perspective dans son ouvrage Shaping Things (2005, à paraître en Français sous le titre « Objets bavards« ). Retraçant à sa manière l’histoire des objets, il invente un mot pour désigner les objets à venir : « spime », une contraction de l’espace (space) et du temps (time. Un bon spime est à la fois plus complexe que ce qu’exigerait son usage premier (« trop » riche en fonctions) et jamais fini. Il se présente comme « un projet technologique ouvert dont l’évolution est déléguée à ses utilisateurs finaux. » Il fonctionne comme « une plate-forme, un terrain de jeu pour les développeurs futurs, (…) dans un délicat équilibre entre commodité et chaos », et « tout entier tourné vers l’avenir« . Selon le degré de complexité de l’objet, cette ouverture peut prendre des formes diverses : simple personnalisation, dialogue permanent entre une communauté d’utilisateurs et le fabricant, « hacking » amical de machines ou de logiciels… On n’utilise pas un spime, on se collette (wrangle) avec lui.
Auto-documentés et collectifs
L’objet ouvert présente nécessairement deux autres caractéristiques. Il s’auto-documente ; il a une dimension collective.
L’existence numérique d’un tel objet précède son instanciation physique. Un spime commence sa vie comme modèle et plan de production, il la termine en entrant dans un processus de recyclage. Mais sa vie numérique s’enrichit également en continu à partir de son usage. « Les spimes se localisent précisément dans l’espace et le temps. Ils s’enregistrent, se tracent, se comptent et s’accompagnent toujours d’une histoire. Ils possèdent une identité. On peut les ‘chercher’ comme dans un moteur de recherche. »
Concrètement, « vous serez capable de savoir immédiatement où l’objet se trouve, quand vous l’avez obtenu, combien il coûtait, qui l’a fabriqué, de quoi il se compose, d’où proviennent ses matériaux, à quoi ressemblaient le modèle au-dessus et le modèle moins cher, qui remercier pour l’avoir conçu, à qui se plaindre de ses défauts, ce que faisaient ses versions précédentes, ce que les gens souhaitent voir figurer dans la version suivante, ce que vous pouvez faire pour y contribuer, à qui l’objet a appartenu auparavant, à quoi, où et quand il a servi, ce que les autres possesseurs de cet objet en pensent, comment d’autres personnes qui vous ressemblent ont transformé, personnalisé ou rhabillé leur objet, à quoi la plupart des gens l’utilisent, toute la gamme des utilisations hétérodoxes inventées par ses fans les plus extrêmes dans le monde, combien votre objet s’achète sur un site d’enchères et enfin – absolument essentiel – comment s’en débarrasser sans dommage. »
Le spime vit donc une partie de sa vie dans l’internet, ce qui lui donne sa dimension sociale – on retrouve Julian Bleecker. Ouvert, évolutif, bavard, collectif, le spime décrit « un groupe d’utilisateurs autant qu’un objet physique« .
On peut émettre des réserves sur la vision de Sterling. Elle fait l’hypothèse que nous désirions tous négocier en permanence avec des objets, elle prophétise tout autant une société de surveillance de tous par tous, que l’acquisition par (tous ? certains ?) d’une nouvelle capacité d’action et d’invention. Mais on ne peut en nier la fécondité. Beaucoup de concepteurs s’y appuient pour inventer de nouveaux concepts d’objets. Des entrepreneurs s’efforcent de concevoir des spimes. D’autres amassent des données à propos d’objets classiques, qu’il suffit de scanner pour obtenir une masse d’informations que leur fabricant n’a pas toujours désiré rendre publiques. Un protocole ouvert destiné à favoriser le déploiement de réseaux de capteurs s’appelle OpenSpime. Bruce Sterling suit sur son blog l’actualité des spimes, et elle est riche.
Faisons-le nous-mêmes
Le spime annonce donc un autre type d’objets, mais on peut encore concevoir et produire un spime comme on produisait un objet industriel classique. D’autres communautés s’attaquent aujourd’hui à la conception et la production d’objets elle-même, réhabilitant à grande échelle le bricolage et le hacking et transférant au monde des objets physiques certains principes de la conception open source. Ces communautés n’émanent pas seulement de milieux technophiles, mais tout autant de designers et d’artistes.
Arduino storia
En 2005, un groupe d’enseignants et d’étudiants de l’institut de design d’interaction d’Ivrea (Italie) entreprenait de concevoir un microcontrôleur électronique destiné à rendre plus facile la conception de systèmes communicants ou d’installations artistiques. En quelques semaines, ils produisaient leur première carte électronique – baptisée Arduino, comme le café où l’équipe aimait se réunir – et le langage de programmation qui l’accompagne, dérivé de l’environnement de programmation Wiring. Les premiers exemplaires ayant trouvé preneur, ils décidaient alors, d’une part, d’en faire une entreprise et d’autre part, de publier le schéma de la carte sous licence Creative Commons et les librairies de programmation sous GPL, la licence des logiciels « libres ». On peut ainsi, soit acheter des Arduino tout assemblés (entre 15 et 40 €), soit les assembler soi-même à partir de composants du commerce, à l’aide de plans disponibles de manière libre. Et bien sûr, on peut en modifier les plans.
L’Arduino fonctionne comme un connecteur : la carte enregistre des signaux venus de capteurs, ou encore d’interfaces qu’un utilisateur active, puis, via son langage de programmation, les redirige vers un réseau, un écran, un périphérique (lumière, son…), un moteur, etc. Il s’adresse aux artistes, designers, hobbyistes et à tous ceux qui cherchent à créer eux-mêmes des objets et des environnements interactifs.
L’entreprise a vendu plus de 60 000 Arduino, ce qui ne compte pas les dispositifs compatibles qu’ont fabriqué des individus ou des collectifs issus d’Arduino, tels Freeduino, Boarduino, Sanguino… Un mouvement de développeurs a émergé, comme l’explique Alexandra Deschamps-Sonsino. Des sites aident les designers et concepteurs à associer différents composants électroniques à un Arduino, ou à programmer leurs applications. Des groupes et des entreprises proposent des composants plus complexes construits autour d’un Arduino.
Toutes sortes de réalisations s’appuient aujourd’hui sur Arduino : des installations interactives, bien sûr, mais aussi des capteurs d’humidité à placer dans des pots de fleurs, des circuits de train électrique, des thermostats… L’un des modèles les plus récents, le « Lilypad », est conçu pour se coudre dans des tissus que l’on voudrait rendre interactifs.
Une communauté émergente
Et les créateurs qui s’appuient sur Arduino, ou sur d’autres technologies ouvertes destinées à la fabrication d’objets sensibles, interactifs, programmables, échangent et collaborent entre eux. Un mouvement de bricoleurs est en train de voir le jour, appuyé sur des réseaux de lieux tels que les « Hacker spaces« , des communautés telles que dorkbot, un magazine tel que Make (publié par l’éditeur de référence du logiciel libre, Tim O’Reilly) et sa « foire » associée, la Maker Faire.
Douglas Repetto, l’enseignant et artiste à l’origine de dorkbot, constate avec plaisir que « les gens qui font des trains électriques utilisent aujourd’hui des Arduinos ou d’autres types de contrôles numériques. C’est le web et l’influence des technologies. Tout ça est devenu si accessible que divers groupes de hobbyistes se rassemblent autour des technologies plutôt qu’autour de thèmes spécifiques (les avions miniatures, le net art ou autres). Les ateliers ne sont généralement pas regroupés autour d’un centre d’intérêt, mais plutôt liés à un outil ou une technologie. Quelqu’un veut faire un train contrôlable à distance, et quelqu’un d’autre une installation de net art ; et ils peuvent utiliser le même type de technologies. »
L’ouverture de ces technologies et l’existence du web favorisent ce renouveau du bricolage. Mais surtout, elles le font passer du « faites-le vous-même » à un « faisons-le nous-mêmes » autrement plus puissant.
Des ateliers de fabrication de presque tout
Franchissons encore une étape. Tout le monde ne désire pas jouer du fer à souder. Et l’on ne produit de cette manière que des objets complexes à partir de composants qui leur préexistent. Saurait-on modifier la production de ces composants eux-mêmes, ou encore celle d’objets qui ne susciteront pas le même regroupement de passionnés, des pompes par exemple, ou des vélos ?
La conception et la fabrication assistées par ordinateur se préoccupent depuis longtemps de concilier la flexibilité et l’évolutivité croissante des produits avec les conditions industrielles de la production en série. Comme l’informatique dans les premiers temps, elles ont d’abord répondu aux besoins de grandes entreprises, dans le cadre d’installations industrielles de grande taille. Comme l’informatique, ce mouvement fait désormais son chemin vers la petite taille et pourquoi pas, un jour, la production individuelle. Pilotées par ordinateur, des machines à découper, des machines multi-outils, des imprimantes 3D, parviennent à produire des objets de plus en plus complexes dans de petites unités de production, en petites séries, voire à l’unité.
Il n’en fallait pas plus à Neil Gershenfeld, qui dirige le Centre pour les bits et les atomes du MIT, pour prophétiser le passage « de l’ordinateur personnel à la fabrication personnelle« . A son tour, il invente une expression, celle de « Fab Lab », des « ateliers de fabrication de presque tout ». Il leur consacre un livre en 2005, dans lequel il développe sa perspective : « exporter la programmabilité du monde numérique au reste du monde » en s’appuyant sur l’amélioration constante du rapport puissance/prix des ordinateurs et des logiciels (pour concevoir des modèles numériques de produits et de systèmes), des réseaux (pour échanger ces modèles) et des machines à commande numérique (pour produire les objets modélisés, ou du moins chacune des pièces qui les composent). Au bout du rêve, deux machines qui n’existent pas encore : l’imprimante de bureau en 3 dimensions, capable de réaliser des objets couche par couche à partir d’un modèle, et la machine-outil autoréplicante, c’est-à-dire capable de se reproduire elle-même.
C’est déjà demain
Dans l’immédiat, Gershenfeld soutient l’émergence de petits centres de production connectés et équipés de diverses machines pilotées par ordinateurs. On en trouve aux Etats-Unis en en Europe, mais aussi en Afrique (Ghana, Kenya, Afrique du Sud), au Costa Rica ou en Afghanistan. On y produit des colliers émetteurs pour les troupeaux de rennes norvégiens, des pompes à eau, des instruments agricoles. Plus précisément, les modèles numériques permettent de produire la plupart des composants à partir de matériaux bruts, l’assemblage restant manuel. La plupart de ces labs se financent sur fonds publics, mais un Fab Fund se propose désormais de financer des initiatives à but commercial.
Pour ceux –nombreux – qui ne disposent pas d’un Fab Lab à proximité, d’autres possibilités s’ouvrent. Le site eMachineShop propose de fabriquer n’importe quelle pièce mécanique, à l’unité ou en série, à partir d’un modèle. Ponoko propose trois chemins de l’idée à la fabrication : à partir d’un schéma 3D, à partir d’un simple dessin, ou avec l’aide (payante) d’un designer associé au site. Screaming Circuits s’engage à produire n’importe quel circuit imprimé, sur spécifications, en 24 heures…
Et pendant ce temps, plusieurs groupes travaillent à améliorer, miniaturiser et réduire le coût des imprimantes en trois dimensions et à les rendre capables de produire, non pas seulement des prototypes, mais des pièces ou des objets de qualité industrielle. D’autres expérimentent des machines capables d’approcher l’autoréplication, telles que la RepRap qu’évoquait Rémi Sussan il y a quelque temps. Les abonnés du site Thingiverse partagent les modèles numériques des objets qu’ils ont conçus, pour permettre à d’autres de les fabriquer.
Imaginons que ces techniques se démocratisent vraiment. Des modèles « libres » d’objets simples et complexes se produisent, se modifient et s’échangent sur le web. Des réseaux peer to peer, ou équivalents, organisent le partage de modèles de produits commerciaux, piratés à partir des modèles originaux ou reconstruits à partir des produits finis. Une loi Hadopi-bis s’efforce de limiter les effets de ce partage, mais de nouveaux acteurs, militants pour certains, commerciaux pour d’autres, la combattent. Les pays en développement réclament le droit à produire chez eux certains objets « génériques » de première nécessité…
Un début de cohérence
Bien sûr, toutes ces perspectives demeurent minoritaires, sinon marginales. Certaines, en particulier les fab labs, relèvent de la vision ou (s’agissant des imprimantes 3D de bureau) de la recherche, au mieux de l’expérimentation. On voit mal, aussi, comment (et pourquoi) se fabriqueraient de cette manière des automobiles ou des machines à laver. On aimerait enfin que ces récits prospectifs nous parlent moins d’outils et plus des produits eux-mêmes, des formes et des fonctions nouvelles qui pourraient émerger de ces dynamiques.
Il en allait de même de l’internet dans les années 1990, et du micro-ordinateur dans les années 1980. A nouveau, il s’agit de mettre de nouveaux outils entre les mains d’un grand nombre de gens – et de connecter ces gens, ainsi que leurs idées, projets, réalisations, problèmes. A nouveau, nous assistons à l’émergence rapide d’un ensemble d’outils, d’un écosystème de services, de communautés d’acteurs et d’utilisateurs actifs, de médias. Du simple échange de données issues des capteurs à l’ouverture des objets, puis aux objets « open source », et enfin à la fabrication décentralisée à partir de modèles numériques libres ou non, une cohérence se fait jour.
Une ambition transformatrice
Et l’ambition ne fait pas défaut. Usman Haque parle de « réparer la planète » en partageant l’information sur l’environnement. Pour Bruce Sterling aussi, les spimes sauveront le monde en nous en donnant conscience.
En passant, Sterling nous rappelle que l’essence numérique des objets contemporains et leur existence en réseau (qu’ils soient dotés de puces ou non) produit déjà de nouvelles formes et changera progressivement la nature même des objets, le partage entre objets physiques et services « immatériels », la relation des objets entre eux et avec les humains. Le designer Jean-Louis Fréchin parle, lui, de néoObjets.
Les créateurs d’Arduino et leurs élèves se voient en pionniers d’un tel monde – un monde où par ailleurs, comme aujourd’hui l’information, les plans d’un objet technique circuleront si vite qu’il ne servira à rien de les protéger.
Pour Gershenfeld et tous ceux qui travaillent sur le rapprochement des bits et des atomes, il s’agit de transformer la conception et la production mêmes des objets, de rendre le monde physique plus plastique, plus mobile, plus sociable – mais aussi de mieux distribuer certaines capacités de production : « Au lieu de fournir les technologies de l’information et de la communication aux masses, les fab labs leurs montrent qu’il est possible de leur donner des outils qui leur permettent de développer et de trouver des solutions technologiques locales à des problèmes locaux« , écrit-il. « Plus encore que la fracture numérique, le vrai problème est la fracture dans l’accès aux outils et aux capacités de fabrication. » (traduction de Francis Pisani).
Enfin, le mouvement des « Bricolabs » envisage l’appropriation citoyenne des technologies, à la fois comme une manière de contrecarrer leurs usages à des fins sécuritaires, comme une extension logique du mouvement du logiciel libre, et comme une forme écologique et sociale qui, par le détournement, élargit l’accès aux technologies et augmente la durée de vie des machines.
Là encore, on a le droit d’ironiser sur la naïveté ou l’incohérence de certaines de ces perspectives. L’omniprésence de l’argument environnemental, en particulier, rend parfois dubitatif.
Mais on ne peut nier ni l’ambition, ni l’énergie qu’elle libère, ni la fécondité des pistes qu’elle ouvre. S’il doit y avoir un « internet des objets », il viendra de là.
Daniel Kaplan
Le dossier « Repenser l’internet des objets » :
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« We can call it a « Spime, » which is a neologism for an imaginary object that is still speculative. » ( http://boingboing.net/images/blobjects.htm ) . Par cette citation, je souhaite rappeler une dimension qui me semble absente de cet article, par ailleurs assez complet sur l’état de l’art du bricolage. Les spimes sont avant tout des objets imaginaires. Cette dimension est fondamentale, car le concept de spime a justement pour vocation de stimuler des visions et projections dans le contexte global des évolutions technologiques. Il ne fournit pas un cadre strict pour des développements fonctionnels. Sa nature spéculative me semble bien plus fondatrice que ses liens avec des technologies existantes, et il est finalement plus intéressant pour la créativité de conserver cette nature spéculative plutôt que de la dissoudre dans un ensemble de réalisations plus où moins fonctionnelles.
« La perspective systémique qu’adopte cet ouvrage ouvre une perspective beaucoup plus vaste, la seule, selon moi, qui autorise l’utilisation du mot « internet » à côté d' »objets ». Cette perspective est celle d’une combinatoire presque infinie d’interconnexions, de combinaisons, de collaborations entre les « objets » (leurs propriétés, leur présence, leur logique interne…), les informations qu’ils produisent, captent et émettent, les systèmes qui les produisent ou les reconnaissent, et les humains qui, puisqu’il s’agit d’internet, font partie du même réseau. […]
Il n’est donc pas trop tôt pour s’intéresser sérieusement à l’Internet des Objets, auquel cet ouvrage fournit une précieuse introduction. Souhaitons qu’il soit lu autant comme une contribution à la réflexion, que comme un appel à l’action ».
Daniel Kaplan, in postface du livre : http://www.i-o-t.org/post/2011/06/21/Un-nouveau-livre-sur-l-Internet-des-Objets