La lecture de la semaine nous provident de nos amis transhumanistes américains de Sinuglarity Hub, sous la plume de Keith Kleiner. L’article s’intitule « Pourquoi ne chattons-nous pas plus souvent en vidéo ? ».
Un des lieux communs les plus courants des films ou des livres d’anticipation a toujours été la communication téléphonique vidéo ou holographique. De Retour vers le futur à Star Trek, ça a toujours été la manière dont on envisageait l’avenir de la conversation à distance. Pourquoi ne le faisons-nous pas plus aujourd’hui ? se demande Keith Kleiner.
Image : le chat vidéo dans Star Trek via TrekMovie.
Si on nous avait dit il y a dix ans qu’en 2011, tout le monde aurait une webcam dans son salon ou dans sa poche, et que le coût de la communication vidéo s’approcherait de zéro, combien d’entre nous auraient prédit que les gens n’allaient quasiment pas l’utiliser ? Pas moi, en tout cas, dit Keith Kleiner, et pourtant, c’est bien ce qui se passe. Une récente étude du Centre de recherche Pew montre à quel point le chat vidéo est peu utilisé par les Américains. 4 sur 5 n’ont jamais essayé la discussion via une webcam, et 9 sur 10 ne l’ont pas essayé sur leur téléphone. Pourtant, les webcams sont partout, ajoute Keith Kleiner. Dans le moindre ordinateur, dans le moindre smartphone. Et puis, continue l’auteur, dans une journée j’envoie des dizaines de mails, je passe des dizaines de coups de fil, alors que j’utilise la caméra peut-être deux fois par semaine. Pourquoi ça ? Pourquoi les futurologues se sont-ils trompés ? Les gens préfèrent-ils vraiment converser sans se voir ? Est-ce que la conversation écrite ou vocale est plus adéquate à l’interaction humaine ? Ou est-ce qu’il y a une explication sous-jacente ?
Il y a là question de la qualité de l’image, dit Keiner, qui pourrait dissuader d’utiliser la vidéo. Mais on passe notre temps à regarder des vidéos de mauvaise qualité sur internet, et puis, la qualité du son sur les lignes téléphoniques américaines est manifestement très mauvaise et ne dissuade personne d’appeler.
Beaucoup de gens accusent la commodité de l’usage. C’est compliqué à mettre en place une conversation en vidéo phone. Mais est-ce vraiment le cas ? demande Keiner. Lui explique avoir sur son chat Gmail une fenêtre qui lui montre qui de ses relations est joignable par vidéo. Il lui suffit d’un clic pour commencer un chat en vidéo. Et pourtant, il ne le fait pas. L’argument de la commodité n’est pas le bon.
Pour lui, le vrai coupable se cache dans les complexités sous-estimées de l’interaction sociale entre êtres humains. Quand on entame un chat par écrit ou un coup de fil, on ne s’inquiète d’interrompre son interlocuteur, car il y a de grandes chances qu’il puisse répondre : que l’on soit en voiture, en train de cuisiner, de se détendre dans sa salle de bain ou même de parler à quelqu’un d’autre, la plupart d’entre nous ne rechignent pas à entamer un chat ou un coup de fil. Ajouter la vidéo et tout cela change. En ajoutant la vidéo, on demande aux gens de nous laisser les voir, et il est requis de nous plus d’attention. L’interlocuteur ne peut plus conduire, ou se détendre dans sa salle de bain. Il ne peut pas interagir discrètement avec vous tout en continuant à parler à quelqu’un d’autre, à lire un magazine… Ajouter la vidéo change complètement la dynamique sociale, et pas forcément dans le sens voulu.
Une autre barrière est que la plupart du temps, nous ne voulons pas avoir une longue conversation. Le chat vidéo envoie un signal social à la personne, ce signal disant que nous voulons avoir avec elle une « vraie » conversation. Quand ce qu’on veut, c’est juste savoir à quelle heure est la fête ce soir, ou où sont les clés, on ne va pas se lancer dans une conversation vidéo et risquer qu’elle traîne en longueur. Dans ce cas, le chat écrit ou la voix sont plus adéquats. « Et même, explique l’auteur, il m’arrive souvent d’appeler quelqu’un en espérant qu’il ne réponde pas, pour simplement lui laisser un message et lui donner seulement l’information nécessaire. Avec les chats vidéos tels qu’ils fonctionnent aujourd’hui, il n’est pas possible de laisser un message vidéo, ils sont donc inadaptés à l’échange court et strictement informationnel ».
L’avenir de la conversation longue distance exclut-il donc la vidéo ? demande Keith Klainer. Ou alors les futurologues avaient raison et on va s’y mettre un jour ?
Pour lui, le chat vidéo n’est qu’un outil dans l’arsenal des outils de communication que nous avons à notre disposition. Le mail, le chat vocal, le chat écrit, les pokes et les statuts Facebook, les tweets et les chats vidéos appartiennent tous à cet arsenal. Chacun de ces outils est utile dans différentes circonstances, en fonction de la longueur que l’on veut accorder à la conversation, du nombre de gens à qui l’on veut s’adresser et du type de personne avec lequel on veut s’entretenir. Le chat vidéo n’est pas l’outil dominant, mais il offre une expérience impressionnante que trop de gens négligent. « Je l’utilise souvent, dit Kleiner pour discuter avec des collègues qui sont loin. Avant, on faisait ça au téléphone, le fait d’ajouter l’image donne plus d’émotion et de sens à ces conversations ». Quand il s’agit de s’entretenir avec des gens qu’on ne voit pas souvent, la vidéo devient un outil inestimable pour nourrir et renforcer des relations personnelles et professionnelles à distance. Ce sera peut-être ça son usage, selon Kleiner.
Si les chiffres sont encore faibles, ils montrent que l’usage de cet outil futuriste est en train de croître. Selon la même étude menée par Pew, l’usage du vidéo chat a doublé aux Etats-Unis entre 2009 et 2010. « Je ne serais pas surpris que ces chiffres continuent d’augmenter dans les prochaines années », conclut Kleiner.
Xavier de la Porte
Xavier de la Porte, producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une intéressante lecture d’un article de l’actualité dans le cadre de son émission.
L’émission du 22 mai était consacrée à André Gunthert (blog), chercheur en histoire visuelle, directeur du Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine (Lhivic) et qui dirige également Culture Visuelle, un média d’enseignement et de recherche sur les cultures visuelles.
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Bonsoir,
Il y a peut être une autre explication à la différence entre ce que nous vivons et ce qui était montré dans les sériés télé ou les les films de science fiction. Ces œuvres sont justement visuelles et pour les rendre plus regardables lorsque les protagonistes communiquent entre eux quoi de mieux que des interfaces visuelles elles aussi. Comme expliqué dans l’article la vidéo nous oblige à nous montré alors que nous n’en avons peut être pas envie. Dans une fiction audiovisuelle les acteurs sont là pour être à l’écran pour être vu et réciproquement les spectateurs veulent « voir » ce qui se passe.
Mon hypothèse serait que notre vision d’un futur vidéo-communiquant soit largement influencé par le codes implicites de la narration audiovisuelle qui a besoin de montrer le locuteur et l’interlocuteur pour que le spectateur comprenne l’histoire et pas seulement dans la science fiction.
Je n’éprouve pas ce besoin télévisuel dans mes vraies communications car j’ai déjà les informations nécessaires. Je sais avec qui je communique, je sais qui m’appelle. Je crois d’ailleurs qu’une étude avait montré que lorsque nous entendons quelqu’un téléphoné ce qui nous agace, ce n’est ni le bruit, ni le volume occasionné mais d’abord le fait de n’avoir qu’une moitié de la conversation puis de ne pas savoir avec qui. Cognitivement notre cerveaux serait dérangé par l’étrangeté d’une tel situation. La même étude relevait que lorsque le locuteur tombait sur une messagerie, ceux qui l’écoutent le remarquent assez vite. L’identification de cet interlocuteur qui est pourtant une machine, est rassurant. En allant plus loin, s’il s’avérait que la personne parle en fait toute seule, elle est immédiatement considérée comme folle. Là encore cette catégorisation, due à une interlocuteur absent, et une construction faites pour nous rassurer.
Heureusement pour ma santé mentale le postulat sur internet est lorsque nous écrivons un commentaire comme celui-ci ou bien dans un forum est qu’il y a toujours quelqu’un pour nous écouter. C’est finalement le même principe que les prières pour une religion (!) mais avec une plus grande chance de réponse.
A+
C’est assez compliqué d’établir une conversation vidéo. Il faut:
1) une webcam/micro pas toujours facile à configurer, avec une bonne qualité audio/video.
2) deux bonnes connexions internet (et pas juste web comme sur les abonnements 3g et mobiles…).
3) être inscrit sur un même réseau : les utilisateurs de XMPP/gtalk, MSN, Skype ne peuvent pas se parler…
5) des logiciels compatibles, car sur un même réseau il y a toutefois des difficultés.
Bref il faut beaucoup de patience pour tester toutes ces combinaisons avec de fortes chances de dégoûter tous vos correspondants…
le vrai soucis vient des divers NAT présents a tous les niveaux, et du fait de la non symétrie des connexions au net en terme de vitesse de transmission.
salut c est vrai que nous n utilisons pas toujours la video , dès les premieres difficultés nous la virons tout le monde n ‘a pas une excellente bande passante.
mais pour la mise en oeuvre c est facile avec le flash player dans le cas de chat multi utilisateurs ou avec skype ou avec gmail et son plugin
@Kitrik : oui tout à fait, le code narratif audiovisuel survalorise certainement la vidéo dans notre imaginaire.
@bouib : le manque d’interopérabilité des plateformes de chat vidéo ne favorise pas ce type d’échange effectivement, mais cela n’explique pas que nous l’utilisions peu avec ceux qui partagent le même outil que nous.
Je renvoie vers ce papier sur l’acceptabilité de la webcam, qui ne dit pas autre chose que ce qui est dit par Keith Kleiner.
Bonjour,
Il me semble que le code narratif du chat vidéo tel qu’il est proposé est celui de la conférence ou de la réunion où l’interlocuteur reste en face de soi. Le code narratif tel qu’il devrait évoluer est celui de l’interview ou de la discussion de plateau. Il nécessiterait au moins une caméra pour les « plans de coupe » en plus de la caméra sur l’interlocuteur. En réalité lorsque nous discutons, nous passons l’essentiel de notre temps à regarder ailleurs que dans les yeux de notre interlocuteur. L’observation de l’environnement est autant, voir plus importante que de regarder les yeux de l’interlocuteur.
Il faudrait mettre un peu de cinéma dans le chat pour qu’il fonctionne.
il me semble que la video n’est pas indispensable l’audio est + important
le téléphone ça fonctionne toujours bien . la video peut etre un plus qui s ajoute en fonction de la qualité de sa liaison internet il m’arrive de converser avec des primates utilisant encore un modem téléphonique ( et pas toujours pour des raison techniques )