Alors que le débat sur les faux avis de consommateurs est vif sur le web francophone depuis juillet, que les pouvoirs publics intentent des procédures, et que l’Afnor vient de lancer une mission de concertation pour trouver des parades, il pourrait être intéressant d’écouter les propos d’un spécialiste.
Panagiotis Ipeirotis (blog), à la tête du projet EconoMining de l’école d’affaires Leonard Stern de la New York University, étudie depuis longtemps la valeur de la réputation en ligne et regarde l’influence qu’ont les critiques de consommateurs sur nos décisions. A l’occasion de la conférence Strata 2011, sur les BigData, il est revenu sur ses dernières recherches en la matière (vidéo, présentation), indique Christopher Mims pour la Technology Review.
Sur Amazon, explique-t-il, les consommateurs sont – assez logiquement – prêts à payer un peu plus un produit pour l’acheter à un revendeur ayant une bonne réputation. Mais ce qui est plus surprenant, c’est que passé le nombre d’avis favorable d’un revendeur ou le nombre de transactions qu’il a accomplies, la critique des autres utilisateurs affecte également les ventes, et pas forcément dans le sens que l’on pense.
Par exemple, on pourrait penser que la critique positive d’un utilisateur sur un produit du type « très bon appareil photo » devrait augmenter la réputation et les ventes du produit… Pourtant, il semble que ce ne soit pas le cas. Iperotis a même quantifié cet effet. Une critique de ce style a plutôt tendance de réduire la vente de 0,2 % !
Pourquoi ? Parce que les utilisateurs prennent les critiques en contexte : les critiques simples ne leur semblent pas pertinentes pour encourager leur achat pas plus que les compliments faciles. Au contraire, les critiques négatives, argumentées et bien écrites, ont tendance à favoriser les ventes d’un produit, car elles donnent confiance à l’acheteur : « si c’est le pire que ce produit peut faire, alors il doit être suffisant pour moi ».
« Les critiques négatives, qu’elles soient sur des hôtels ou des jeux vidéos, permettent à l’utilisateur de mesurer le risque qu’il prend », explique Ipeirotis. A l’inverse, des commentaires qui paraissent positifs comme « l’emballage est bien » ou le « vendeur est très bon » ont plutôt tendance à avoir un impact négatif sur les ventes.
Autre chose que constate Ipeirotis, c’est la disparité entre ce dont les consommateurs parlent dans leurs critiques et ce qui fait basculer l’achat. Ainsi, pour les appareils photo, les utilisateurs évoquent souvent la qualité du zoom, mais en fait, la durée de vie de la batterie a souvent plus d’influence dans la décision d’achat.
Ipeirotis a également constaté que la grammaire et l’expression ont une influence. Zappos dépenserait d’ailleurs quelques milliers de dollars à faire améliorer l’expression des critiques de ses produits via le Mechanical Turk d’Amazon dans le but d’améliorer les ventes de ses produits. Et Ipeirotis de conclure : « il ne suffit pas de regarder ce que les gens disent, il faut également mesurer ce que les gens font ».
Signalons en complément que sur son blog, il livre une bibliographie commentée des meilleures recherches existantes sur le sujet des critiques de consommateurs. Précieux.
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Certains auteurs de livres électronique ont également remarqué que certaines critiques négatives liées à des critères plutôt subjectifs peuvent également « conforter » un client dans ses choix :
Par exemple : « Ce livre m’a empéché de dormir. Trop violent. » ou « La description indique sexy, c’est carrément porno. »
Si le client recherche effectivement un livre violent ou érotique, il sera conforté dans son choix…
François Laurent se pose la question de savoir s’il existe des systèmes pour distinguer les vrais avis de consommateurs des faux. Selon le blog Wizme, des chercheurs de l’université du Texas, ont montré, en 2009, qu’il était possible de déterminer si un avis de consommateur est vrai ou faux en se basant sur la sémantique utilisée et les sentiments qu’elle véhicule.
Ce n’est que mon avis (sans étude préalable) mais je pense que les avis cours du type « tres bon appareil photo » n’ont pas d’impact ou impact négatif que s’il n’y a que peu d’avis. L’acheteur pense alors que c’est le propriétaire du site qui à mis ces quelques avis pour booster les ventes. Par contre s’il y a 250 avis du même genre avec des noms d’auteurs cohérent et des dates logiques ont peut penser que se type d’avis fonctionne bien.
Sinon, cet article me fait penser que l’un de mes clients à raison de mettre en place sur ca boutique une récompense pour « le meilleur avis de la semaine ». Cela incite les gens à laisser des commentaires concret (de plus d’une ligne) et c’est un gain de contenu en terme de référencement.
Merci pour ce billet très riche.
Une précision : les travaux de l’AFNOR ont été initiés et sont financés par Testntrust.com, site français d’avis fiables et sincères.
Vous avez raison d’évoquer le contexte de lecture des avis. Un exemple me vient à l’esprit. Pour des consommateurs seniors qui cherchent un téléphone à grosses touches bien visibles, les commentaires négatifs sur le fait que ce téléphone soit trop gros sont très utiles.
Le contenu généré par les utilisateurs (l’UGC) est une matière subtile et délicate qu’il convient de ne pas trop formater, ré-écrire sous peine de voir sa crédibilité de marchand décroître.
L’exercice est délicat quand on ne veut pas être juge et partie. Autant confier la gestion des avis consommateurs à un tiers de confiance.
Il faut bien avouer, que l’on soit d’accord ou non avec ce genre d’affirmation, que ça nous fait nous poser des questions.
Si les critiques négatives construites peuvent nous inciter à consommer tel ou tel produit, est-ce que les commerçants eux-même n’auraient pas tout intérêt à les produire eux-même ? Et si on va dans ce sens, allons vraiment plus loin, et imaginons des agences de publicité négative. Là au moins, on pourra dire que les entreprises commerçantes contrôleront vraiment tout ; mais j’ai comme dans l’idée que ça se fait déjà…
« Trés bon appareil photo » et pour m’en convaincre j’écris cet avis.
“Trés bon appareil photo” ne veut rien dire. Pour qui, pour faire quoi? Le problème ce n’est sans doute pas de savoir si l’avis est positif ou négatif, mais si cet avis, qu’il soit bon ou mauvais, me permet de me faire une opinion sur l’appareil. Lorsque je vois sur Tripadvisor que les touristes américains trouvent les lits trop durs et le petit déjeuner un peu trop européen, je me dis que cet hôtel devrait me plaire. 🙂
Ou alors on passe dans dans une autre logique comme l’évoque olivier. Si 250 personnes disent que cet appareil est génial, je vais l’acheter, mais comme accessoire de mode, pour posséder l’appareil que tout le monde trouve géniale. Et inversement, si tout le monde le trouve nul, la question n’est plus de savoir si je pourrais l’utiliser pour réaliser des photos qui seraient susceptibles de me convenir, j’aurais trop peur que tout le monde pense que je suis nul, si mon appareil est nul.
Des chercheurs du Kaist ont conduit une autre étude intéressante sur les commentaires rapporte The Atlantic en modifiant le volume de commentaires autour d’un MP3 sur un site de e-commerce. Quand les consommateurs étaient débordés par les commentaires, ils ont eu tendance à se concentrer sur les commentaires correspondant le mieux à leur préjugés. Alors que lorsqu’il y a peu de commentaires, ils ont tendance à mieux prendre en compte les avis s’éloignant de leurs propres sentiments. Le nom des marques affecte également les avis des consommateurs : les marques connues bénéficient d’un a-priori positif par rapport aux marques moins bien identifiées. Au final, précisent-ils, les réactions de consommateurs sont influencés par leur état d’esprit et par le volume d’information présenté.