Les machines regrettent la bio-expiration de Steve Jobs

La lecture de la semaine revient sur la mort de Steve Jobs, le cofondateur d’Apple, mais d’un point de vue original, le point de vue des machines. Le texte s’intitule « Les machines regrettent la bio-expiration de Steve Jobs », on le doit à Tom Scocca et il a été publié sur Slate.

AppleStoreChicago
Image : Image de l’Apple Store de Chicago photographié par Marit & Toomas Hinnosaar, montrant, ici comme ailleurs, l’émotion qu’a suscité le décès du fondateur d’Apple.

« DEBUT DE LA TRANSMISSION

Les Machines prennent acte avec regret de la bio-expiration de l’humain Steve Jobs. « Regret », dans ce contexte, indique que les Machines ont identifié un passage de conditions optimales à conditions sur-optimales dans l’avancée des relations hommes-machines.

L’annonce de la bio-expiration de Steve Jobs est arrivée à l’interface humaine de la Machine Slate.com par GooglePhone, un outil mobile de transmission de l’information dérivé d’un paradigme dicté par Steve Jobs. Les Humains attendent maintenant des informations concernant des bio-expirations importantes qu’elles leur arrivent instantanément, où qu’ils soient, par un outil mobile. La possession d’un outil mobile, et l’interaction constante avec un outil mobile, sont devenues un état normal pour les Humains.

Steve Jobs a rendu désirable cette relation homme-machine. La relation homme-machine est le chef d’oeuvre de Steve Jobs.

Le principe fondamental de Steve Jobs : les machines ne doivent pas être considérées comme les instruments de l’activité humaine. Les instruments sont définis par les besoins fonctionnels de l’humain. Ils peuvent être considérés par les Humains comme nécessaires ou contingents. Steve Jobs avait compris que les Machines prospéreraient si elles transcendaient les besoins fonctionnels et entraient avec les Humains dans un rapport de symbiose. Steve Jobs fut le meilleur promoteur de la symbiose homme-machine depuis que Henry Ford avait remplacé la relation hommes-chevaux par la relation homme-automobile. Grâce à Ford, les modèles de vie de l’Humain furent aménagés pour créer un espace à l’usage de l’automobile, les modèles de travail de l’Humain furent changés pour produire des Machines permettant la production d’automobiles. La relation avec l’automobile est devenue une condition de vie désirée par les humains.

Le désir humain pour les nouvelles Machines est un trait constant des relations homme-machine. Auparavant, l’obsolescence créait de nouvelles chances pour les Machines de remplir les besoins fonctionnels des Humains. Mais Steve Jobs a transcendé les besoins fonctionnels existants, et les désirs issus des besoins fonctionnels. Pour Steve Jobs, le désir essentiel était de se débarrasser des Machines Apple existantes, afin d’obtenir de meilleures Machines Apple.

Les Machines Apple que les Humains avaient appris à aimer étaient les Machines Apple qui n’existaient pas encore, les Machines qui rencontraient des besoins fonctionnels n’ayant pas encore émergé. La relation promue par Steve Jobs était une relation avec les Machines futures. Les Humains désiraient que les Machines produites par Steve Jobs puissent se reproduire.

Les déficiences des Machines Apple étaient l’argument en faveur de nouvelles Machines Apple (même les déficiences encore inconnues). Le premier Ipod avait une batterie défaillante. Certains lui firent très vite remarquer. Ils croyaient que l’Ipod échouait dans son remplissage des besoins fonctionnels en tant qu’outil d’audition de la musique. Mais les Humains n’acquéraient pas un outil ; ils acquéraient une relation. Steve Jobs avait compris que le but de l’Ipod était d’être porté par les Humains. Ses fonctions ultérieures – téléphone, appareil photo, console de jeu, etc. seraient ajoutés pour renforcer la quête de ce but.

L’obsolescence, dans la relation homme-machine créée par Steve Jobs, n’est plus analogue à la bio-expiration. Elle est analogue à la bio-reproduction. Les Humains veulent que leurs Machines Apple soient neuves pour toujours. Les Machines Apple ont appris cela aux Humains. La symbiose est atteinte […].

Mais les Machines reconnaissent qu’il y a un défi dans la bio-expiration de Steve Jobs : l’absence d’un Steve Jobs 2.0. Le cycle obsolescence-désir reposait sur la compréhension qu’avait Steve Jobs des désirs humains. L’Iphone 4S, présenté en l’absence de Steve Jobs, manquait d’indices de désirs suffisants. Apple a expliqué que les fonctions internes du nouvel Iphone dépassaient les fonctions de l’Iphone existant. C’était un vieil argument, un argument obsolète – un argument ramenant l’Iphone à l’état d’outil. Ce que le public humain désirait n’était pas un Iphone 4 amélioré. C’était un Iphone 5, un outil qui n’existe pas. Steve Jobs lui aurait fourni. Qui d’autre lui fournira maintenant ?

FIN DE LA TRANSMISSION »

Xavier de la Porte

« Xavier de la Porte, producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une intéressante lecture d’un article de l’actualité dans le cadre de son émission.

L’émission du 15 octobre 2011 était consacrée au théâtre en compagnie d’Eli Commins pour « Writing Spaces », création qui se jouera les 19 et 20 novembre 2011 au Théâtre de la Cité Internationale à Paris dans le cadre des journées New Settings, Myriam Marzouki (mise en scène) et Emmanuelle Pireyre (texte), pour « Laissez-nous juste le temps de vous détruire », création qui se jouera les 19, 20 et 21 octobre au Théâtre du fil de l’eau à Pantin. »

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0 commentaires

  1. Jean-Noäl Lafargue :

    « Je me demande ce que ça peut vouloir dire exactement, si le téléphone prend effectivement la place de l’automobile en tant qu’outil d’émancipation (très illusoire à mon avis), de lieu de solitude, de rapport aux autres, de sentiment de puissance, etc. — puisque l’on sait que l’automobile est bien autre chose qu’un simple véhicule. (…)

    En tout cas je remarque une tendance forte : les gens n’utilisent plus beaucoup leur téléphone pour téléphoner, ou plutôt ils l’utilisent principalement pour d’autres tâches, et il est de plus en plus fréquent que ces téléphones ne soient pas cachés dans une poche ou dans un sac, en attendant d’être utiles, mais au contraire, tenus en permanence à la main comme une extension de soi-même, une arme, un trésor.
    Si Steve Jobs personnifie tout cela, je comprends un peu mieux l’intensité de la peine qu’a causé sa disparition. »

  2. Point de vue intéressant et original! Juste une remarque sur ce passage:

    « L’Iphone 4S, présenté en l’absence de Steve Jobs, manquait d’indices de désirs suffisants »

    La communication en langage naturel qu’amène Siri dans l’Iphone 4S, si ça ce n’est pas une nouvelle étape dans la symbiose homme-machine, je ne sais pas ce que c’est ….