Comprendre les signes de la confiance

Comment décidons-nous de faire confiance à quelqu’un ? Des chercheurs des universités de Northeastern, du MIT et de Cornell ont mené plusieurs expériences pour chercher à le comprendre rapporte Tara Parker-Pope pour le New York Times en se basant sur une étude à paraître du Journal of Psychological Science.

Dans la première expérience, les chercheurs ont rassemblé 86 étudiants de l’université deux par deux en leur donnant 5 minutes pour faire connaissance. La moitié des binômes se sont rencontrés en face à face, l’autre moitié a interagi en ligne par messagerie instantanée. Puis les étudiants ont été invités à jouer à un jeu. Chaque joueur se voyait attribuer 4 pions. Le pion valait 1 dollar si le joueur le gardait pour lui et 2 $ s’il le donnait à son partenaire. Ainsi, les joueurs pouvaient gagner 4 $ s’ils gardaient leurs jetons et 8 $ s’ils se les échangeaient. Mais ils pouvaient en gagner 12, s’ils réussissaient à se faire donner les jetons de l’autre joueur sans lui offrir les siens en retour. 22 % des joueurs ont parfaitement coopéré pour gagner chacun leurs 8 $. 13 % ont gardé pour eux tous les jetons. 65 % se sont montrés moyennement coopératifs, donnant 2 à 3 jetons et gardant les autres par-devers eux, par sécurité. En fait, les deux groupes ont démontré le même niveau de coopération : être en face à face ou en ligne n’a pas eut d’incidence sur leur manière de coopérer, sauf que les étudiants qui étaient en face à face ont mieux prédit la fiabilité de leur partenaire. La raison est qu’ils s’appuyaient pour cela sur des repères visuels, ces « signaux honnêtes » qu’évoque Sandy Pentland, des indices non verbaux liés à l’activité physique et aux mimiques de nos interlocuteurs.

« L’absence de face à face ne rend pas les gens plus égoïstes », a déclaré David DeSteno (@daviddesteno), l’auteur principal de l’étude, professeur de psychologie à la Northeastern, responsable du Groupe de recherche sur les émotions sociales et auteur de Out of character. « Mais la capacité d’une personne à prévoir ce que son interlocuteur allait faire était supérieur en face à face qu’en ligne » parce que notre esprit décode des signaux non verbaux qui nous permettent de mieux identifier les personnes dignes de confiance, sans forcément avoir conscience de ce décodage.

Pour comprendre ces indices, les chercheurs ont filmés les élèves et ont identifiés quatre gestes spécifiques qui, en combinaison, attisent notre défiance : quand une personne se penche d’un côté opposé à son interlocuteur, quand elle se croise les bras en signe de blocage, quand elle se touche, frotte ou se saisit les mains, se touche le visage, l’abdomen ou ailleurs. « Plus vous voyez quelqu’un faire ces gestes et plus vous avez l’intuition qu’il pourrait être moins digne de confiance », estime le Dr DeSteno.

Les chercheurs ont ensuite mené une expérience similaire avec Nexi, le robot développé par Cynthia Breazeal qui dirige le groupe de travail sur la robotique personnelle du MIT. Une femme prêtait sa voix au robot (sans voir les gestes qu’il faisait qui étaient commandés par deux autres personnes). Les étudiants avaient droit à 10 minutes de conversation avec lui avant le jeu (pour surmonter la surprise d’avoir à interagir avec un robot). Le robot a utilisé une vaste gamme de gestes de conversation (hausser les épaules, bouger les bras…) qu’il a parfois mêlé aux quatre indices de méfiance qu’avaient mis en avant les chercheurs (voir la vidéo). Lorsque les élèves ont vu le robot faire les gestes de la main et du corps associés à la méfiance, ils ont ensuite pris des décisions montrant qu’ils n’avaient pas une totale confiance dans le robot. Dans les questionnaires d’évaluation, si les étudiants ont tous trouvé le robot sympathique, ceux qui avaient vu les indices associés à la méfiance l’ont majoritairement trouvé moins digne de confiance que les autres.

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Image : Attention, Nexi croise les bras ! Image extraite de la vidéo du New York Times.

« Cela n’a aucun sens d’attribuer des intentions à un robot », a déclaré le professeur d’économie de Cornell, Robert H. Frank. « Mais certains gestes non verbaux déclenchent des réactions émotionnelles dont nous ne sommes pas conscients, et ces réactions sont très importantes pour comprendre comment se développent les relations interpersonnelles. Le fait qu’un robot puisse déclencher les mêmes réactions confirme la nature mécanique des forces qui influent sur l’interaction entre les hommes. » Décoder ces gestes, les faire apparaître, saillir, nous en faire prendre conscience permettra peut-être demain de mieux évaluer nos relations interpersonnelles.

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