Après les plateformes de crowdfunding urbain et les kits d’intervention urbaine, le groupe de travail “Alléger la ville” de la Fing poursuit la publication de ses conclusions sous forme de pistes d’innovation…
Retour sur le désir d’hybridation du numérique dans l’espace urbain… Des lieux, oui ! Mais pour quoi faire ? Marine Albarede et Thierry Marcou esquissent une typologie de nouveaux lieux et de fonctions pour incarner nos nouvelles proximités et favoriser la création et l’innovation sous toutes leurs formes.
Un monde, même de plus en plus numérique, a besoin de lieux : des lieux pour la rencontre, le travail collaboratif, des événements, de la médiation, des contacts client-usagers, des échanges, des formes d’apprentissage, du prototypage… Or dans un contexte de concurrence mondiale et de contrainte économique (et budgétaire en ce qui concerne l’action publique), on constate plusieurs tendances :
- la réduction de la présence physique de nombreuses administrations et de services ;
- l’éloignement des lieux de vie, de travail et de loisir, dans un contexte d’étalement urbain ;
- la raréfaction des lieux de socialisation ;
- une crise du financement de certaines équipements et dispositifs publics.
Pourtant, dans de nombreux territoires, de nouveaux projets et demandes de lieux partagés, reposant sur des dynamiques collaboratives, émergent aujourd’hui, notamment en lien avec le numérique. Il s’agit avec cette piste de faire émerger et se développer des espaces de proximité partagés, efficaces, multi-fonctions, flexibles, efficaces, pour la médiation et l’accès à des services essentiels, pour le travail et l’entrepreneuriat, les projets collectifs, la création et l’innovation.
Image : Le poireau agile est un jardin partagé créé en 2005 dans le jardin Villemin, situé dans le 10e arr. de Paris et géré par l’association Ville Mains Jardins.
Vous avez dit Lieux partagés ?
Que permet un lieu partagé ?
Image : ce que permettent les lieux partagés selon les différents types d’acteurs concernés.
Un lieu « partagé » accueille des usagers ayant besoin d’accéder à des services, des locaux, des équipements, des outils, à proximité. Il permet de répondre à des aspirations, des pratiques ou des besoins individuels. Il favorise également la rencontre et les collaborations, qu’elles se déroulent dans un cadre personnel, professionnel ou associatif. Les lieux partagés sont généralement exploités et animés par des équipes bénévoles ou professionnelles afin d’assurer cohérence et articulation des temporalités et des activités qui y sont menées.
Petit lexique de quelques types de lieux partagés
Lieux de médiation et d’accès
- Conciergeries : Ce sont des lieux qui réunissent un ensemble de prestations de service du quotidien. Il existe des conciergeries d’entreprises (qui mettent des services à disposition de leurs salariés sur leur lieu de travail) et d’autres à disposition d’habitants d’un territoire.
- Dépôt/Vente : Cela désigne soit un certain type de magasin soit le contrat en vertu duquel une personne confie un objet à une autre en vue de sa mise en vente, mais aussi des points de livraison divers et variés et des commerces multi-services, bureaux de tabacs ou petits commerces accueillant une ou plusieurs fonctions supplémentaires.
- EPN : Les Espaces Publics Numériques sont destinés
à l’accompagnement de tous les publics aux usages numériques, ils proposent des activités d’initiation ou de perfectionnement encadrées, par le biais de médiations individuelles comme collectives. On dénombre environ 4500 EPN en France (Source : Ville.gouv.fr). - Maisons des services publics : Elles réunissent des services publics relevant de l’Etat ou de ses établissements publics, des organismes de sécurité sociale ou d’autres organismes chargés d’une mission de service public, afin de faciliter les démarches des usagers et d’améliorer la proximité des services publics sur le territoire en milieu urbain et rural. On en dénombre environ 350 en France (source : Fanny Petit, Les Maisons de Services Publics, 2005).
- MJC : Elles réunissent et mettent en mouvement des citoyens et visent au développement d’initiatives innovantes. Elles sont dédiées au lien entre jeunesse et culture, dans une perspective d’éducation populaire. On en dénombre environ 900 MJC en France (Source : FFMJC).
- Médiathèques : Ce sont des établissements, généralement publics, qui conservent et donnent accès à différents types de médias. Plus de 4000 médiathèques en France.
Lieux de travail et d’entrepreneuriat
- Espaces de coworking : Espaces de travail partagé, tiers lieu, visant à associer le confort du travail à domicile et la richesse sociale du travail en entreprise et au côté d’autres travailleurs, encourageant l’échange et l’ouverture. 25 recensés en France en 2011 par la Caisse des Dépôts et des Consignations, plus de 30 nouveaux espaces ouverts depuis (source : Caisse des Dépôts et des Consignations, Télécentres Etude 2011).
- Cantines : Les Cantines sont un concept spécifique d’espace de travail partagé existant dans plusieurs villes de France, dont la dynamique est liée aux pratiques professionnelles liées au numérique et à l’innovation. Conçu pour le travail collaboratif et les coopérations, ces lieux fonctionnent en réseau.
- Télécentres : Ce sont des lieux dotés de bureaux disposant d’équipements informatique et de communication, mis en oeuvre et gérés par des opérateurs publics ou privés, et mis à disposition de télétravailleurs (salariés, travailleurs indépendants ou de profession libérale). On en dénombre environ 70 en France (source : telecentresenfrance.fr).
- Centres d’affaires : Immeuble de bureaux (ou espace au sein d’un tel immeuble) tout équipé et meublé pour recevoir des utilisateurs de bureaux pour une période généralement limitée. Ils permettent souvent aux locataires de partager l’équipement de bureau et d’autres ressources, leur donnant ainsi accès à des services à coût réduit. On en dénombre environ 300 en France (source : Caisse des Dépôts et des Consignations, Télécentres Etude 2011).
Image : Le CoCo, le lieu de travail collaboratif de Minneapolis.
Lieux de création et de projets
- Jardins partagés ou communautaires : Ce sont des jardins gérés en commun par des groupes d’habitants ou des associations, ouverts ou semi-ouverts, proposant parfois des activités (ateliers, formations, etc.).
- Repair Cafés : Espaces ouverts, associant convivialité d’un café et accès à des outils, du matériel, des compétences, permettant à tout individu de venir apprendre à effectuer des réparations sur tout objet lui appartenant, au contact d’autres personnes.
- Ateliers de quartier : Des ateliers dédiés aux habitants d’un quartier, pouvant accueillir des activités et des projets collectifs divers et variés, de bricolage, création, partage, etc.
- Fab labs : Ces lieux sont des plateformes de prototypage rapide d’objets physiques, « intelligents » ou non. Ils s’adressent aux entrepreneurs qui veulent passer plus vite du concept au prototype, aux designers, aux artistes et aux étudiants, aux bricoleurs… Les Fab Labs regroupent un ensemble de machines à commande numérique de niveau professionnel, mais standard et peu coûteuses. Ils s’inscrivent dans un réseau mondial d’une centaine de Fab Labs, tous signataires d’une charte Fab Lab. Les techshops sont d’autres dispositifs dédiés à la fabrication numérique. En France, une trentaine de Fab Labs existent.
Un lieu « partagé », cela peut-être…
Un lieu qui devient « partagé »
– Bureaux de tabacs, épiceries proposant une distribution de services téléphoniques, un point Poste ou Crédit Agricole, un point de livraison Kiala…
– Bureaux de Poste vendant d’autres produits que ceux de la Poste
– Ancien guichet devenu Maison des Services Publics
– Espaces mutualisant guichet Pôle emploi et autres services
– Etablissement scolaire ouvrant sa salle informatique le week-end
– Entreprises mettant à disposition des bureaux
Un lieu transformé, ou créé de toute pièce
– EPN
– Télécentres
– Salles polyvalentes
– Espaces de coworking, Fab Labs…
Un lieu « reconquis »
– Centres culturels
– Lieux de médiation
– Jardins partagés
– Hackerspaces
En quoi consiste cette piste
Cette piste consiste à faire des lieux « partagés » un outil des politiques et stratégies de densification, de rétablissement de la proximité, du lien social (au service du « plaisir d’être ensemble »), de la cohésion sociale, du développement économique et de la qualité d’un territoire.
Elle vise pour cela à :
- Mettre les acteurs territoriaux publics comme privés en situation d’être stratèges des lieux partagés ;
- Poser les conditions des lieux partagés sur les territoires, afin de faire émerger de nouveaux projets émanant des acteurs locaux ;
- Articuler et combiner des dynamiques « descendantes» (en capacité d’impulser des plateformes, d’assurer un maillage et une cohérence…) et « ascendantes » (projets citoyens de lieux , communautés actives, dynamiques entrepreneuriales…).
Concrètement : 3 profils de lieux
Ce sont au moins 3 grands types de lieux partagés, répondant à des besoins bien distincts, qui peuvent émerger. Ces lieux ne sont pas interchangeables et ne sont pas des lieux « couteaux suisse », répondant à tous les besoins ; mais de nombreuses interactions, des articulations peuvent être envisagées, dans une dynamique de multifonctionnalité de ces nouveaux types de lieux.
Des lieux de médiation et d’accès
Le développement des “téléservices” (web, mobile…) et la raréfaction des fonds publics réduit inexorablement la présence physique des services essentiels, tant privés que publics, sur les territoires. Cette réduction rend difficile l’accès de beaucoup de gens à leurs droits ou aux aménités du quotidien – en particulier de ceux qui en ont le plus besoin. Elle supprime également des lieux de sociabilité. Peut-on imaginer de nouvelles formes de proximités, sans pour autant revenir à la situation passée et à ses écueils ?
Concrètement il s’agit de :
- Permettre au plus grand nombre d’habitants et d’usagers d’accéder aux services essentiels (publics ou privés), et ce facilement, en une seule fois, à proximité, et de préférence via une interface humaine.
- Permettre à un grand nombre de services publics et privés de proposer des points de contact humains sur le territoire, à moindre coût, grâce à la flexibilité et la mutualisation de fonctions.
- Ouvrir aux bons moments et aux bons endroits des points de contact multifonctions qui répondent aux besoins de ceux qui se trouvent à proximité.
- Mutualiser des services et fonctions de médiation dans les lieux et dans le temps ; les lieux peuvent être occupés par un ensemble de fonctions, variant selon le jour de la semaine, la période de l’année…
- Prendre conscience de l’importance de la médiation de services dans beaucoup de circonstances, et pour une grande part de la population : comprendre les formulaires, les démarches, les outils, accéder à ses droits ; négocier, contester, rectifier, etc.
Où ces lieux sont-ils importants ?
Particulièrement dans les territoires désertés par les “points de contact” publics et privés (quartiers difficiles, zones rurales) et dans ceux dans lesquels ils n’ont jamais existé (établement urbain).
D’où viennent ces lieux ?
Ces lieux se créent souvent à partir de lieux déjà existants, réfléchissant à leur évolution ou leur transformation, en réponse à des problématiques de fréquentation, à l’évolution des pratiques, ou à des problèmes de viabilité économique. Ils peuvent être :
– Des guichets publics et des bureaux de Poste dont l’existence est aujourd’hui menacée, faute de fréquentation ;
– Des espaces collectifs qui pourraient parfois accueillir d’autres usagers : établissements scolaires, médiathèques…
– Des guichets privés (points de contact d’entreprises privées, type banque) cherchant une rentabilité ;
– Des « Hubs », tels des centres commerciaux, des rues commerçantes, des marchés, des gares , qui permettraient aux usagers d’accéder à plusieurs services simultanément lors d’un de leurs déplacements.
Ce que l’on y trouve
– Des services publics et services sociaux (Pôle Emploi, CAF, Sécu…)
– Des services privés essentiels (banque, télécommunication, assurance, Poste…)
– Des services « de vie » (médecine, aide juridique, services associatifs
– Des interfaces humaines ; de la médiation.
Leviers d’action pour ces lieux
Plusieurs leviers d’action peuvent être envisagés, selon :
- La temporalité et la fréquence des services fournis : seulement la semaine, la semaine et le week-end, seulement durant certaines vacances, en journée à des créneaux spécifiques, lors de certains événements, ou toute autre combinaison pérenne ou variable…
- Le niveau d’information et de service apporté : information et distribution basiques, traitement de certains éléments de dossiers, intégralité du service…
- Les combinaisons de services fournis : services publics, privés, associatifs,…
- Les médiateurs, points de contact et d’accès aux services : spécialistes de la médiation dans plusieurs domaines, coexistence de médiateurs spécialisés, associations, entraide entre usagers…
Critères de réussite /Points d’attention
Une médiation de qualité
L’enjeu central de ces espaces de proximité est de fournir un accueil, un conseil et une médiation humaine, même s’ils se complètent de dispositifs numériques. La qualité de cette prestation (inégalement présente dans les “guichets” spécialisés avant que beaucoup de ceux-ci ne disparaissent) fonde la légitimité de ces nouveaux dispositifs. Elle doit être portée par des personnels compétents et reconnus, formés tant à la relation usagers qu’aux différents métiers vis à vis desquels ils font l’interface. Elle doit s’appuyer sur des outils en ligne pensés pour les médiateurs et connectés aux systèmes d’information de chaque service. De tels outils proposeraient par exemple une navigation plus rapide, des informations plus complètes. Ils permettraient de conserver plusieurs dossiers personnels, voire de mener au nom d’un même usager des démarches en une seule fois, auprès de plusieurs administrations et prestataires de services, assurant une continuité des services.
La reconnaissance de la fonction de médiation pourrait ainsi permettre de pérenniser une qualité d’accueil des usagers sans précédent, malgré la réduction des points de contact. Elle permettrait aussi de redonner des perspectives professionnelles à certains travailleurs sociaux, médiateurs ou agents publics.
Des modèles économiques viables
L’économie des lieux partagés d’accès et de service repose sur :
- Le partage des coûts entre les différents fournisseurs de services qui s’appuient sur le lieu (et peuvent ainsi, soit développer leur présence locale, soit supprimer des points de contact dédiés moins adaptés) ;
- Un soutien de la collectivité territoriale qui maintient sur place des équipements de proximité – et peut aussi “prendre la main” sur le déploiement de ces équipements, plutôt que des négociations distinctes avec chaque administration, chaque organisme social, la Poste, etc.
La flexibilitée
Les nouveaux lieux partagés gèrent une adaptation permanente des espaces (et de ce par quoi ou pour quoi ils sont occupés), des services et des personnes. Un même lieu peut proposer des prestations très différentes en semaine et le week-end, en journée ou en soirée, selon les jours de la semaine, les jours de marché, etc. Il peut disposer d’un personnel permanent, d’appoints itinérants, voire accueillir des acteurs associatifs ou d’autres volontaires pour remplir ses fonctions.
Des lieux de travail et d’entrepreneuriat
Si l’on met à part les “centres d’affaires”, les lieux de travail partagés ont pour l’instant surtout été pensés autour d’une vision désormais datée du “télétravail” : le travail sédentaire à distance d’un salarié. Les “télécentres” ne sont jamais parvenus à créer une réelle dynamique, en France pas plus que dans la majorité des autres pays développés.
Image : Vittra, une école suédoise bilingue pensée pour l’ouverture et le partage (pas de murs ni de salles attribuées).
Ce qui manque à ces espaces, c’est la capacité de créer des liens forts avec les autres utilisateurs du lieu, de se créer une communauté professionnelle au-delà de celle offerte par leur employeurs, de créer une continuité entre des status salariaux, indépendants ou sur emploi. C’est aussi la solitude, qui s’affirme comme un des pires ennemis des télétravailleurs et autres travailleurs nomades, y compris au sein des télécentres. Le succès des espaces de “co-working”, pourtant créés d’abord pour des professionnels du numérique montre la voie. Peut-on s’en inspirer pour d’autres professionnels et d’autres espaces urbains moins centraux ?
Concrètement, il s’agit de :
- Permettre à des personnes d’accéder, dans le cadre de leur activité professionnelle, à de nouveaux lieux équipés (d’une connexion, de salles de travail ou de réunion), mais aussi à de nouvelles communautés de travail ;
- Permettre aux individus qui le souhaitent de travailler seuls dans un espace partagé, mais aussi de travailler avec d’autres, en stimulant les collaborations, les projets collectifs.
- Utiliser les locaux, espaces et équipements disponibles (temporairement ou de façon plus pérenne) pour proposer des espaces aux personnes et aux équipes qui en ont besoin.
- Ouvrir des lieux permettant de réduire les distances et les mobilités pour les travailleurs qui le souhaitent, tout en offrant aux organisations des solutions adaptées aux besoins de leurs salariés et leur permettant d’assurer une présence sur tout un territoire, de proximité.
- Proposer des services à des moments et endroits spécifiques au sein de ces lieux, destinés aux travailleurs comme à d’autres habitants du territoire.
Où ces lieux sont-ils importants ?
Dans le périurbain en combinant une certaine proximité à la nécessité de créer une masse critique, à la fois pour assurer un bon taux d’occupation et pour permettre la création de communautés de travail.
Dans les zones urbaines denses, pour répondre aux nouvelles caractéristiques du travail (mobilité, individualisation…) et faciliter l’émergence de nouvelles communautés professionnelles.
D’où viennent ces lieux ?
Ces lieux illustrent une tendance déjà à l’oeuvre aujourd’hui, répondant à une évolution du rapport au travail, qui devient plus mobile, plus flexible.
Ils peuvent être :
- Des espaces de travail déjà partagés aujourd’hui : Cantines, ou autres espaces de coworking en réseaux, des télécentres qui souhaiteraient également faciliter les collaborations en présentiel et à distance ;
- Des espaces privés, des bureaux mis à disposition d’autres travailleurs ou usagers, exploitant la capacité excédentaire de ces espaces ;
- Des espaces de travail partagés qui pourraient s’ouvrir à d’autres services ou activités lors de créneaux spécifiques (le week-end, le soir, entre midi et deux…).
Ce que l’on y trouve
- Des “communautés”, c’est à dire des occupants permanents ou occasionnels qui ont des choses à partager ;
- Des infrastructures et des équipements permettant de travailler seul ;
- Des infrastructures, équipements et outils permettant de travailler ensemble, de collaborer et la conduite de projets collectifs ;
- Des modalités d’animation permanente et évènementielle,
facilitant la mise en réseau et les rencontres ; - Des services apportés aux travailleurs (livraisons, services d’accès à certains créneaux).
Leviers d’action pour ces lieux
Plusieurs leviers d’action peuvent être envisagés, selon :
- La « coloration » du lieu : ouvert à tous les travailleurs, ou avec une orientation (acteurs du numérique, de l’innovation, de l’ESS, travailleurs nomades, agents publics, commerciaux, techniciens…) ;
- L’articulation des modalités de travail, de location d’espace ou d’équipement : temporalités longues (sur plusieurs mois, plusieurs ans) ou plus courtes, fréquence de l’occupation (régulière, occasionnelle…) ;
- Les services apportés et leurs combinaisons ;
- L’animation des lieux : animation forte, animation par les acteurs/travailleurs du lieu, animation faible.
Critères de réussite / Points d’attention
Le modèle économique
Il s’agit de maximiser le taux d’occupation du lieu et l’utilisation de ses ressources techniques, ainsi que d’imaginer d’autres sources de revenus : services aux utilisateurs, hébergement de services, accueil ou organisation d’événements, etc.
Ces nouveaux lieux de travail partagés doivent donc être insérés dans la vie économique du territoire. Ils doivent pouvoir fonctionner avec des horaires étendus, quitte à être alors “pris en charge” par d’autres acteurs (associations par exemple) ou même par leur communauté d’utilisateurs.
Souplesse et agilité de l’occupation
Articuler des formes d’occupation durables et régulières avec des formes d’occupation plus brèves ou plus occasionnelles, le temps d’un projet, d’une collaboration, certains jours chaque semaine ; des occupations individuelles comme collectives.
Le maillage et la masse critique
Tout en cherchant bien évidemment à réduire les déplacements contraints de ceux qui occupent ces espaces, leur proximité de l’habitation de ceux-ci ne peut pas constituer le seul critère de localisation des lieux de travail partagés. Il peut s’avérer préférable “d’élargir la maille” pour permettre à un lieu qui fédèrerait une certaine communauté professionnelle de trouver son succès ; voire d’en faciliter l’accès même de loin, pour permettre à cette communauté de converger vers ce lieu, par exemple à l’occasion d’événements.
La communauté
La clé de la réussite de ces nouveaux espaces réside dans l’émergence de communautés de travail, qui socialisent ceux qui y participent et leur fournissent un support essentiel, dans l’immédiat et au cours de leur évolution professionnelle. La communauté constitue un remède à l’éloignement et l’isolation qui guettent les télétravailleurs – mais aussi bien d’autres indépendants et salariés, mobiles ou même sédentaires. Les nouveaux lieux partagés, répondent ainsi à bien d’autres choses que le développement (modeste) du télétravail ; ils comblent le vide que l’individualisation du travail crée chez de nombreux individus.
Image : La mutinerie à Paris.
Des lieux de création et de projets
Le développement d’une approche “servicielle” de la ville transforme ses habitants en consommateurs ; ceux-ci ne s’en satisfont pas. Les contraintes financières comme la complexité croissante des problèmes urbains rend cette approche reposant seulement sur de grands acteurs publics ou privés de moins en moins efficiente. Il faut donner beaucoup plus de place aux initiatives des citadins, individuelles comme collectives. Comment les accompagner et comment favoriser, à la fois le puissant lien social que produit un projet partagé et l’intervention concrète des habitants dans leur ville ?
Concrètement, il s’agit de :
- Permettre à des projets, personnels ou collectifs, d’éclore, de progresser, de se développer, de se faire connaître et de se confronter à d’autres projets ;
- Permettre à des personnes ayant des pratiques personnelles, des projets individuels comme collectifs, d’accéder à des outils et des communautés qui leur permettront de les mettre en oeuvre plus aisément ;
- Faciliter le développement de pratiques collectives : jardinage, cuisine, sport, art… ;
- Favoriser les frictions entre différents types d’acteurs, pour stimuler l’émergence ou la croissance de projets innovants ;
- Permettre l’apprentissage de pair à pair, ou par des médiateurs et formateurs :
- Outiller l’émergence de ce qui est produit dans ces lieux : faire connaître, donner des possibilités d’expérimentation, orienter vers d’autres dispositifs de soutien, de recherche de financement, veiller à l’articulation avec les autres systèmes…
Image : Un espace collaboratif inspiré des Fab Lab à l’image de la Nouvelle fabrique.
Où ces lieux sont-ils importants ?
Ces lieux sont importants dans l’urbain et le périurbain ; ces lieux doivent aussi être des lieux de proximité, mais situés là où peut émerger une “masse critique” indispensable à leur dynamique.
D’où viennent ces lieux ?
Ces lieux existent depuis longtemps dans certains domaines comme le sport ou la culture. D’autres espaces émergent aujourd’hui :
- Des Fab Labs, TechShops, lieux consacrés à la fabrication numérique, se voulant ouverts et accessibles tout en étant viables économiquement ;
- Des espaces collectifs et de médiation (EPN, espaces culture multimédia, médiathèques, MJC…) qui réfléchissent à leur évolution, en lien avec celle des pratiques des individus ;
- De petits commerces souhaitant articuler activités commerciales et médiation pour devenir lieux de mise en capacité (Repair Cafés…) ;
- Des lieux reconquis par les individus, portés par des dynamiques ascendantes (jardins partagés, friches artistiques…) ;
- Des lieux privés ou publics qui pourraient s’ouvrir au public à certains moments afin de répondre aux besoins de lieux et d’outils : ateliers de maintenance des réseaux urbains, petits commerces…
Ce que l’on y trouve
- Des locaux, infrastructures, équipements et outils permettant la mise en oeuvre de projets individuels comme collectifs ;
- Des personnes en charge de la gestion et de l’animation des lieux, des ressources humaines pour accueillir et accompagner les projets ;
- Des services de médiation, de formation… ;
- Des modalités d’animation permanentes et évènementielles, facilitant la mise en réseau et les rencontres ;
- Des services secondaires pour les usagers des lieux ;
- L’accès à des communautés, des réseaux plus larges, nationaux ou internationaux.
Leviers d’action pour ces lieux
Plusieurs leviers d’action peuvent être envisagés, selon :
- Les fonctions et activités du lieu : accès libre, ateliers et formations, services aux particuliers, services aux entreprises, location de matériel, événements ou ateliers privatifs, accompagnement de projet…
- Les modalités d’ouverture du lieu : ouvert et public, semiouvert, privé et ouvert sur certains créneaux, privé sur abonnement…
- La fréquence d’ouverture : en permanence, le week-end, en soirée, pendant les vacances…
- L’animation des lieux : par des médiateurs, animateurs, usagers du lieux.
Critères de réussite / Points d’attention
Le modèle économique
Articuler différentes sources de revenus, différentes formes d’usages et prestations. Créer des sources de revenus propres : vente de la production, accueil d’événements, etc.
Animation
Se fonder sur des communautés pré-existantes, des porteurs ; il ne s’agit pas seulement de fournir du service, mais de penser et mettre en oeuvre des lieux animés et dynamiques. C’est la communauté des utilisateurs qui va aussi contribuer à l’animation et au fonctionnement de ces lieux ; les gestionnaires et porteurs des lieux vont stimuler cette communauté, via des événements, des projets, des temps forts…
Friction des publics
Permettre et encourager les rencontres, entre individus, entreprises, acteurs publics… pour catalyser la création et l’innovation.
Comment les « Lieux partagés » contribuent-ils à alléger la ville ?
Des lieux multifonctionnels, dé-spécialisés et plus agiles
Aujourd’hui, les fonctions restent le plus souvent rattachées aux lieux, bien que la tendance aille à la déspécialisation de ces lieux, mais aussi au brouillage des statuts : lieux publics/lieux privés, lieux privés (et personnels) que l’on va partager… une tendance qui s’affirme, portée par exemple par des dynamiques de consommation collaborative (partage de bureaux, location temporaire d’appartements privés, etc.).
La multifonctionnalité, ce re-design des usages de lieux existants (et de nouveaux lieux) permet de proposer de nouvelles réponses à des besoins d’accès à des services essentiels ou des lieux de socialisation, de travail ou de projet, en offrant des combinaisons inédites. Elle renouvelle certains lieux ou dispositifs existants, en articulant dynamiques ascendantes et descendantes. Elle simplifie leur équation économique en mutualisant de nombreuses fonctions, et par conséquent, en rendant diverses sources de financements possibles.
Une ville plus frugale
La désertification, l’éloignement ou la suppression des points d’accès à des services ont pour conséquence d’accroître les déplacements nécessaires pour les personnes souhaitant y accéder.
Accéder à son lieu de travail signifie également souvent une mobilité contraignante, la voiture restant presque partout le principal mode de transport. Permettre l’émergence de lieux de proximité de qualité répond donc à de véritables enjeux de réduction des distances et de développement durable.
Frugalité des distances, mais aussi frugalité des espaces : cette nouvelle approche des lieux partagés vise à exploiter leur « capacité excédentaire » (les lieux n’étant aujourd’hui utilisés qu’à certains moments, par certains acteurs) au bénéfice de ceux qui en ont besoin et de l’apparition de nouvelles activités, dans un contexte de contraintes pesant sur l’immobilier urbain.
Une réponse à un contexte de ressources limitées
La disparition progressive de nombreux lieux de proximité (notamment de services) dans les territoires urbains comme ruraux, faute de fréquentation ou de modèle économique équilibré, s’inscrit aussi dans un contexte de baisse des ressources financières pour les collectivités.
Les lieux partagés sont aussi une réponse à cette situation, puisqu’ils proposent de nouveaux partenariats, une baisse des coûts via des mutualisations de fonctions, une augmentation des taux d’usage et d’occupation des lieux, tout en proposant une qualité de service et de lieux égale sinon supérieure.
Des lieux pour l’outillage des citadins et la friction des acteurs
Les lieux partagés visent à répondre aux besoins des citadins d’accéder à des services élémentaires de proximité, mais aussi à des ressources diverses. Ils outillent, accompagnent les pratiques citadines ; lieux de travail ou de projets, ils favorisent les rencontres et frictions avec d’autres acteurs, publics ou privés, et peuvent ainsi stimuler l’apparition de projets innovants sur le territoire.
Ces lieux produisent à la fois du lien social et des initiatives concrètes qui contribuent à répondre aux besoins du territoire.
Les conditions de réussite
Une véritable articulation des acteurs publics et des dynamiques ascendantes
Les projets de lieux partagés qui émergent sur le territoire, souvent portés par des dynamiques ascendantes, sont en recherche de critères, d’accompagnement, d’outillage leur permettant de mettre en oeuvre ces lieux ; cela demande aux acteurs publics (ou privés) d’être proactifs pour qu’émergent ces lieux :
- Faciliter l’émergence de projets de lieux venant des citadins, de communautés actives ou de petits acteurs du territoire :
– En stimulant les initiatives de création de lieux grâce à des appels à initiatives, en mobilisant des communautés et en s’intéressant aux dynamiques existantes (appels à projet, dispositifs type plateformes de crowdfunding, veille continue…) ;
– En co-conduisant des études d’implantation de lieux, en prenant en compte le maillage, les temporalités, les usages. - S’outiller pour répondre aux besoins et demandes de lieux venant du territoire :
– En accompagnant la réflexion sur les usages et la viabilité socio-économique des lieux, en incitant à de nouveaux modes d’occupation et de rentabilisation des espaces ;
– En impulsant des rapprochements entre différents acteurs et communautés ;
– En développant des capacités de lecture des projets qui arrivent et en accompagnant les porteurs de lieux : en leur transmettant des orientations urbaines, notamment quant à l’emplacement de lieux (des « réserves » foncières, des zones de projets urbains particulièrement pertinentes : zones d’entreprises, campus, gares, grands noeuds urbains), en partageant des données, en associant d’autres acteurs du territoire à la préfiguration du lieu, en encourageant le partage de bureaux… - Organiser la négociation avec les prestataires de services (publics et privés) ainsi qu’avec les propriétaires de lieux : Le modèle économique de ces lieux partagés repose largement sur la mutualisation. Celle-ci exige de réunir plusieurs acteurs autour d’un même projet, ce qui devient facile dès lors que chaque projet de lieu ne discute pas séparément avec chaque service public, chaque grand opérateur privé, chaque fournisseur de service, etc.
- Donner à voir et outiller ce qui se fait dans ces lieux : Faire connaître, donner une visibilité, offrir des possibilités d’expérimentation, orienter vers d’autres dispositifs de soutien ou de recherche de financement (exemple du crowdfunding).
- Révéler les capacités excédentaires des lieux : Et inciter les animateurs/gestionnaires des lieux à les exploiter, en mettant en place des Chartes des lieux partagés, en incluant la clause du partage dans les contrats, en impulsant des plateformes de partage, etc.
Des lieux ouverts et accessibles
Les lieux partagés sont ouverts, selon des modalités qui leur sont propres ; pour en faire des lieux vraiment accessibles, il est important de développer des signalétiques des lieux partagés, à la fois physiques et numériques, permettant de les identifier et d’en identifier les caractéristiques qui peuvent évoluer dans le temps : inscription sur des cartographies numériques crowdsourcées, au sein de plateformes, signalétique physique dans l’espace urbain… Les lieux partagés doivent favoriser les interactions ; être en réseau est un enjeu important qui outre le partage de projets, de pratiques, la facilitation des collaborations à une échelle nationale voire internationale, doit permettre à leurs usagers respectifs de repérer et d’accéder à d’autres lieux du réseau.
Des modèles économiques à définir
La viabilité économique des lieux partagés est un véritable enjeu pour assurer leur pérennité ; les porteurs et gestionnaires des lieux doivent étudier et envisager les aspects suivants :
- Equilibre des fonctions de coût et de revenus : Notamment en hybridant différentes sources de revenus, et en mutualisant des fonctions ;
- Nombre de partenaires : Développer des partenariats au sein des communautés existantes, et s’articuler avec d’autres acteurs pouvant apporter des services, des compétences, des financements…
- Largeur des prestations et diversité des formes d’usage : Articuler plusieurs activités et fonctions au sein des lieux partagés de travail ou de projets (services aux particuliers ou aux professionnels, location d’espaces ou d’équipements, prestations d’accompagnement de projets, formations…) comme au sein des lieux de médiation et d’accès (mutualisation de fonctions).
- Taux d’occupation : Maximiser le taux d’occupation, quitte à diversifier les formes d’usage et les usagers du lieu ; privatisation ou partage de locaux à certains moments, apport de services supplémentaires et ouverture à un public plus large à d’autres moments…
Marine Albarède et Thierry Marcou.
Thierry Marcou (@thierrymarcou) est le chef de projet du programme Alléger la ville de la Fing (@la_fing). Marine Albarede (@marinealbarede) est chargée de mission de ce même programme ainsi que du programme MesInfos de la Fing.
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Je suis assez d’accord sur le concept du partage qui apporte il faut l’admettre nombreux avantages. Par contre ce partage, il faut le faire intelligemment. Par exemple je ne suis pas persuadé qu’un mur végétal entre 4 murs en plein ville soit un lieu approprié pour placer de la végétation dans un milieu urbain. Par contre le coworking est un bon exemple de mélange et partage.
« Des lieux de méditation » ?
Bonjour,
est-ce bien « médiation » que vous vouliez employer ?
Médiation me semblait plus logique, qu’en pensez-vous ?
Et sur le fond de votre article très intéressant, il question :
où rattachez-vous une expérience émergeant du terrain comme http://arcdev.free.fr avec son concept de tiers-lieu :
LA MAISON DES HUMANITÉS
http://arcdev.free.fr/maison.html
Bien cordialement
“Des lieux de méditation” ?
Bonjour,
est-ce bien “méditation” que vous vouliez employer ?
« Médiation » me semblait plus logique dans le contexte, qu’en pensez-vous ?
Et sur le fond de votre article très intéressant, il question :
où rattachez-vous une expérience émergeant du terrain comme http://arcdev.free.fr avec son concept de tiers-lieu :
LA MAISON DES HUMANITÉS
http://arcdev.free.fr/maison.html
Bien cordialement
@Julien : Oups ! C’était bien de lieux de médiation dont parlait l’article. 1000 excuses pour cette désatreuse faute qui a changé le sens du texte… (même si un peu de méditation ne fait pas de mal !)
Paul Richardet sur Medium insiste sur les 3 caractéristiques de ces Espaces Hybrides et Partagés.