Quand le net vous souhaite « Joyeux anniversaire ! »

« L’internet des objets va sonner le glas des anniversaires », prévient l’artiste et écrivain Joanne McNeil (que nous avions croisé sur la scène de Lift). Les grands services de l’internet ne se contentent plus de vous envoyer un message faussement personnalisé, à l’image de Google qui change de logo le jour de votre anniversaire : ils préviennent désormais vos amis de l’arrivée imminente de l’événement !

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Image : A votre date anniversaire, désormais, Google vous présente ces jolis petits gâteaux !

Les mauvaises excuses du marketing en ligne

Ceux qui vous enverront un e-mail via Gmail ou publieront un message sur votre mur Facebook seront certainement réévalués par les algorithmes qui mesurent sans cesse nos affinités avec les gens avec lesquels nous sommes en relation. Et cela pourrait être pire demain, s’amuse Joanne McNeil en imaginant notre réveil télécharger happy birthday le jour fatidique et tous nos appareils connectés faire de même toute la journée… L’horreur !

« Les entreprises sont constamment à la recherche d’excuses pour communiquer avec les clients et les utilisateurs », à l’image des notifications push des applications d’information où les médias abusent de leurs privilèges pour prévenir de la mort d’acteurs octogénaires ou de la dernière arrestation d’une star du petit écran…, et ce, alors même qu’il est de plus en plus difficile d’accéder aux paramètres et aux réglages des contrôles des notifications, s’énerve en passant l’artiste américaine…

En tout cas, pour tous, l’anniversaire est l’excuse parfaite. Les marques l’utilisent pour vous rappeler qu’elles existent et profitent de ce moment où l’on va vous offrir quelque chose pour se rappeler à vous. Elles sollicitent l’attention de vos proches parce qu’elles savent que, dans le modèle publicitaire qui est celui de l’internet, ils peuvent passer à un acte d’achat. Pour Joanne McNeil, le risque est de glisser en plein harcèlement, avec une démultiplication des notifications de plus en plus envahissantes et de plus en plus difficiles à éviter… Pour éviter ce déluge, notre anniversaire à l’avenir, sera-t-il un jour d’abstinence technologique, de déconnexion obligatoire ?

En ligne, comme dans la vie, un consentement non explicite n’est pas un consentement

Dans son billet, Joanne fait référence à un intéressant article signé de la développeuse Betsy Haibel du blog féministe Model View Culture qui s’intéresse à la diversité dans la culture et notamment la culture technologique.

Betsy Haibel revient sur l’importance du consentement explicite dans la lutte contre les agressions sexuelles… et se désole que l’industrie des technologies, elle, ne croit pas que le consentement explicite des utilisateurs soit nécessaire. Formulaires d’abonnement avec des cases précochées pour recevoir des offres publicitaires, formulaires de désabonnement cachés, surveillance généralisée des profils et des sessions… Betsy rappelle que le consentement obtenu par la tromperie n’est pas un consentement.

En fait, sur le net, il semble y avoir un avantage concurrentiel certain à se moquer du consentement de l’utilisateur, tant et si bien que le non-respect du consentement semble devenu la règle. Ce déni favorise le développement d’infractions toujours plus fortes de la volonté des utilisateurs, comme lorsque Twitter a introduit le marquage de photos sur tous les comptes d’utilisateurs publics. « Les déploiements de fonctionnalités de ce genre ont tendance à porter préjudice aux utilisateurs de façon inégale : les moins techniques sont les plus touchés et les utilisateurs des communautés marginalisées sont les plus susceptibles d’être mis en danger par les violations de leurs vies privées – pensez aux personnes démasquées par des employeurs homophobes lors de photos accidentellement médiatisées sur Facebook, ou aux cibles de harcèlement qui ont besoin de protéger les informations sur leur localisation. »

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Image : « Consentez-vous à être impliqué dans ce processus ? » via quinnanya.

Sur Cyborgology, la sociologue Jenny Davis (@Jenny_L_Davis) donne un exemple concret de ce déni du consentement, dans le cadeau qu’Apple a fait aux utilisateurs d’iCloud en faisant apparaître sur 500 millions de compte le dernier album de U2. Beaucoup d’utilisateurs ont peut-être été contents de ce cadeau, mais il montre dans quel déni de propriété les acteurs du numérique considèrent les utilisateurs. Et ce alors que tout le monde sait combien la musique et les supports sur lesquels ont l’écoute sont personnels. Même si pour Apple et tant d’autres donner de la musique semble moins insidieux que de vendre les données des utilisateurs… il n’empêche que ce cadeau s’infiltre jusqu’aux espaces les plus intimes des utilisateurs, jusqu’à leurs playlists, jusqu’à leurs oreilles. Ils nous rappellent que notre espace privé, n’a jamais été le nôtre.

L’internet semble aller à contre-courant de la société qui focalise de plus en plus, elle, sur le consentement explicite, suggère Betsy Haibel. La simplicité du raisonnement marketing qui consiste à penser que puisque ce n’est que de l’information, que des bits, cela n’a pas de conséquence… arrive à son terme. Et tout le monde s’interroge pour savoir combien de temps ce grand écart sera-t-il tenable ? Quand est-ce que le respect prendra le pas sur l’indifférence ?

Hubert Guillaud

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