Apple watch : les questions qui fâchent

Nous avions déjà pointé quelques limites au système de santé pour les montres et smartphones d’Apple : notamment sur le fait que ses capacités de mesure ne pouvaient pas être supprimées (voir également notre dossier sur les limites les applications de santé).

Sur The Verge, Josh Dzieza nous explique que la montre d’Apple va surtout nous servir à utiliser moins souvent notre iPhone. La montre d’Apple est surtout la démonstration de combien nos téléphones sont devenus des fardeaux. Pour autant “comment pouvez-vous dire aux gens qui se sentent envahis par leurs téléphones que la solution est d’acheter un autre appareil qu’ils attacheront physiquement à leurs corps et qui bourdonnera à chaque fois qu’ils recevront un message ?” Vous vous sentez surconnecté ? Peut-être l’êtes-vous seulement pas assez ! La montre d’Apple ne nous propose pas de nous libérer de nos appareils, mais exactement le contraire, estime le journaliste.

Sur Fusion, Kashmir Hill, elle, pose une autre question qui fâche. Celle de la sécurité, notamment des données de santé. Lors de sa conférence de presse, Tim Cook, le PDG d’Apple, a annoncé le lancement de Research Kit, une plateforme pour la recherche médicale qui permettra de tirer parti des capteurs et applications de santé intégrés à la montre et au téléphone d’Apple. Apple souhaite devenir notre iDoctor, mais, rappelle la journaliste, si Tim Cook a présenté plein de fonctionnalités innovantes, il n’a pas dit un mot de la sécurité et notamment rien dit des modalités de communication entre la montre et le téléphone d’Apple, qui risque d’être la modalité la plus fragile du point de vue de la sécurité des données échangées.

La montre d’Apple va enregistrer les fréquences cardiaques de son utilisateur et en permettre le partage. Tim Cook a assuré qu’Apple n’aura pas accès aux données de santé enregistrée par la montre – ce qui n’engage que ceux qui souhaitent le croire… Mais en fait, visiblement, il laissera aux utilisateurs le choix de donner accès ou non à ses données cardiaques, à des applications tierces – une modalité qui risque surtout d’autoriser tous les excès, par simple commodité d’utilisation.

Plusieurs commentateurs s’inquiètent de cet enregistrement passif de nos données de santé, qui lui, ne peut pas être désactivé semble-t-il. Rappelant le procès américain où les données enregistrées par un le podomètre Fitbit avaient été convoquées pour disculper une personne, Kashmir Hill souligne qu’à l’avenir, les données de santé collectées automatiquement par la montre pourraient être convoquées par la justice pas forcément pour vous disculper. Demain, un avocat trouvera certainement dans nos données cardiaques le moyen de prouver un divorce. Comme le soulignait Guillaume Champeau sur Numerama, l’enregistrement du rythme cardiaque du porteur d’une montre connectée permet potentiellement de détecter quand nous faisons l’amour. Nos rapports sexuels portent une signature cardiaque caractéristique… Comment seront-elles utilisées demain ?

“Et les assurances santé surveilleront-elles grâce à des accords que vous avez une activité sexuelle régulière pour ne pas augmenter les primes d’assurance, ou pour offrir des avantages quelconques aux assurés épanouis ? “

sexe-montre

Sur LifeHacker, Alan Henry est très excité par le lancement du ResearchKit d’Apple. Pour lui, le fait de relier les données de santé des utilisateurs aux institutions de santé et aux organismes de recherche est une formidable promesse de rétroaction sur nos comportements individuels. Pour preuve, il évoque les données recueillies par Propeller Health (sur le modèle d’Asthmapolis dont son concepteur, Steven Dean, avait détaillé pour nous le fonctionnement), un dispositif qui se fixe sur un inhalateur que les asthmatiques prennent lors de leurs crises, qui a permis de comprendre les facteurs déterminants aux crises d’asthme de nombreux utilisateurs. Le ResearchKit d’Apple offre aux organismes de recherche la possibilité d’utiliser un flot inédit de données de diagnostic – même si celles-ci sont d’une fiabilité qui pose question.

Pour Jonah Comstock de MobiHealthNews, l’approche d’Apple est complémentaire de celle de Google qui a initié un projet de recherche – le Google Baseline Study – sur la santé croisant données génétiques et données de santé (recueillies via le Google Fit, le capteur de santé de Google pour Android) pour les associer et comprendre comment le rythme cardiaque et les réactions chimiques sont influencés par les prédispositions génétiques. Apple comme Google ont visiblement l’un comme l’autre jeté leur dévolu sur la recherche médicale pour tenter de la renouveler. Si les deux projets sont différents dans la forme, leurs objectifs semblent assez proches et se complètent : construire une image plus complexe et plus complète de ce qui influence notre état de santé. Google a lancé une étude auprès de 200 personnes pour recueillir des données très précises et complètes, alors qu’Apple souhaite comprendre les questions de santé de l’ensemble des porteurs de sa montre.

Derrière ces deux approches de la santé et du bien-être, Google comme Apple cherchent à devenir des acteurs transformateurs de notre rapport à nous-mêmes. L’un comme l’autre souhaitent retirer des données des normes capables de créer des formes nouvelles de rétroaction sur nos comportements…. qui elles aussi, ne pourront certainement pas être supprimées.

Hubert Guillaud

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0 commentaires

  1. En même temps :
    – il n’y a pas d’obligation légale à avoir une montre connectée
    – il n’y a pas d’obligation légale à la porter tout le temps (surtout qu’il faut la recharger) y compris au lit (et d’ailleurs sous la douche comment ferait-on ?)
    – il n’y a pas d’obligation légale à suivre sa messagerie en continu en toues circonstances
    – on peut aussi réfléchir un peu
    – et boycotter autant que faire se peut lesdites entreprises.

  2. @ID,

    Je suis bien d’accord avec vous, mais il est faux de croire que seuls ceux qui utilisent une nouvelle technologie bénéficie en bien, ou en mal, de ce qu’elle apporte. Ceux qui la boycottent doivent aussi assumer, supporter, l’usage qui est en fait par leur pairs. Les technologies ont cette capacité de modifier notre rapport au monde, qu’on ai fait le choix de s’en servir ou non.

  3. Je me pose la question.A savoir si l’Apple watch aura autant de succès que l’Iphone ou itunes…Il faut dire que les objets connectés n’ont pas bonne presse.Ils sont plutôt boudés par les consommateurs.Certes il existe l’aura d’Apple.Toutefois cela sera-t-il suffisant?

  4. @ID:
    Merci de votre résistance à à la servitude volontaire! Je vous rejoins sans hésitation…

    Et on peut ajouter qu’à force de faire n’importe quoi au nom de la Technologie, nous allons nous retrouver avec des contraintes qui seront cette fois imposées. Notamment par les assureurs qui sauront nous imposer ces gadgets – faute de quoi nous serons considérés comme suspects avec évidemment augmentation des primes à la clé. De ce point de vue, Anonyme n’a hélas pas tort.

    Il me semble qu’InternetActu a publié un très bon papier (nulle flagornerie dans mes propos…) sur les dangers liés la personnalisation exagérée des risques et à la disparition progressive du brouillard informationnel nécessaire à leur mutualisation. S’ils deviennent suffisamment nombreux, les amateurs de gadgets connectés pourraient bien nous préparer une société invivable.

  5. Bien sur qu’on doit supporter aussi les drogués de la connexion. Mais on peut imposer, je dis bien imposer des limites. Si un type est assez grossier ou répondre au téléphone en pissant (vu dans la rue), est-ce quelqu’un qu’on a toujours envie de fréquenter ?
    Est-ce qu’il est agréable de passer un moment, de manger avec une personne qui passe son temps avec son téléphone et pour qui vous ne devenez intéressant c’est-à-dire quelqu’un avec qui on parle qu’à condition que vous téléphoniez ?
    A-t-on vraiment envie d’aller au concert avec quelqu’un qui va passer sont temps à jouer avec son téléphone (ou sa montre connectée) ?
    Faut-il accepter dans son lit et son intimité (voir la photo de l’article) quelqu’un de connecté en permanence ?

    En ce qui me concerne c’est non. Bref on n’est pas obligé de rester totalement passifs.

  6. @ID:
    Merci. J’en assez, autant que vous, d’être cerné par les connectopathes.

  7. Et oui Pierre, cette technologie est une drogue (dangereuse) et un fil à la patte. C’est pour ça que nous devons, autant que faire se peut réagir, chacun à notre niveau.

  8. Vous avez déjà fait un tour au rayon des objets connectés?Il s’en invente tous les jours.Pourtant les rayons sont pleins.Personne n’achète.Comment ces entreprises qui inventent des objets connectés peuvent-elles vivre?Cela me rappelle les applications sur smartphone au début c’était comme ça.Ils ont finit par les vendre gratis!