ProspecTic 2010 : Des bits aux atomes, la fusion réel-virtuel

Lire et commenter le treizième chapitre de ProspecTIC 2010 : Des bits aux atomes, la fustion réel-virtuel.

En synthèse

  • Mobilité et individualisation comme facteur commun du développement de toutes les formes de communication.
  • Télécommunications et mobilité croissent de manière parallèle.
  • Vers une « fusion » des mondes numérique et physique.

En intégralité

« Le mot « mobilité  » désigne aujourd’hui, dans nos esprits, une situation physique ou un contexte d’usage particuliers, profondément différent des contextes « fixes », au bureau, à domicile, encore considérés comme les situations de référence, celles auxquelles on compare la mobilité.

Cette définition ne correspond ni à la réalité technologique, ni à celle des pratiques. Nous avons vu dans la première partie comment les réseaux avec et sans-fil convergent, se complètent et se concurrencent à la fois. L’espace situé entre les réseaux filaires traditionnels et les réseaux mobiles cellulaires (GSM/GPRS, UMTS…) se remplit sans cesse : UWB, Bluetooth, Wi-Fi, WiMAX, etc., servent de plus en plus indistinctement des usages mobiles ou immobiles. Qu’ils bougent ou qu’ils ou demeurent attachés à des lieux, les objets utilisent tous les types de réseaux pour communiquer. Les techniques de géolocalisation les repèrent, les étiquettent, les relient à des bases de données sur le web, rendant ainsi possible le développement de médias et de services « localisés », ainsi que d’applications de réalité augmentée qui visent à ajouter des informations et des possibilités d’interaction numériques au lieu, à la scène que l’on perçoit avec ses cinq sens.

Les pratiques ont suivi le même chemin. De nombreuses observations démontrent que les mobiles sont très largement utilisés à domicile ou au bureau, qu’ils sont autant des dispositifs personnels que des dispositifs mobiles : l’adolescent pourra ainsi appeler depuis sa chambre sans mobiliser le téléphone du foyer, l’employé passer des coups de fil ou des SMS personnels sans utiliser sa ligne professionnelle, etc. Plus fondamentalement, le développement de la mobilité physique accompagne très fidèlement, depuis des décennies, celui des télécommunications, et les deux coïncident avec l’individualisation des modes de vie : désynchronisation des rythmes sociaux et familiaux, diversification des champs d’action et des réseaux (professionnels, familiaux, amicaux, associatifs…) des individus, construction continue d’une identité individuelle… De ce point de vue, comme le constate l’urbaniste François Ascher en filant la métaphore de l’hypertexte, nous sommes tous déjà « hypermobiles » : nous passons sans cesse d’un « texte » (un contexte, un réseau de contacts, un langage…) à l’autre. Bouger ou télécommuniquer, ou même bouger et télécommuniquer, répondent aux mêmes besoins, celui d’organiser une vie à la fois individuelle et commune dans laquelle rien, ou presque, n’est définitivement acquis ni organisé.

En ce sens, le développement des réseaux a toujours été affaire de mobilité – ou plus exactement, pour reprendre l’expression de Vincent Kaufmann, de « motilité », qui désigne le « potentiel de mobilité des acteurs ». Les individus jonglent avec les outils de télécommunication comme avec les moyens de transport dans le but d’augmenter leur potentiel, mais aussi d’élargir et de préserver continuellement leur espace de choix : agir ou ne pas agir, maintenant ou plus tard, vite ou lentement, ici ou là-bas, seul ou en compagnie…

On conçoit dès lors que la réunification du monde numérique (abusivement qualifié de « virtuel ») et du monde physique (abusivement qualifié de « réel ») constitue un double aboutissement dans l’histoire de l’internet et du web. D’une part, elle réduit une coupure artificielle qui ne répond pas à la réalité des usages, donc à la demande. De l’autre, elle permet à l’internet et au web de mettre en communication – potentiellement du moins, non plus seulement tous les ordinateurs, ni même tous les individus, mais tous les objets.

Certains travaux artistiques, certains développements techniques, permettent d’entrevoir jusqu’où cette fusion du réel et du virtuel peut nous conduire : l’habitat hybride d’Electronic Shadow, qui change de fonction selon ce qui est projeté sur des parois et son mobilier ; les « objets qui pensent » et les « médias tangibles » du Medialab ; ou encore les imprimantes capables de produire des tissus organiques, des circuits imprimés ou des objets plastiques en trois dimensions. »

Venez réagir et collaborer à ProspecTIC 2010, l’exercice de prospective de la Fing et de l’Irepp.

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