Open DRM

Le projet Open DRM soutenu par Sun n’est pas nouveau, mais le débat qu’il suscite prend suffisamment d’ampleur pour attirer notre attention. Il y a quelques semaines, Sun Microsystems a publié les premières spécifications de son code pour DReaM, un système de gestion de droit numérique libre et open source basé sur l’initiative de protection de contenu Open Media Commons de Sun (voir DReaM, une vue d’ensemble de l’architecture, .pdf).

Le projet DRM open-source que Sun propose a pour but de promulguer une architecture open-source pour la gestion des droits numériques taillée pour les appareils, quel que soit leur fabricant. Le code de son DRM serait accessible gratuitement à toute l’industrie et assignerait des droits pour les individus plutôt que pour les objets. « Sun parle d’un changement radical, d’une envergure proche de celui du passage de l’économie du troc à celle du papier monnaie. Comme l’argent, un système de DRM standardisé pourrait être reconnu universellement, et ses règles pourraient facilement convertir les autres systèmes (comme le dollar américain pourrait facilement sur le territoire américain être changé rapidement par une autre monnaie). Les consommateurs n’auraient plus à négocier au coup par coup avec chaque fournisseur de contenu afin d’accéder plus ou moins au même catalogue. A la place, vous – la personne, pas l’objet – auriez le droit d’écouter des chansons, et ces droits vous suivraient aussi longtemps que vous utiliseriez des objets agréés », explique Eliot Van Buskirk’s dans Wired.

Même Larry Lessig a approuvé l’idée de Sun, pointant avec satisfaction un mécanisme qui assure un espace pour le respect des droits d’usages (fair use), intégrés à son architecture, assurant que certains usages comme la citation, la parodie ou la copie pour un usage scolaire ne seraient pas circonvenue. Un satisfecit qui a provoqué une véritable levée de bouclier à l’encontre de son auteur. D’où le besoin de clarifier les choses :

« Le projet open DRM de Sun devrait permettre aux individus d’affirmer leur fair use et de déverrouiller les contenus, grâce à une balise qui tracera les usages. Ils ont décrit une plate-forme sur laquelle les auteurs gardent la liberté sur leur DRM.
C’est une bonne chose. Mais certains ont confondu cette louange pour un meilleur DRM avec un éloge des DRM. Donc, laissez-moi être le plus clair possible : nous devrions construire un monde de DRM libre. Nous devrions avoir des lois qui encouragent un monde de DRM libre. Nous devrions manifester des pratiques qui rendraient irrésistible un monde de DRM libre. Tout cela doit, je pense, être clair. On peut détester le Sonny Bono Act, mais il serait plus juste de penser que s’il y a un Sonny Bono Act, il devrait y avoir aussi une loi de renforcement du domaine public. On peut détester les DRM, mais s’il y a des DRM, ils devraient plutôt être au moins comme Sun dit qu’ils devraient être. »

Pour autant, comme le soulignent bien des commentateurs, le projet de Sun n’est pas encore abouti et laisse planer de nombreuses zones d’ombres, comme le remarque encore Eric Van Burskirk arguant que la protection du fair use est optionnelle et laissée à la discrétion de l’éditeur.

Le projet de Sun n’est pas pour autant sans ambiguïté, comme le remarque Samuel Rose sur SmartMobs en citant quelques spécifications du projet :

  • Lier des autorisation : Les solutions DRM et les Systèmes conditionnels d’accès (CAS, conditional access system) permettent à des autorisations d’être liées aux dispositifs. Mais les applications évoluent et il sera essentiel de fournir des modèles plus flexibles où des permissions peuvent être assignés aux individus, basés sur leur identité ou leur rôle dans une organisation ou une famille. Un exemple d’une telle « négociabilité » pourrait être pour un organisme gouvernemental par exemple de retirer des privilèges du document (accès) pour certains types de professionnels.
  • Dynamique des autorisations : Les solutions de DRM et de CAS d’aujourd’hui permettent seulement d’assigner des autorisations en mode statique. Par exemple, des abonnés du câble ont une clé qui leur permet de recevoir des émissions. Or, pour permettre de nouvelles applications, la tâche devrait être plus dynamique, de sorte que de nouveaux services ou des composants du service puissent être autorisés et qu’ils puissent évoluer en temps réel. Un exemple d’une telle gestion dynamique serait de pouvoir autoriser un consultant à accéder et modifier un document et décider, à la fin de sa mission, qu’il n’y ait plus accès.

Sun classe ainsi ses licences en catégories : Business, Vie et Contenu/divertissement et définit pour chacune un ensemble de profils que gère l’auteur originel du document. Un des exemples qu’ils donnent est de pouvoir accéder à un document selon le rôle personnel ou professionnel des individus. Ainsi, sur un morceau de musique par exemple, on pourrait imaginer pouvoir donner des droits différents au propriétaire, aux membres d’une même famille, aux amis et aux relations. En fait, souligne Samuel Rose, si le système de Sun était appliqué, il pourrait mener à une accélération de la domination des DRM dans tous les aspects de la vie.

En tout cas, le débat autour de DReaM a fait poindre un désaccord entre les partisans de l’affaiblissement des règles du copyright. L’Electronic Frontier Foundation a en effet critiqué le projet de Sun sous prétexte qu’il n’offrait pas assez de garantie pour le fair use en donnant de faux espoirs d’ouverture. « Utilisé le terme « commun » dans le nom est malvenu, car il suggère qu’une communauté en ligne est engagée à partager son travail. Les systèmes DRM restent conçus pour restreindre l’accès et l’usage. »

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0 commentaires

  1. DReaM n’est pas un DRM, c’est un container à DRM dont l’objectif est de permettre l’interopérabilité entre différents DRM qui eux resterons propriètaire. Il n’est pas prévu que la conversion d’un format à l’autre pour assurer l’intéropérabilité se fasse sur le poste de l’utilisateur, mais sur un serveur sécurisé (fourni par Sun bien sûr). Je vous laisse imaginer l’usine à gaz pour mettre en place cela:
    http://blog.toutantic.net/index.php?2006/03/31/318-dream-drm-open-source

    Rappelons encore une fois que
    DRM = contrôle de l’usage privé
    Logiciel Libre = Liberté de l’utilisateur
    => Les deux sont philosophiquement et techniquement incompatible.

    Pour la partie philosophique il n’y a qu’à lire le draft de la GPL 3: http://gplv3.fsf.org/draft

    Dans le préambule on peut lire:
    « DRM is fundamentally incompatible with the purpose of the GPL »
    Les détails sont dans le chapitre 3. Digital Restrictions Management.

    Pour la partie technique voir cette explication simple (enfin si on a quelques bases de cryptographie) de Cory Doctorow :
    http://www.boingboing.net/2005/08/24/drm_ssl.html

    Dernière remarque, en lisant les documents que l’on trouve sur le site d’open media common. On tombe par exemple sur ceci: “Architecture overview”: Expanding the Scope of DRM: Business, Life and Content

    Des DRM pour gérer/contrôler le “business” et la “life”. Et c’est répété toutes les 3 pages. Ce n’est pas sur la homepage mais les objectifs de DReaM sont clair: contrôler les usages dans le business et la vie de tous les jour.

    En terme d’usage des nouvelles technologies je suis curieux de savoir ce pense les membres de la FING de ce point précis.