Musique et Numérique : Comprendre et enrichir l’expérience musicale

Cette contribution s’inscrit dans la série d’articles consacré à l’innovation marchande dans le secteur de la musique, issu du projet Musique et numérique : la carte de l’innovation, dont la Fing a récemment présenté les conclusions.

Il est d’usage, pour les spécialistes du marketing, de parler de l' »expérience » d’un produit pour désigner l’ensemble des satisfactions qu’il peut apporter au consommateur, et donc les bonnes raisons de l’acheter. Mais la notion est plus instrumentale que théorique, et la psychologie des besoins sur laquelle elle repose ne s’exporte pas aisément aux objets artistiques. Difficile, en effet, de lister une série de besoins et demandes qui seraient satisfaites par tel ou tel produit musical.

Pour éclaircir cette notion, Jean-Samuel Beuscart, sociologue, et Alban Martin, spécialiste du marketing, reviennent sur les travaux sociologiques récents qui proposent une description théorisée de l’expérience musicale, avant de dessiner des pistes pour comprendre comment les acteurs de la musique en ligne, commerciaux ou non-marchands, peuvent aider les auditeurs à rendre cette expérience plus riche sans pour autant la formater.

La sociologie à la recherche de l’expérience musicale
Jusqu’à récemment, le sociologue disposait, pour comprendre le rapport entre les gens et leurs musiques, de trois traditions de recherche, à la fois intéressantes et réductrices.

La sociologie classique ne s’intéresse pas à l’expérience musicale proprement dite : elle étudie plutôt les goûts et les pratiques culturelles des individus. Elle met de côté le ressenti des amateurs de musique, pour étudier la façon dont ils se tournent vers telle œuvre ou telle pratique musicale en fonction de leurs appartenances sociales : on montre alors que les membres des classes supérieures auront tendance à préférer la musique classique et l’opéra ; et, plus récemment, qu’ils combinent astucieusement des goûts raffinés en matière de jazz et de classique avec un goût populaire (1). La consommation musicale est comprise uniquement comme le signe, l’indice d’une position sociale.

Cette sociologie s’est construite en opposition à un autre discours sur l’art, issu de la théorie esthétique. Centrée sur l’objet musical lui-même, cette approche conçoit l’écoute comme la réception plus ou moins complète d’une œuvre riche de sens. La théorie esthétique part du principe que la pièce musicale obéit à sa logique interne, le génie du créateur ; l’expérience musicale ne saurait être autre chose que la mise en condition de recevoir ce génie. L’auditeur est conçu comme une entité abstraite, sans histoire, sans identité particulière. Comme le note Antoine Hennion (1993), dans cette théorie les deux seules positions possibles pour l’auditeur sont alors « la soumission acceptée à l’art, le crédit donné à l’artiste, et l’abstentionnisme » (« Bach c’est génial, même si je ne comprends pas tout », « Schönberg je n’aime pas trop, c’est sans doute que c’est trop compliqué pour moi »).

D’autres études enfin se sont centrées sur la dimension ritualiste de certaines expériences musicales collectives comme les concerts de rock ; renouant avec les analyses des anthropologues des sociétés primitives, elles identifient les rites partagés par les individus réunis dans l’événement. L’expérience musicale est alors ramenée à l’affirmation de la conscience collective du groupe.

Ces analyses ont en commun de réduire l’expérience musicale à une seule dimension. Dans l’approche sociologiste, peu importe l’objet musical, l’expérience prise en compte est celle d’un plaisir de « distinction », de l’affirmation d’un statut et d’un pouvoir social ; un fort soupçon pèse sur les discours autour du plaisir esthétique. Dans la théorie esthétique, l’œuvre existe, pleine de sens ; l’expérience musicale émane uniquement, pour ceux qui sont capables de lui faire une place, de la réception passive du sens de l’œuvre. Dans la sociologie de l’effervescence collective, l’expérience musicale est indépendante de l’objet musical lui-même.

Récemment, autour des travaux (re)fondateurs d’Antoine Hennion, la sociologie s’est efforcée de restituer la richesse et la diversité des situations d’écoute musicale.

Pour cela, de nombreux travaux de sociologie artistique des dix dernières années se sont centrés sur le goût non pas comme résultat (« J’aime Bach et Frank Zappa »), mais comme processus (« J’adore la voix traînante d’Otis Redding dans cette chanson, en plus ça me rappelle ma première copine on l’écoutait tout le temps, du coup quand je l’entends je m’arrête toujours dans ce que je suis en train de faire pour l’écouter religieusement »). Ces études examinent la façon dont se créent des liens multiples, plus ou moins durables, entre l’œuvre musicale et l’auditeur, et comment de ces liens émergent du plaisir, du sens, de l’émotion. Se dessine alors une définition autrement plus satisfaisante de l’expérience musicale, comprise comme activité réflexive de goût, de dégustation, dont l’objet est « l’émergence possible mais non assurée de certains effets de plaisir, d’émotion, d’expression » (Hennion, Teil, 2003).

Cela ne signifie pas, cependant, que les liens entre les auditeurs et les œuvres sont purement individuels ; quoi qu’il en pense, l’auditeur n’est pas seul dans son dialogue avec l’œuvre. L’expérience musicale s’appuie en effet sur un ensemble de médiations collectives, qui organisent le chemin entre l’œuvre et l’auditeur. Comme le formulent A.Hennion et G.Teil, « [le goût est] une activité hautement instrumentée, faite en groupe et faisant les groupes, constamment discutée, et qui s’appuie fortement sur des objets, des espaces, des façons de faire ». Autrement dit, mon expérience musicale, mon appréhension de la musique, s’appuie, consciemment ou non, sur une multitudes de signes, d’attitudes, de schémas cognitifs, que je partage avec d’autres : la pochette, les informations sur les biographie des musiciens, les mythologies du genre musical, les postures d’écoute centrées sur la voix du chanteur ou la rythmique, l’écoute religieuse ou distraite, le souvenir d’un concert, la hype autour du groupe ou son caractère underground, sont autant d’éléments collectifs qui soutiennent l’expérience musicale individuelle.

Essayons-nous à un inventaire non-exhaustif de ces médiations :

  • les objets (disques, pochettes, éditions), qui associent une image graphique à la musique, qui peuvent prendre place dans l’espace domestique et être insérés dans des classements aux variations infinies ;
  • lors des concerts, les mises en scènes, éclairages, accoutrements, cérémonials, rituels qui organisent la représentation ;
  • bien sûr, les discours publics de qualification de la musique (critiques presse, blogs, marketing, groupe de pairs…), les classifications en différents genres musicaux, les mythologies des artistes, les associations entre les musiques et certains styles de vie, les phénomènes de hype et de panthéon ;
  • les discours des artistes eux-mêmes, en concert ou dans les médias, expliquant leur démarche, reliant leur travail à leur personnalité ou à des traditions artistiques, désignant les intentions qu’ils pensent y avoir mis ;
  • les postures physiques d’écoute individuelle et collective : l’écoute solitaire calme et religieuse, l’écoute distraite, l’écoute entre amis, l’écoute festive, les différentes formes possibles de comportement en concert, depuis l’extase silencieuse à la participation bruyante ;
  • les postures (cognitives) d’écoute : les auditeurs peuvent combiner plusieurs façons – socialement partagées – de faire attention à la musique.

A ce sujet, dans une thèse récente sur les amateurs de musique, Maÿlis Dupont a identifié quatre grands registres :
– la musique comme événement sonore : l’auditeur se centre sur la matière musicale, sur les événements sonores, des timbres, des sonorités, des éclats (« cette ligne de basse », « là, l’arrivée des cuivres… ») ;
– la musique comme œuvre, d’une forme organisée, d’un récit, composition porteuse d’un sens, d’une émotion globale à décrypter ;
– la musique comme objet d’une histoire singulière, mêlée à la biographie de l’auditeur (« ce CD, je l’ai acheté tel jour, je l’ai écouté intensément à telle période de ma vie ») ;
– la musique comme valeur (« Marvin Gaye est un grand artiste, c’est quand même autre chose que Barry White »).

Les médiations sont donc des formes sociales partagées qui permettent de relier l’œuvre et l’auditeur. Elles organisent, sans la formater, l’expérience musicale des individus. Expérimenter, goûter une musique, c’est s’appuyer sur certaines de ces prises construites par d’autres, les essayer, les combiner et les pondérer, de manière à créer du plaisir et de l’émotion dans le contact avec l’œuvre.

Le numérique, bouillon de culture pour les médiations
Les technologies numériques sont susceptibles de transformer l’expérience musicale en permettant une prolifération et une diversification des médiations et des acteurs qui les produisent.

L’univers numérique autour d’une œuvre ou d’un artiste offre des nouvelles formes de médiations. On peut citer par exemple les sites l’internet officiels ou de fans, avec leurs critiques, ainsi que les sites d’information et d’échange de photos et vidéos, ou encore les morceaux ou remix en libre écoute. Sur les 19 millions d’utilisateurs de Google en France, 11 millions font au moins une recherche mensuelle sur le thème de la musique. Nicolas Beauchesne détaille ce phénomène en affirmant que lorsque Nova, les Inrocks ou la télé parlent d’un artiste, « le réflexe immédiat des gens aujourd’hui c’est d’aller sur l’internet (…) et taper les informations qu’ils viennent d’entendre sur le média traditionnel, ils vont taper quelques mots de la tournée, quelques mots liés à l’artiste pour essayer d’en savoir plus ». Les discours d’accès aux œuvres sont ainsi démultipliés et moins contrôlés par les professionnels de la promotion.

Le numérique offre donc un nouvel espace de culture de ces médiations, moins coûteuses à créer et démultiplier que dans le monde physique. Surtout si les fans de la première heure se chargent eux-mêmes de créer ces prises pour faire rentrer d’autres personnes dans l’univers de l’artiste. Ainsi Guillaume Dumont (2) explique à propos du site officiel de Mathieu Chedid, que « les gens se sont approprié le site, ils y ont trouvé leur ‘myspace’ (…) ce qui nous a aidé à résoudre une problématique, à savoir maintenir un flux le plus tendu possible de contenus, de nouveautés, (…) la contribution des internautes est énorme par rapport à ça ». Pour Diam’s, les internautes étaient même invités à remixer certaines œuvres, comme en ce moment pour la jeune artiste Little, se chargeant ainsi de convertir de nouveaux amateurs en déclinant l’univers sonore sous de nouvelles formes.

En outre, dans l’autre sens, l’internet offre la possibilité à l’artiste de tisser lui-même un lien fort avec son futur public. Ces formes de médiations – un artiste qui vous détaille personnellement sa démarche créative – étaient auparavant impossibles sans intermédiaire. N’est-ce pas le premier élément mis en avant dans les making-of de tournage aujourd’hui ? Les nouveaux moyens de communication en ligne, comme les forums de star, les blogs ou les tchat VIP permettent de créer cette prise directe et unique avec un large public : un témoignage de Renaud sur son forum peut être lu par plus de 20 000 personnes (3).

De plus en plus nombreux sont les artistes qui s’ouvrent à ce dialogue en ligne (4), rentrant ainsi dans le quotidien de l’auditeur, et créant un souvenir personnel attaché à la musique. Bucciarelli, le batteur du groupe américain Hawthorne Heights, déclare au sujet des messages persos qu’il reçoit : « Ils [les fans] ne peuvent pas croire qu’ils obtiennent une réponse. Du coup, vous gagnez un fan à vie ». Ainsi la promotion de leur album The Silence in Black and White, vendu à 500 000 exemplaires, s’est-elle faite principalement à travers le fan-club sur MySpace regroupant des centaines de milliers de personnes. Avec ce dialogue et cette interaction, l’auditeur crée l’histoire personnelle et les souvenirs qui accompagnent la musique. Bien sûr, ces formes de liens ne sont pas nécessairement différents ou plus riches que dans le monde pré-numérique : seule une minorité d’artistes signés participent activement à la gestion de leur site ou de leur myspace, celui-ci étant le plus souvent pris en charge par l’équipe marketing de la maison de disques.

Dans tous les cas, comme l’explique Guillaume Dumont, « on n’achète plus une musique sans l’univers qui avec (…) donc le but c’est de rendre cet univers le plus perceptible possible » : on élargit alors le nombre de médiations, et par conséquent la probabilité qu’un lien fort monétisable se créée entre l’auditeur et l’œuvre artistique. On pourra rapprocher de près ou de loin ce processus à celui connu en marketing sous le terme « d’acquisition ».

L’équilibre des médiations marchandes et non-marchandes
Les canaux de distribution et d’expression numérique multiplient les possibilités d’accès aux musiques (formats et postures d’écoute, discours et conversations). L’enjeu pour les acteurs de la filière musicale est d’accompagner et encourager la prolifération des liens, et d’identifier les formes de liens susceptibles de faire l’objet d’une monétisation, sans pour autant freiner la construction des médiations amateurs et non-marchandes.

Notamment, la possibilité même de la prolifération des médiations remet en question la stratégie commerciale qui a longtemps prévalu chez les maisons de disque, à savoir vendre un objet unique, le CD. Le tout premier contact (première écoute, recommandation ou conseil, lecture) entre un auditeur et une oeuvre tend de plus en plus à être gratuit, car à ce moment précis, la propension à payer est la plus faible. Les jeunes artistes renvoient d’ailleurs plus facilement vers leur page myspace avec 4 titres en libre écoute et une description de leur démarche artistique, que directement vers leur boutique en ligne. Certains auditeurs ne chercheront pas à aller plus loin. D’autres s’appuieront sur ces « prises » pour chercher à rentrer de manière plus profonde dans l’univers artistique (5). L’enjeu est donc de leur permettre de se construire une expérience musicale sur-mesure, de laisser des portes ouvertes et des prises sur des univers artistiques, susceptibles d’être appropriées et relayées, sans chercher à les imposer. L’apport de l’internet et du mobile apparaît de la manière la plus limpide dans ce contexte.

En effet, la déclinaison d’une œuvre en différents formats se révèle moins coûteuse dans le monde numérique que dans le monde physique : ainsi Warner Music vient-il de sortir l’album d’un artiste Sud-Coréen sous 23 formats et 403 packagings différents : 3 pour la distribution physique (CD et CD collectors), 114 pour la distribution online (MP3, Clip, karaoke, ecard, habillage pour blog, etc.) et 286 pour la distribution mobile (sonnerie avec fond d’écran, ringbacktone, video pour mobile, écran de veille musicale, etc.). Warner propose ainsi un large échantillon de « produits » musicaux en réponse à des besoins hétérogènes (6). Le président du label canadien Nettwerk, Terry McBride, pousse le raisonnement à l’extrême en affirmant que : « l’avenir de l’industrie musicale n’est pas de vendre des disques, mais de vendre de la musique sous toutes les formes imaginables ». Le groupe Barenaked Ladies, affilié à Nettwerk, valorise ainsi l’ensemble de ses créations sous des formes aussi diverses que possible (live, bonus tracks, inédits, versions longues, démos…). Le public peut ainsi commander un mélange de 45 « œuvres » parmi les 200 à disposition, et les recevoir sur clé USB. Encore un moyen simple d’accompagner la diversité des formes d’expérience musicale, avec des coûts stables pour la maison de disque.

L’internet et le numérique apportent également une solution pour cette partie du public qui est complètement rentrée dans un univers artistique, et qui en veut toujours plus : un « fan » très actif d’un groupe aujourd’hui doit au mieux attendre deux ans entre chaque sortie d’album, et plusieurs mois entre deux tournées (ce qui représente un budget « musique », au mieux, de quelques centaines d’euros par an). Alors qu’il serait sans doute prêt à acheter plus d’œuvres, sachant en outre que la production artistique des groupes ne se limite pas à 12 morceaux tous les deux ans.

Ainsi lorsque les CDs, grâce à la technologie Opendisc par exemple, laissent le choix à l’auditeur de se contenter des 12 titres présents sur l’album, ou de télécharger des clips additionnels grâce à une clé numérique, les résultats sont sans appel : Julie Demarigny, actuellement Directrice Stratégie et Business Digital chez Warner Music, indique que sur des artistes comme les Fatals Picards, qui représenteront la France au concours de l’Eurovision 2007, 22 % des personnes qui ont acheté le disque se sont inscrites pour découvrir les extensions du groupe et se sont reconnectées en moyenne 2 fois.

La mise à disposition récente de nouveaux contenus « en amont » et en « aval » de la production résume bien l’enjeu actuel de la filière musicale : trouver des réponses économiques viables à des demandes hétérogènes, ayant pour but d’accompagner l’auditeur dans l’approfondissement de son expérience musicale et du lien. De la qualité de la réponse et des prises proposées dépend la profondeur du lien qui se tisse entre l’œuvre et l’amateur. Symétriquement, la monétisation ne se concentre pas nécessairement sur l’achat d’une œuvre, mais sur l’accès à différents types de prises intéressantes.

Et la profondeur de l’expérience musicale peut encore être prolongée plus largement : la plateforme Artistshare vend ainsi des packages allant de 9.95 $ à 18 000 $. Ces derniers incluent une plus large variété de contenus « en aval » de l’oeuvre allant de l’interview, aux partitions, ou encore aux morceaux exclusifs ; on retrouve en supplément, dans les packages les plus onéreux, une porte ouverte sur le processus créatif « en amont » (assister aux répétitions, aux enregistrements, voire même coproduire un CD) : il s’agit d’une réponse monétisable à destination des auditeurs qui souhaitent tisser un lien encore plus profond avec l’artiste et son univers, en remontant à l’essence même de la création. Le service américain I Love Access, quant à lui, propose des places de concert entre 2 et 4 fois plus chères que la normale, en y ajoutant l’accès aux répétitions d’avant scène et au backstage après-scène.

Ces stratégies sont connues en marketing sous le nom de fidélisation, en permettant ce qu’on pourrait rapprocher de la « montée en gamme ». Elles nécessitent de garder un lien direct et régulier avec l’acheteur (newsletter, offres promotionnelles etc.). Nombreuses sont encore les actions à monter dans ce domaine : ne verra-t-on pas demain s’ouvrir les Twitter (6) payant d’artistes, après les Myspace gratuits ? Et à quand les billets de concert premium, achetés avec un mobile, offrant la possibilité de télécharger la captation vidéo à la fin de l’événement ?

Conclusion
L’expérience musicale peut être comprise comme une activité de l’auditeur pour faire émerger de l’émotion en tissant des liens avec une œuvre. Si cette expérience n’est pas en soi rationalisable et monétisable, les stratégies classiques de fidélisation et d’acquisition peuvent venir l’accompagner en offrant des prises inédites et valorisables. Ces stratégies permettent d’optimiser, d’un point de vue marketing, le ratio chiffre d’affaires/clients.

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Légende : Schéma des pistes pour optimiser la longue traîne de l’expérience musicale associée à un artiste.

Nous avons tenté d’en esquisser les grandes lignes, en parcourant la diversité des liens unissant un artiste à son public. Pour cela, nous nous sommes interdits par contre d’émettre un quelconque jugement qualitatif sur l’intérêt artistique d’une telle démarche, et laissons les professionnels en juger.

Il s’agit d’une réflexion en cours, que nous vous invitons à creuser et compléter, tant le sujet de l’expérience musical est porteur de nouveaux gisements de valeur pour la filière musicale dans son ensemble.

Jean-Samuel Beuscart, Alban Martin

Jean Samuel Beuscart est docteur en sociologie et auteur d’une thèse sur la construction du marché de la musique en ligne. Alban Martin est chargé de cours au CELSA Paris IV-Sorbonne et auteur du livre L’Âge de Peer : quand le choix du gratuit rapporte gros, éditions Village Mondial, sept 2006.

Références
– Antoine Hennion, La Passion Musicale, Paris, Metailié, 1993.
– Antoine Hennion, Geneviève Teil, « Les protocoles du goût. Une sociologie positive des grands amateurs de musique », in Olivier Donnat, Regards Croisés sur les pratiques culturelles, Paris, La Documentation Française, 2004.
– Philippe Coulangeon, Les pratiques culturelles des Français, Paris, La Découverte, 2005.
– Maÿlis Dupont, Penser la valeur d’une œuvre. Propositions pour une sociologie de la musique responsable, Thèse de sociologie et musicologie, Université de Lille III ; voir aussi Dupont Maÿlis, 2005, « Faire apparaître « l’amour de la musique » : un usage pragmatique d’un outil statistique », revue DEMéter, 21p. Disponible à l’adresse : http://www.univ-lille3.fr/revues/demeter.

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Notes
1. La formulation la plus aboutie des cette position a été fournie par Bourdieu dans La Distinction (1979) ; des travaux anglo-saxons et français plus récents revisitent la théorie en montrant que désormais, les stratégies de distinction reposent plus sur l’éclectisme maîtrisé des goûts que sur le choix de genres musicaux intellectuellement très valorisés. Pour un point sur le sujet, voir l’ouvrage de Philippe Coulangeon, Les pratiques culturelles des Français, Paris, La Découverte, 2005.

2. Guillaume Dumont est le PDG d’attitudenet, qui gère la communauté du chanteur M, via le site Qui2nous2.com. Propos recueillis lors de la conférence des catalyseurs numériques « musique et communauté online » à la mairie du 3e arrondissement, 29/11/2006.

3. Plus précisement sur le forum du HLM des fans de Renaud. Renaud répond aux messages sous son vrai nom de « Sechan R ».

4.Myspace.com à lui seul compte plus de 2 millions de page d’artistes, gérées par eux ou par leur maison de disque.

5. Selon Guillaume Dumont : « on sait que la visite moyenne sur l’internet est courte, on dispose d’abord de quelques secondes, ensuite quelques minutes si la première prise de contact se passe bien, et que l’on a envie de passer du temps. C’est là qu’on va commencer à tisser cette relation avec cet artiste. »

6. De manière plus locale, Johnny Hallyday compte une dizaine de références physiques (dont coffret DVD, vinyles, édition limitée dédicacée) et plus de 250 produits digitaux, dont un clip tourné spécifiquement pour le mobile (en plus du clip TV), plusieurs versions de l’album en téléchargement (5.1 avec bonus video backstage), des images inédites, interviews ou bonus VOD…

7. Twitter est un outil de microblogging permettant très facilement de tenir informé une communauté de « follower » par des micromessages envoyés et reçus par email, par SMS ou par messagerie instantanée. Certains blogueurs influents comme Robert Scoble comptent plus de 3000 personnes lisant régulièrement ses micro-récits.

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