Vaut-il mieux qu’un bébé apprenne d’abord les verbes ou les noms ?
Une nouvelle étude, publiée dans PNAS (Proceedings of the National Academy of Science), nous est relatée par Discover Magazine et concerne justement ce rôle des noms et des verbes dans les cultures occidentales et asiatiques. En effet, nous dit l’article, les premiers mots que nous apprenons en Occident sont en général des noms, « maman » et « papa » venant bien sûr en premier. Tandis que les premiers vocables des enfants coréens et chinois seraient plutôt des verbes, comme « aller » ou « vouloir » (par curiosité j’ai regardé dans Google Translate comment on disait « aller » en chinois et en coréen ; ce serait Qù pour le chinois, Gagi pour le coréen. De même, « vouloir » se dit Yào en chinois et Pil-yo en coréen. Si ces traductions sont exactes il me semble que Yào et Qù pourraient effectivement faire partie de la panoplie des premiers mots d’un bébé, mais j’ai plus de mal à imaginer la même chose pour Gagi et Pil-yo).
La perception des relations est une étape importante de l’acquisition du raisonnement rationnel. Sur ce point les enfants asiatiques seraient avantagés.
Dans l’expérience qui a mis ce phénomène en lumière, on proposait à des enfants de trois ans, originaires des USA ou de la Chine, de mettre en route une « boite à musique », ce qui ne pouvait s’effectuer que s’ils plaçaient deux blocs géométriques de formes différentes dans la boite. Ils avaient alors deux possibilités. S’ils choisissaient le mode de raisonnement « relationnel » ils comprenaient que ce qui importait était que les deux blocs soient de formes différentes. S’ils restaient dans un mode « objet », ils remarquaient que lorsqu’on leur avait montré la boite s’activer plusieurs fois avec la présence, par exemple, d’un bloc bleu, ils en déduisaient que poser le bloc bleu semblait déclencher le processus. Ils cherchaient alors à reproduire l’effet en plaçant deux blocs bleus (voir illustration).
Lorsqu’ils sont âgés entre 18 et 30 mois, enfants occidentaux et chinois comprennent assez vite la bonne solution. Mais à partir de 30 mois, âge à partir duquel les enfants parlent couramment, les enfants occidentaux commencent à se tromper, contrairement à leurs congénères asiatiques. Ils adoptent le mode objet ne comprennent plus l’importance de la relation. A partir de quatre ans, cependant, tout rentre dans l’ordre et les enfants peuvent à nouveau trouver la solution, quelle soit la langue qu’ils utilisent.
Encore une recherche qui tend à donner crédit à l’idée selon laquelle la langue et la culture contribuent à structurer la pensée, et donc à ressusciter la très longtemps discréditée hypothèse Sapir-Whorf.