Les hackathons sont devenus un des rituels compétitifs préférés de l’industrie. Ces concours où de petites équipes de codeurs construisent des produits technologiques lors de sessions de code marathon, relèvent de la culture de la Silicon Valley, rappelle Erin Griffith pour Wired. Une culture qui s’est largement diffusée puisque toutes les grandes entreprises et institutions organisent désormais les leurs (de la Fashion Week au Vatican…), afin de se donner un vernis d’innovation. Les organisateurs les considèrent comme des opportunités de recrutement et comme des moyens d’évangéliser aux questions technologiques. Il existe même désormais des entreprises, comme Major League Hacking qui se chargent d’organiser des hackathons pour des entreprises.
La sociologue Sharon Zukin, spécialiste de la gentrification, et son confrère Max Papadantonakis ont passé une année à observer plusieurs hackathons. Dans une étude intitulée « Hackathons comme rituel de cooptation », ils estiment que ces rituels créent des attentes fictives d’innovation et sont surtout utilisé pour faire travailler des gens gratuitement. Pour eux, les hackathons promeuvent une nouvelle norme de travail précaire basée sur l’auto-investissement et l’auto-exploitation de leurs participants. Cela n’empêche pas les participants bénévoles de voir ces événements positivement, notamment parce ces événements très sociaux sont souvent riches émotionnellement et instructifs. Les étudiants qui y participent estiment y acquérir des compétences que les cours ne dispensent pas.
De leur côté, ceux qui les organisent jouent à fond de la « romance de l’innovation numérique », vantant le travail comme un plaisir, l’épuisement comme expérience et la précarité comme opportunité. Les sociologues, qui n’ont observé que des hackathons ouverts au public, rappellent que de nombreuses entreprises de la technologie en organisent également en interne, le week-end, où les employés sont poussés à participer. Pour eux, les hackathons reflètent une asymétrie de pouvoir entre les entreprises commanditaires et leurs participants. L’ironie c’est que peu importe que les participants participent volontairement à leur auto-exploitation, s’amusent ou apprennent : ces événements produisent rarement des innovations utiles au-delà de l’événement. Au-delà de quelques très rares belles histoires, la plupart des participants ne travailleront pas sur leur projet après le hackathon. Ils ne sont pas plus efficaces en terme de recrutement souligne l’étude. Ils ne vendent qu’un rêve d’innovation, d’accomplissement par la technologie… ce rêve moderne auquel toutes les entreprises veulent être associées.