La blockchain remonte le temps

On connaît la blockchain ; on connaît l’ordinateur quantique. Que donne un mariage entre les deux ? Quelque chose d’assez délirant, à première vue, si l’on en croit ce récent article de la très sérieuse revue IEEE Spectrum.

Comme on le sait, la cryptographie est un élément fondamental de la technologie blockchain. Pas tant pour protéger l’anonymat des participants que parce que la cryptographie est utilisée pour garantir la « signature » des opérations. C’est la cryptographie qui permet de placer chronologiquement les différentes transactions dans la chaîne. Or l’une des premières applications d’un ordinateur quantique vraiment fonctionnel sera justement sa capacité à craquer tous les codes cryptographiques classiques, incluant, bien sûr, ceux utilisés dans les blockchains.

Voici donc venue la blockchain quantique, ou plutôt sa théorie, car celle-ci n’existe pour l’instant que sur le papier. Deux chercheurs de l’université de Wellington, en Nouvelle-Zélande, ont présenté cette future technologie dans un papier publié sur ArXiv.

Ce système reposerait en fait sur une propriété bien connue du monde quantique, la fameuse intrication. Rappelons que lorsque deux particules élémentaires se sont rencontrées, elles restent pour toujours liées l’une à l’autre. Si on « mesure » l’état quantique d’un membre de cette paire, on connaîtra alors l’état de l’autre particule intriquée.

Mais l’intrication quantique n’a pas lieu que dans l’espace, elle s’opère aussi dans le temps. Ce phénomène permet d’intriquer deux particules qui ne se sont jamais rencontrées, et qui n’existent pas simultanément (bizarrement, et de manière très « intriquée », un article en français présentant la théorie de l’intrication temporelle, sans lien avec la blockchain, est paru le 16 avril sur le site trustmyscience.com, c’est-à-dire le jour même où les deux chercheurs néo-zélandais déposaient leur propre papier sur ArXiv).

Dans une blockchain quantique, nous explique le magazine, « au fur et à mesure que les blocs composant une blockchain quantique sont transférés dans un réseau d’ordinateurs quantiques, les photons codant chaque bloc sont créés puis absorbés par les nœuds composant le réseau. Cependant, l’intrication lie ces photons à travers le temps, même les photons qui n’ont jamais existé simultanément. »

Conséquence pour le malchanceux hacker, il ne pourra « altérer aucun des photons codant des enregistrements passés, car ces photons n’existent plus à l’heure actuelle – ils ont déjà été absorbés. Au mieux, un pirate informatique peut tenter de modifier le photon le plus récent, et donc le bloc le plus récent, mais s’il réussit cela invalidera ce bloc, informant les autres qu’il a été piraté. »

Mais ce n’est pas tout si le hacker réussit cette dernière opération, selon les chercheurs, « avec l’intrication temporelle, la mesure du dernier photon dans un bloc influence dans le passé le premier photon de ce bloc, avant qu’il ne soit mesuré. »

Vous avez bien lu : la « mesure » illicite d’un photon du présent altère le comportement d’un photon dans le passé. Et l’un des deux chercheurs, Matt Visser, enfonce le clou : « ce système peut être considéré comme une machine à voyager dans le temps quantique ».

Fascinant, mais tout de même : qu’on en vienne à inventer le voyage dans le temps juste pour protéger des données numériques et probablement financières, voilà qui en dit long sur le sens des priorités de l’espèce humaine…

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