Pour une pratique féministe de la visualisation de données

L’excellent VisionsCarto animé par Philippe Rekacewicz et Philippe Rivière (@visionscarto) vient de publier une très inspirante tribune de Catherine D’Ignazio (@kanarinka) qui interroge les limites de la visualisation de données.

A l’heure ou la data visualisation acquiert ses lettres de noblesse pour expliquer le monde, on accepte trop souvent les graphiques comme des faits, car ils semblent présenter (comme les données dont ils se nourrissent) un point de vue neutre et expert. Or, en s’appuyant sur la théorie féministe du point de vue situé de Donna Haraway qui souligne que toute connaissance est située socialement et que les perspectives des groupes minoritaires sont exclues systématiquement de la connaissance générale, Catherine D’Ignazio rappelle que la visualisation de données est toujours associée au pouvoir. En recensant les différentes formes de cartographie critique et participative, elle montre que d’autres formes de représentations sont possibles, pour autant que celles-ci parviennent à représenter l’incertitude, les données manquantes ou insatisfaisantes, à l’image du travail d’Andy Kirk (@visualisingdata) sur le design du rien (vidéo). « Comment lister et représenter les informations qui ne sont jamais collectées ? »

Elle souligne également l’importance à signaler l’économie matérielle derrière les données : qui finance, qui collecte, qui produit et comment ? Et comment les faire apparaître sur ce qui est représenté ? Si les sources deviennent de plus en plus souvent disponibles en référence aux data visualisations, comment aller plus loin ?

Si beaucoup d’infographies sont interactives, comment rendre « visible » les désaccords, à l’image des controverses sur Google Maps ? Comment permettre de répondre aux données, les augmenter, les transformer en conversation ou en action ?

« Le plus souvent, une visualisation est livrée d’en haut. Un·e designer expert·e ou une équipe dotée d’une connaissance spécialisée trouve des informations, applique ses recettes magiques et présente au monde un artefact, avec des manières très dirigées de l’observer et d’interagir avec lui. Peut-on imaginer une façon différente d’inclure des voix différentes dans la conversation ? Serait-il possible de produire à grande échelle des visualisations de données qui soient collectives, inclusives et qui intègrent le dissensus et la contestation ? »

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