Vers des interfaces… à la demande

Pour le capital-risqueur Matt Hartman (@matthartman) associé du fonds d’investissement BetaWorks, qui s’intéresse beaucoup aux applications vocales (voir sa lettre sur le sujet), la façon dont nous communiquons avec les ordinateurs est en train de basculer, explique-t-il sur Medium. La distribution de services via l’internet se fracture en d’innombrables canaux et met à mal la métaphore des applications disponibles sur un seul écran domestique. Les médias sociaux et l’accès mobile ont déjà commencé à transformer la façon dont les données sont distribuées et dont on les consulte, en diminuant la difficulté à le faire. Demain, les chatbots et agents conversationnels, les interfaces vocales ou gestuelles vont rendre cette communication toujours plus simple d’accès.

Matt Hartman parle « d’interfaces utilisateurs à la demande » : « Quand j’évoque les interfaces utilisateurs à la demande, je veux dire que l’application n’apparaît que dans un contexte particulier, quand c’est nécessaire et au format qui est le plus adapté pour l’utilisateur. C’est important, car ça change ce que nous devrions penser comme « Le Produit ». Le produit n’est plus une simple instanciation – une application ou un site web – il est « le Cerveau » derrière plein de différentes instanciations ». Quel est le produit de Vice Media, prend-il comme exemple ? C’est un ensemble de journalistes qui se concentrent sur des thèmes spécifiques pour un segment démographique de public. C’est une marque. Qui est instanciée sur plein de supports différents. Pour certains, c’est un spectacle. Dans le monde physique, c’est un magazine. Sur Snapchat, Instagram ou FB, Vice Media est instancié sans que le produit soit partout le même. L’interface s’adapte à chaque contexte de l’utilisateur. « Une simple interface (une application ou un site web) n’est plus le produit. Le produit c’est le cerveau lui-même, un ensemble d’actifs derrière de multiples instanciations. »

bubby poncho
Image : Bubby, une application de rencontre, et Poncho Weather, une application de prévision du temps, deux des exemples d’interfaces utilisateurs à la demande que livre Matt Hartman.

« Selon moi, la différence entre une entreprise de média et une entreprise technologique », explique encore Matt Hartman, « est qu’une entreprise techno ne fait pas que pousser l’information, elle en récupère des utilisateurs et utilise la techno pour fournir un meilleur service au fil du temps, en accumulant un précieux jeu de données par ce processus ». Et les plus intéressantes entreprises technos séparent le service (le cerveau) de ses instanciations. Permettant par là-même d’améliorer les extensions de services instanciations par instanciations : on ne propose pas les mêmes fonctionnalités à un utilisateur de FB sur mobile à un autre qui utilise le même service via son GPS de voiture par exemple. Les interfaces utilisateurs à la demande sont donc toujours plus proches du contexte de l’utilisateur. Mieux, les services ont désormais la possibilité de connaître les questions que posent leurs utilisateurs en contexte et donc de proposer des améliorations adaptées à chaque service. Pour les designers, tout l’enjeu est de trouver les moyens de collecter les meilleures données en contextes en minimisant « la friction », c’est-à-dire l’interaction que l’on demande à l’utilisateur.

Pour Matt Hartman, après les chatbots, la prochaine génération d’interfaces à la demande – ces interfaces conversationnelles – sera assurément vocale. Dans beaucoup de situations, la commande vocale offre une plus grande commodité que le clavier, estime Hartman. « Si 2016 a été l’année où les plateformes se sont ouvertes aux chatbots [avec toutes les limites qu’on a pu pointer, NDE], 2017 sera l’année où les plateformes vocales vont s’ouvrir aux consommateurs ». La plateforme de commande vocale Alexa, qui fait tourner l’Echo d’Amazon (Amazon en aurait vendu plus de 5 millions) a rendu son logiciel accessible aux développeurs et accessible à d’autres appareils. Les premiers exemplaires de l »assistant vocal de Google, Google Home, ont été expédiés et Siri d’Apple s’est également ouvert aux développeurs.

« Ironiquement, ce nouveau paradigme de conception élève et élimine la valeur du design lui-même. La valeur à long terme d’une entreprise sera déterminée par les données uniques qu’elle extrait des données auxquelles elle a accès via son cerveau. Cela augmente la valeur de la bonne conception en ce sens que l’une des fonctions les plus importantes sera de trouver des moyens de réduire la friction à la collecte de données et de répondre aux demandes d’information ». Pour Matt Hartman, ces nouvelles formes de design d’interaction vont rapidement s’imposer comme des normes où le recueil d’une donnée toujours plus spécifique et pertinente demeure l’unique Graal.

MAJ : FastCompany revient sur ce qu’Amazon a appris d’Alexa depuis son lancement. L’ouverture aux développeurs a permis de développer les capacités du système, passant de 135 compétences à plus de 4000 en un an. Il a également développé l’écosystème d’objets compatibles avec les commandes vocales. Mais l’ambition principale d’Amazon semble toujours de transformer Alexa en boutique sans couture, expliquent ceux qui en sont en charge, ce qui n’est encore pas si simple selon ce que l’on veut commander. L’enjeu également, qui remonte des utilisateurs, est de continuer à lui donner de la personnalité.

MAJ : Les systèmes à commande vocale devrait se démultiplier en 2017, annonce Zdnet… Et la question de la sécurité de ces interfaces aussi. Entre les problèmes de vie privée qui ne vont pas manquer de se poser (notamment relatif à l’enregistrement permanent de ces dispositifs, comme l’illustre la demande faite par la justice américaine d’accéder à l’enregistrement d’un dispositif Echo témoin d’un meurte) Zdnet souligne que la reconnaissance vocale n’est pas l’authentification vocale, en évoquant l’histoire d’un homme venu emprunter de la farine qui a demandé à travers la porte au Siri de son voisin de lui ouvrir sa porte d’entrée.

MAJ : Sur Backchannel, Jessi Hempel estime qu’Amazon a déjà emporté le marché de la voix, malgré le développement de la concurrence, et notamment des chinois de LingLong. Reste à Amazon à développer Alexa au-delà d’Echo, à trouver une réponse pour améliorer la protection de la vie privée qui inquiète nombre d’utilisateurs.

MAJ : Plutôt que de remplacer les applications, les bots s’apprêtent surtout à remplacer les gens, estime VentureBeat. Les interfaces conversationnelles vont-elles prendre le travail des employés, non seulement en les remplaçant dans tous les emplois de médiation, mais également en devenant d’efficaces collègues de travail, à l’image de Troops.ai, un bot conversationnel qui a pour but d’améliorer la productivité des équipes de vente ou de Wade&Wendy, un bot pour améliorer le recrutement et la gestion des ressources humaines, ou encore X.ai, un bot secrétaire qui organise vos réunions… Les vrais gagnants de la révolution des interfaces conversationnelles seront les services qui rivaliseront avec les meilleurs employés, estime Aiden Livingston pour VentureBeat. Faut-il pour autant croire que demain toutes les formes de médiation seront remplacées par des machines conversationnelles ? Brrr ! Pas sûr que ce soit très désirable !

MAJ : La Technology Review souligne que les assistants à commande vocale connaissent peut-être leur apogée, mais qu’en réalité, estime une étude de VoicLabs.co, les applications tierces sont très peu utilisés. Passé les usages de base : jouer de la musique, programmer une alarme ou faire des listes de courses… leur caractère intrusif et la complexité du système applicatif qui nécessite d’installer des programmes spécifiques pour des fonctionnalités de niche, fait qu’ils connaissent peu de succès en terme d’usage.

MAJ : Quartz signale un intéressant rapport sur l’usage des « smart speakers », qui ne sont pas vraiment utilisés pour faire des choses très intéressantes. Ecouter de la musique, poser une question d’ordre générale, obtenir la météo, programmer une alarme ou lancer la radio font partie des principaux usages. Cela s’expliquerait part la faible utilisation d’applications tierces. Malgré leur succès et leur adoption rapide, la désillusion ne devrait pas tarder à poindre.

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