2020

Le rapport « Mapping the Global Future » a été rendu public il y a quelques jours. Réalisé par le « National Intelligence Council » – l’une des branches de la CIA -, avec le concours de nombreux experts non-gouvernementaux, il vise à dresser un panorama du monde en 2020, dans le but d’anticiper les principaux changements, et surtout de s’y préparer.

Sans surprise, le rapport souligne le vieillissement des populations dans la plupart des pays occidentaux ou au Japon, l’accroissement de l’insécurité globale et le rôle clé joué par les nouvelles technologies dans le développement économique. Mais il soutient aussi, avec insistance, combien la face du monde sera changée par l’avènement de nouvelles superpuissances, notamment la Chine et l’Inde.

Là aussi, la chose n’est pas nouvelle. Mais la répétition incessante de cette prédiction bien connue prend ici un tour nouveau : ce n’est plus simplement la crainte de voir s’effriter la toute puissance américaine qui s’exprime, mais bien la conviction du caractère inéluctable de l’émergence des grands pays asiatiques, et les bouleversements qu’elle entraînera. Ainsi, en soulignant le fait que « la Chine et l’Inde sont bien placés pour devenir des leaders technologiques », et que tous deux « afficheront des PNB surpassant ceux de la plupart des puissances économiques occidentales », le rapport insiste sur « l’impact majeur, au plan géopolitique, économique ou militaire » de l’émergence de ces pays, engendrant une transformation comparable au développement de l’Allemagne au 19e siècle et à l’apparition de la puissance étasunienne au 20e siècle. « On estime souvent que le 20e siècle a été le siècle de l’Amérique. Le 21e siècle pourrait bien être celui de l’Asie », lit-on.

Et le rapport n’oublie pas l’impact culturel de cette évolution : « D’ici à 2020, la globalisation pourrait devenir synonyme, dans l’esprit des gens, avec la montée de l’Asie, remplaçant en cela la période d’américanisation ».

« La manière dont nous nous représentons le monde en 2020 changera radicalement. Les puissances émergentes – la Chine, l’Inde et peut-être d’autres comme le Brésil ou l’Indonésie – ont le potentiel de rendre obsolètes les anciennes catégories Est/Ouest, Nord/Sud, pays alignés/non alignés, développés/en voie de développement », prévoit-on, anticipant la « coexistence d’un monde aux frontières marquées avec un monde fait de mégalopoles, liées entre elles par des flux commerciaux, financiers et de télécommunications » (*). Et dans ce monde global, les grandes entreprises, « plus asiatiques qu’occidentales », « échapperont de plus en plus au contrôle des états et deviendront des agents clés du changement, diffusant largement les technologies, coordonnant l’économie mondiale, et assurant la promotion du progrès économique auprès des pays en développement ».

Dans ce schéma, l’internet intervient comme un puissant facteur de désagrégation des institutions et pouvoirs en place : « la globalisation et la diffusion des technologies, en particulier les technologies de l’information, vont engendrer une forte et nouvelle pression sur les gouvernements ». « La croissance de la connectivité s’accompagnera de la prolifération de communautés virtuelles d’intérêts, compliquant la tâche des états pour gouverner ; l’internet en particulier encouragera la création de mouvements globaux, qui pourraient émerger comme autant de forces dans les affaires internationales ».

En résumé, si ce rapport développe de nombreux autres points et scenarii, il dépeint bien l’avènement d’un monde sinon différent, du moins encore plus globalisé, mais surtout asianisé, virtualisé, et à la complexité accrue.

Le rapport : cia.gov/nic/NIC_globaltrend2020.html

(*) Comme le remarque Daniel Kaplan, cette vision est proche de la notion « d’espace des flux » que Manuel Castells décrivait déjà en 1998 dans L’Ere de l’information (Fayard)

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0 commentaires

  1. Le plus inquiétant dans c’est article, ce sont les événements majeurs qu’il occulte et toutes leurs conséquence géopolitiques :
    – la raréfaction du pétrole (cf article sur newlimits)
    – le changement climatique
    – la raréfaction de l’eau.

    Si l’on ne peut que se réjouir de voir la Chine et l’Inde accéder à un développement économique intense, cela ne peut qu’accélerer les conséquences susmentionnées.
    Si les êtres humains ne parviennent pas à anticiper la fin du pétrole, ily aura de la « castagne » pour accéder aux dernière gouttes d’or noir .. et ce n’est qu’à ce moment que le développement durable ne deviendra autre chose qu’un concept sonnant rond dans les bouches de nos décideurs.

    Comme par hasard, l’article vient des Etats-Unis, qui est bien LE pays qui n’anticipe pas du tout la fin du pétrole.

    A l’instar de la cacophonie bruxelloise face à l’invastion de l’Irak, l’ « unité » de l’Europe communautaire résistera-t-elle à un tel changement géopolitique ?

    Bref, effectivement, du changement à venir dans les 20 ans…