Musiques, artistes et modèles économiques : interview de Remi Carlioz (Vitaminic France)

Dès que l’on évoque la musique en ligne, on pense aussitôt piratage, Napster et compagnie. Pourtant les enjeux de la musique en ligne ne se limitent pas au piratage et leurs modèles économiques sont loin de se limiter au web…bien au contraire. Si le modèle économique de tous les acteurs du secteur était, au départ, de vendre en ligne de la musique, ce modèle est rangé au placard, comme nous l’explique Rémi Carlioz, directeur général de Vitaminic France (http://www.vitaminic.fr/main), filiale du groupe italien du même nom, et dernière plate-forme de musique en ligne qui ne dépend pas d’une major.
Quant à ceux qui seraient tenter de rétorquer que ce type de plate-forme est un pis aller pour artistes en mal de talent et ne trouvent donc pas leur place dans les majors, qu’ils jettent une oreille sur peoplesound.fr (un des sites Vitaminic – http://fr.peoplesound.com/index.htm) et un oeil sur cette interview…

Dès que l’on évoque la musique en ligne, on pense aussitôt piratage, Napster et compagnie. Pourtant les enjeux de la musique en ligne ne se limitent pas au piratage et leurs modèles économiques sont loin de se limiter au web…bien au contraire. Si le modèle économique de tous les acteurs du secteur était, au départ, de vendre en ligne de la musique, ce modèle est rangé au placard, comme nous l’explique Rémi Carlioz, directeur général de Vitaminic France (http://www.vitaminic.fr/main), filiale du groupe italien du même nom, et dernière plate-forme de musique en ligne qui ne dépend pas d’une major.
Quant à ceux qui seraient tenter de rétorquer que ce type de plate-forme est un pis aller pour artistes en mal de talent et ne trouvent donc pas leur place dans les majors, qu’ils jettent une oreille sur peoplesound.fr (un des sites Vitaminic – http://fr.peoplesound.com/index.htm) et un oeil sur cette interview…

Aujourd’hui, Vitaminic (http://www.vitaminic.fr/main) rassemble Peoplesound (http://fr.peoplesound.com/index.htm), France MP3 (http://www.francemp3.com/), IUMA (Internet Underground Music Archive – http://www.iuma.com/). 80 000 artistes et plus de 600 000 titres en MP3 sont hébergés sur la plate-forme Vitaminic. Qu’est ce qui fait la spécificité de cette plate-forme ?

Remi Carlioz : Vitaminic, Peoplesound, France MP3 et d’autres sites, ont tous été créés durant l’été 1999. La philosophie d’alors consistait à se dire qu’il n’y avait pas de problème de qualité artistique, mais un problème d’accès aux médias pour les artistes, les musiciens. Ce qui est d’ailleurs de plus en plus criant aujourd’hui : il ne se passe pas une semaine sans une nouvelle concentration de l’édition et/ou des médias, radios et télé et que le top 50 soit occupé par des produits marketing très bien calibrés qui ne reflètent pas la diversité culturelle française.
Nous sommes donc partis du problème, non pas de la qualité artistique, mais de l’accès aux médias. L’idée était de profiter de ce formidable outil qu’est l’internet pour donner à chaque artiste la chance de se faire connaître et pourquoi pas de trouver une maison de disque, d’avoir quelques revenus supplémentaires en vendant de la musique en ligne, etc. C’était le discours d’il y a trois ans. Nous ne promettions pas aux artistes qu’ils feraient fortune avec l’internet, nous leurs offrions des fenêtres de visibilités qui n’existaient plus ailleurs, pour certains genres musicaux comme le jazz, le classique, la musique plus confidentielle ou alternative. Aujourd’hui il n’y a presque plus de radio et encore moins de télévision offrant des fenêtres d’exposition. C’est peut-être moins frappant lorsqu’on vit à Paris car on a la chance d’avoir accès à Nova ou à TSF pour le jazz, etc. Mais si vous vivez à Clermont-Ferrand vous avez déjà beaucoup moins de choix pour écouter une musique différente. Sans compter la concentration criante des disquaires et des réseaux de distribution…

Quels sont les accords que vous passez avec les artistes présents sur la plate-forme Vitaminic ?

Remi Carlioz : Nous n’avons pas de droit sur eux. Ils nous confèrent juste une licence d’exploitation de leur titre sur l’internet, pour une durée déterminée. Nous n’avons pas de droit d’édition sur ces artistes. Mais nous mettons en avant ces 80 000 artistes et ces 1400 labels indépendants , en ligne. Notre philosophie n’a pas changé. Cela dit, vu les évolutions du marché de la musique en ligne, de l’industrie de la musique et du net en général nous avons complètement changé de modèle économique.

Quel est-il aujourd’hui ?

Remi Carlioz : Il y a trois ans, le modèle était de vendre de la musique via l’internet à des particuliers. Aujourd’hui personne n’y parvient. Strictement personne. Des tentatives voient le jour un peu partout dans le monde : Pressplay (http://www.pressplay.com/) la plate forme de Sony et d’Universal ou Musicnet (Plate forme créée par RealNetworks, AOL Time Warner, Bertelsmann AG, et EMI – http://www.musicnet.com) Tout le monde essaie de faire payer de la musique à la demande. Ces expériences ont le mérite d’exister mais elles ne marchent pas. Y compris sur Vitaminic  ! D’autant plus que, évidemment, tout le monde va télécharger de la musique gratuitement sur des sites pirates. C’est condamnable évidemment, mais bon je ne pense pas que se soit la seule raison de la baisse d’activité des majors et de la baisse en volume du marché du disque. Notre modèle économique à l’origine, c’était ça.
Aujourd’hui la plate-forme Vitaminic intègre toujours ces 80 000 artistes, ce qui représente environ 600 000 titres en mp3 hébergés dans notre tout nouveau data center, à Turin (Italie). Mais aujourd’hui la part de ces sources de revenus est absolument marginale. Vitaminic est un agrégateur de contenus et aujourd’hui, même si ce n’est pas très joli, nous nous définissons comme un fournisseur de solutions musicales à valeur ajoutée. C’est à dire que nous agrégeons des droits sur des artistes – qui peuvent être des artistes auto-produits, des nouveaux talents qui n’ont pas de contrat avec des maisons de disques, ou bien des labels indépendants plus spécialisés, mais aussi des artistes de majors, puisque nous diffusons certains titres de leurs catalogues – nous re-packageons cette musique et nous la redistribuons sur tous les réseaux numériques.

Qu’entendez-vous par « agréger des droits » ?

Remi Carlioz : Nous obtenons les droits de l’artiste, pour une durée donnée, pour une utilisation donnée ; cette musique est « enrobée » d’éditorial, de jeux concours etc. Nous venons de signer un accord avec la SACEM qui nous autorise, désormais, à distribuer légalement tous les artistes inscrits à la SACEM. Ce qui ne veut pas dire que nous avons le droit de distribuer Johnny Hallyday ! Il faudrait d’abord négocier les droits avec Universal. Mais au moins tous les artistes SACEM peuvent venir régulièrement sur Vitaminic, et ils sont rémunérés, ainsi que les auteurs, compositeurs etc. Nous les mettons en valeur et nous les redistribuons via 15 réseaux différents, qui peuvent être des réseaux numériques ou des réseaux off line. Nous les redistribuons également via les réseaux téléphoniques puisque nous avons une importante activité, pilotée depuis Londres, de fourniture de sonneries de téléphones, de dédicaces de chanson… Nous proposons ce dernier service dans toute l’Europe, sauf en France car nous avons un concurrent, Musiwave, qui est très bien positionné.
Ensuite nous redistribuons, via des compilations vendues dans le commerce ou des compilations encartées dans des magazines, etc. Aujourd’hui nous sommes plus une agence de marketing musical qu’un ensemble de sites web musicaux. Nous utilisons la musique comme un produit d’appel pour les clients. Notre produit phare, le Vitaminic Music Club, un système d’abonnement musical avec des titres de majors et des artistes autoproduits ; est surtout vendu en B to B : si vous achetez un lot de 10 CD vierges de telle marque, la marque vous offre un mois d’abonnement au Vitaminic Music Club.
On mesure alors l’évolution de nos métiers : le Vitaminic Music Club, lancé il y a deux ans en Italie, s’adressait très clairement au grand public, partant du principe d’alors : « Avec l’explosion de l’internet, du haut débit, etc. les consommateurs vont acheter de la musique sur l’internet ». Ce qu’ils ne font pas ! Nous sommes, malgré tout, parvenus à ce que le Vitaminic Music Club soit un succès, non pas auprès du grand public mais en B to B. Nous avons vendu 1,5 million d’abonnements en Europe, dont seulement 11 % à des consommateurs. Aujourd’hui nous développons une quinzaine de produits comme des compilations « premium » comme, par exemple, des compilations de cinq artistes Peoplesound, encartées dans un magazine pour la promotion d’un produit. Nous avons, par exemple, encarté dans Jalouse un CD à 80 000 exemplaires, financé par Alcatel pour la promotion d’un nouveau téléphone. Nous faisons aussi de la synchronisation musicale. Nous exploitons notre catalogue de toutes les façons possibles. Nous avons ainsi réalisé la bande originale de la série « Age sensible ».

Comment les artistes sont-ils rémunérés ?

Remi Carlioz : Nous reversons 50 % des recettes nettes générées sur tous nos produits. Donc un artiste sur la compilation de Jalouse reçoit 1/5 ème des 50 % des recettes nettes. Ca ne représente toutefois pas beaucoup d’argent : quelques milliers d’euros par artiste sur une opération comme Jalouse. Mais c’est souvent le premier cachet qu’ils reçoivent pour prix de leur musique. De notre côté nous ne leur demandons pas de contrat d’exclusivité et il suffit qu’ils nous envoient un mail pour que nous retirions leur musique du site.

Comment se passent vos rapports avec les majors ?

Remi Carlioz : Ils sont plutôt bons, surtout si l’on se réfère à ce qui se passe depuis 3 ans. Au Midem, il y a trois ans, nous passions pour des voyous. On marchait sur leur plate-bande. Puis les majors se sont rendues compte, progressivement, que nous n’étions pas des concurrents mais finalement assez complémentaires. Nous n’avons d’ailleurs jamais eu la prétention de faire le même boulot que les maisons de disques ! Nous ne faisons pas de production, pas d’édition. Elles nous considèrent aujourd’hui comme un média intéressant pour toucher un public de fans, d’artistes, comme un vivier de nouveaux talents et comme un partenaire technologique pour les sonneries de téléphones, la sécurisation des paiements, la vente en ligne, autant de choses qu’ils ne savent pas faire. Nous travaillons aujourd’hui assez bien, commercialement, avec l’ensemble des majors.

Concrètement, Vitaminic parvient-il à vivre de ses produits  ?

Remi Carlioz : Il faut toujours avoir à l’esprit que nous parlons de société très jeunes. Difficile de faire un bilan : c’est comme si on voulait faire un bilan du marché de l’automobile en 1903  ! Evidemment nous ne gagnons pas d’argent aujourd’hui, mais nous serons à l’équilibre en début d’année prochaine. Ce sont des processus assez lourds et, qui plus est, le marché n’est pas très en forme en ce moment. Les temps sont durs et nous sommes les seuls qui restent. A cinq ans, je suis confiant en l’avenir du marché de la musique en ligne.

Et il y aura toujours de la place pour les indépendants comme vous  ?

Remi Carlioz : Plus que jamais car nous sommes les seuls à pouvoir agréger l’ensemble des catalogues. Aujourd’hui je suis abonné à Pressplay et à Music Net parce que si je veux du Johnny Hallyday, je dois aller sur Pressplay, et si je veux écouter Saint-Germain il faut que j’aille sur Musicnet. Or ce n’est pas du tout la préoccupation des consommateurs  : les plate-formes ne sont pas des marques et les majors non plus. Quand vous achetez le disque d’un artiste, vous ne savez pas chez quelle maison de disque il est ! Johnny Hallyday est une marque, pas Universal ! Demain le consommateur de musique ne va pas se dire je veux écouter Johnny, il est chez Universal donc il faut que j’aille sur Pressplay. Il ira chez des agrégateurs de contenus. Et là, oui, nous avons de la concurrence parce que c’est Wanadoo, AOL qui se placent sur ce marché. S’ouvre alors le grand débat entre généralistes et spécialistes. Il y aura évidemment des portails énormes et des spécialistes dont le seul objet sera la musique. Or nous sommes les seuls à avoir tous les paramètres techniques, artistique pour le faire. Par ailleurs, les artistes indépendants ne sont pas la préoccupation de Wanadoo ; or on ne vient pas sur l’internet que pour écouter Julien Clerc.

Et comment voyez vous l’avenir ?

Remi Carlioz : Je perçois un ras-le-bol général de la concentration médiatique et du marketing à outrance qui entourent les produits musicaux. Il y a quand même une tranche de la population qui aime le jazz, la chanson française. Il y a une vraie demande. Notre problématique est de transformer cette demande en marché. Mais le produit disque évolue ; sur l’internet on est passé de la vente d’un produit physique à la vente d’un service. C’est ce vers quoi on tend de plus en plus avec le haut débit notamment. Quand je vais sur Kazaa pour télécharger de la musique, j’ai les titres enchaînés mais l’interface n’est très sexy. Nous ce qu’on essaye de vendre en plus c’est le titre en bonne qualité, légalement – c’est très important et je ne désespère pas qu’il y ait une certaine pédagogie sur le fait que lorsque vous téléchargez un titre illégalement c’est comme si vous partiez du restaurant sans payer – entouré d’éditorial, de vidéo, d’interviews, de places de concerts, de jeux, etc. Et je reste persuadé, une fois que nous serons parvenus à une démocratisation de l’internet avec du haut débit, un service musical à valeur ajoutée, à un niveau de prix raisonnable, peu marcher. Nous seulement les gens sont toujours prêts à découvrir de nouveaux talents y compris du côté des entreprises : beaucoup souhaitent de nouveaux sons et pas forcement du Moby pour une publicité !

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