Henri Magalon, Kalisto – Les jeux en ligne et la « révolution » des contenus.

Preuve, parmi d’autres, du boom en préparation pour les deux trois ans à venir du jeu en ligne ET en réseau : le développeur de jeux bordelais, de renommée mondiale, Kalisto, a créé cette année une filiale entièrement tournée vers le jeu online, avec, à sa tête, Henri Magalon, ancien vice-président de Gaumont Interactif. L’objectif de Kalisto est simple : tout orienter vers le online, au point d’auditer tous ses jeux offline pour les transformer.

Pourquoi connaît-on aujourd’hui un tel engouement pour le jeu online  ?
Il y a deux ou trois ans, les grands acteurs de l’Internet, fournisseurs d’accès ou gros portails, avaient un dédain pour tout ce qui avait trait au contenu. Il s’agissait d’abord pour eux de définir les technologies et d’augmenter les connexions. A tel point que lorsqu’on leur parlait de mettre des jeux sur leur site, ils acceptaient, à condition d’être payés. Aujourd’hui les choses ont beaucoup évolué : on connaît les technologies, les tuyaux existent, les parts de marché sont prises. Il s’agit maintenant de fidéliser l’audience et de faire en sorte que ceux qui sont déjà là restent. Les contenus sont devenus de véritables enjeux.

Quelle est la position de Kalisto par rapport à cette mutation ?
Quatre lignes de conduite ont été définies. La première est de ne plus concevoir de jeux strictement off-line. Il s’agit de toujours avoir en tête ce que le online peut apporter, à tel point que nous réalisons un audit de nos jeux déjà existants pour imaginer dans quelle mesure ils pourraient devenir des jeux en ligne.
Ensuite, c’est penser à concevoir des jeux massivement multijoueurs, car dans le jeu online tout l’intérêt se trouve dans la possibilité de jouer avec d’autres. Ce que fait déjà Everquest, avec comme business model un paiement à l’inscription et un abonnement au mois. Mais pour être massivement multijoueurs, un jeu doit, plus que de la notoriété, offrir un contenu qui touche un maximum de personnes. Il faut savoir qu’un jeu multijoueurs représentent des coûts colossaux. Il faut créer les outils, les partager, avoir une structure de maintenance très importante. Pour Ultima Online, qui touche 150 000 joueurs qui payent 10 dollars par mois, il faut 100 personnes pour maintenir le jeu et l’actualiser. C’est énorme. Et très difficile, avec seulement 150 000 abonnés de trouver un équilibre économique. D’autant qu’Ultima Online est un univers compliqué à intégrer. Pour un joueur moyen, il faut en moyenne 6 heures pour le comprendre. De plus, le principe de base est d’éliminer les autres membres de la communauté. C’est de cette façon qu’un joueur devient puissant. Donc le joueur qui débarque se retrouve face à des adversaires surpuissants qui le tuent immédiatement. C’est plutôt dissuasif. Les jeux qui sont en train d’être développés se construisent dans une optique beaucoup plus ouverte.
Par exemple, Kalisto a obtenu les droits pour concevoir un jeu en ligne à partir d’Highlander. Un personnage qui évolue dans un environnement actuel, (on sort de l’héroic fantasy) et très grand public. Il y a, rien qu’aux États-Unis, 1 300 000 fans répertoriés dans une base de donnée. Seul problème : il nous fallait sortir de la logique d’Highlander qui est quand même : « il ne doit en rester qu’un ». L’idée est donc de se concentrer sur l’aspect mentor (le rôle de Sean Connery dans le long métrage). Les jeunes joueurs qui arriveront dans cet univers seront non pas immédiatement détruits, mais accueillis et conseillés par des joueurs plus forts. Il s’agit d’orienter les jeux non plus vers la destruction, mais vers la construction et le participatif. C’est un enjeu fort puisque, pour vivre, les jeux en ligne devront toucher un large public.
(ndlr- Le jeu online Highlander sortira dans deux ans et demi environ)

Kalisto a également annoncé la création de jeux sportifs en ligne. Dans quel esprit ?
C’est la troisième ligne de conduite, liée à Sportners, un brevet méthodologique déposé par Jacques Levasseur et Gérard Benkel, pour permettre à des joueurs d’interagir, en temps réel, sur des événements sportifs. Il s’applique, pour le moment, aux courses auto grand tourisme. Pendant la course, le joueur, de chez lui, peut courir, en temps réel, et dans une voiture virtuelle, avec les coureurs réels de la course (le scénario de la F1 dans mon salon est rattrapé !) Il s’agit en fait d’installer sur les vraies voitures un petit boîtier. Ce dernier envoi, toutes les informations de positionnement, de vitesse, qui sont immédiatement reprises par le jeu. Là encore, le but n’est pas de faire du stock-car. L’important c’est l’esprit sportif. Si on cherche à tuer les autres concurrents, on est immédiatement sanctionné. Dans ce même esprit sportif, nous sommes sur un projet lié à une course à la voile. Cette fois, la notion de jouer en équipe sera complète. Selon le même principe, des boîtiers seront installés sur les bateaux et des équipes virtuelles se constitueront, sur les bateaux virtuels, pour se mesurer aux grands skippers.

Enfin, notre dernière ligne consiste à se pencher sur les jeux spécifiques à l’Internet et gratuits. Il s’agit principalement de webgames en flash. Et dans ce domaine, je reviens à l’enjeu des contenus. La demande est monstrueuse. Tous les acteurs de l’Internet, de Yahoo à AOL sont demandeurs car ces webgames sont de véritables outils interactifs. C’est un moyen de diffuser de la publicité et qu’elle soit vue, et ils permettent de suivre la demande de l’audience. Ils font partie intégrante des stratégies éditoriales. Tous le monde veut avoir son jeu sur son site. L’avantage pour les développeurs, c’est qu’ils sont libres dans la conception, mais à la différence des jeux que l’on vend à Infogrames ou Ubisoft, là nous sommes en relation directe avec l’Internet et avec les joueurs.

Les jeux online du fait de leurs coûts de production et de maintenance importants ont donc une obligation non seulement de qualité mais aussi de toucher un plus large public ? C’est donc la fin du règne de l’héroic fantasy, des univers compliqués et ultra violents ?
Déjà aujourd’hui, tous les jeux ne sont pas que violents, où évoluant dans des univers compliqués (voir certains jeux éducatifs-ndlr). Mais oui, nous sommes dans l’obligation de faire évoluer l’esprit des jeux, d’accentuer le côté équipe, car il nous faut toucher le plus grand nombre possible et particulièrement les femmes. Les développeurs de jeux ont désormais une contrainte de qualité, à tous les points de vue.
http://www.kalisto.com

À lire aussi sur internetactu.net