Entretien avec Christophe Caverot, instituteur à l’école Fourier de Besançon et animateur informatique

Avec plus de 750 ordinateurs installés aujourd’hui, certains depuis presque deux ans, il est possible de faire un petit bilan sur ce qu’il se passe à ce jour dans les écoles de Besançon. Christophe Caverot, instituteur à l’école Fourier de Besançon et ani

Le programme 1000 ordinateurs à l’école a consisté à équiper chaque classe des écoles primaires de Besançon de trois ordinateurs, relié à l’Internet par le réseau haut débit Lumière. Ces ordinateurs sont tous connectés à un serveur de cd-rom et chaque école est également dotée d’une classe informatique et d’un poste multimédia connecté à la banque documentaire de la 5e pour permettre aux professeurs d’utiliser les films documentaires de la chaîne.
Avec plus de 750 ordinateurs installés aujourd’hui, certains depuis presque deux ans, il est possible de faire un petit bilan sur ce qu’il se passe à ce jour dans les écoles de Besançon. Christophe Caverot, instituteur à l’école Fourier de Besançon et animateur informatique nous éclaire sur les usages en matière de NTIC dans les écoles bisontines.

Depuis deux ans qu’a été initié le projet 1000 ordinateurs à l’école que peut-on en dire aujourd’hui ? L’équipement imaginé par les acteurs du projet est-il suffisant pour ouvrir des potentialités ? Et si oui, comment s’intègre-t-il aux classes ?

Christophe Caverot : Trois ordinateurs dans la classe, c’est le bon compromis entre un seul ordinateur et la salle informatique – qui existe néanmoins. Trois ordinateurs, cela permet de faire travailler un petit groupe d’enfants : trois à six élèves. Cela forme un atelier qui devient intéressant. Implanté au sein de la classe, cela forme un petit atelier qu’on peut utiliser quand on veut, sans contraintes. L’utilisation quotidienne dépend encore des pratiques de chacun. Dans ma classe, tous les matins, systématiquement, les enfants se connectent sur la boîte aux lettres de la classe pour relever les mails. Automatiquement donc, tous les matins, les ordinateurs sont allumés. Bien sûr, on ne les utilise pas forcément tous les jours : cela dépend du programme de travail et de ce qu’on a à faire dans la journée. Mais à l’heure actuelle, la tendance est celle d’une prise en main autonome des ordinateurs en classe. Le but est quand même que les enfants puissent aller tout seuls se connecter, lancer le bon logiciel et se débrouiller. L’enseignant est là comme un médiateur : il dépanne, assiste, complète les informations. Si on a à envoyer un courrier à l’un de nos correspondants, les élèves se connectent, tapent leur message… L’instituteur intervient juste avant l’envoi pour vérifier la syntaxe, la grammaire, l’orthographe pour que le message soit correctement écrit. Mais les enfants font toute la manœuvre, même l’envoi. Une fois que les enfants ont compris, ça ne pose plus de problème. Par la présence des ordinateurs dans la classe même, on peut envoyer des élèves travailler dessus dès que le besoin s’en fait sentir.

Cette utilisation nécessite tout de même un peu de formation, tant pour les professeurs que pour les élèves. Comment se passent celles-ci ?

Pour que les enfants se débrouillent un peu, soient autonomes, cela nécessite un petit apprentissage qui se fait généralement en salle informatique où l’on peut aller par demi-groupes. On y met en place des repères un peu techniques que les enfants utiliseront ensuite directement en classe.
En ce qui concerne les enseignants, pour aider la prise en main cela fait deux ans qu’un stage bureautique pour néophytes a été créé chaque mercredi matin. On y apprend tout d’abord le traitement de texte, qui est un bon outil pour appréhender la machine. On y fait aussi un peu d’internet et de courrier électronique. Au début, les gens râlaient parce que c’était le mercredi. Des collègues disaient qu’ils ne voulaient pas entendre parler de l’ordinateur. Aujourd’hui, on n’entend plus ce genre de discours. Peu à peu, les gens s’en prennent plutôt aux lenteurs, aux lourdeurs… Ca prouve que les gens essayent de se connecter et de les utiliser. Sous la demande, le nombre de stages s’est accru et avec 13 animateurs informatiques à mi-temps sur le département, cela permet d’apporter une aide réelle à tous ceux qui en ont besoin. L’utilisation progresse indubitablement. A titre indicatif, une étude de la mairie a montré qu’alors que le parc informatique a doublé en un an – passant de 350 à 750 machines – le taux de connexion, lui, dans le même temps, a quadruplé. Cela prouve qu’après un temps de prise en main, les enseignants allument les ordinateurs et les utilisent. Au bout du compte, l’utilisation est déjà beaucoup plus importante que ce sur quoi on comptait.

Quelle utilisation est faite de ces machines ?

L’essentiel de l’utilisation actuelle demeure le traitement de texte : travail d’expression écrite, copie de résumés de cours… On ne fait pas seulement du français : l’outil traitement de texte facilite l’interdisciplinarité. Au niveau de la recherche documentaire : il y a les encyclopédies et le web. La connexion web n’est peut-être pas la plus utilisée. On insiste beaucoup dans les formations sur comment aller cherche un document sur Internet et comment l’intégrer dans un traitement de texte. Une fois que les gens ont compris le principe, ils voient mieux l’intérêt de l’utilisation d’internet. Mais l’outil le plus utilisé encore, reste le courrier électronique. Tout un système de boîtes aux lettres et de listes de diffusion a été mis en place. Beaucoup d’informations circulent par e-mail entre les classes, particulièrement autour de projets qui peuvent exister. Ainsi cette année, un projet de  » Fabulologie  » a été initié par une troupe théâtrale. Il consiste à un travail autour des langues, de l’imaginaire et des arts plastiques, et implique beaucoup d’écoles de Besançon et même de l’extérieur. L’outil informatique va permettre de communiquer entre les projets, de produire des histoires. Une classe de mer va ainsi envoyer des textes et des photos numériques aux autres classes pour leur communiquer de nouvelles trouvailles dans le cadre de ce projet.
Il existe aussi un forum enfant et un forum enseignant, mais on compte surtout les relancer à la prochaine rentrée. La mairie a annoncé qu’elle allait aussi nous fournir des webcams. Très peu d’enseignants en ont utilisé à ce jour, et très peu même en voient l’utilité, mais les projets peuvent tout changer. Il faut d’abord passer par une phase de test des nouveaux outils avant qu’émergent de nouveaux projets.
Quelques sites d’écoles existent : certains même très bien faits. Mais personnellement, je ne pousse pas forcément à faire des sites… Un site d’école est un gros projet qui demande à vivre et qui nécessite une volonté importante de tous les collègues.

Dans l’interview qu’il nous a accordée, Claude Lambey soulignait la forte demande qu’il y avait pour des outils de gestion collective et des outils de gestion administrative…

On avait demandé un intranet pour pouvoir mettre en commun les productions de classes. La mairie annonce que nous aurons bientôt accès à un système d’indexation général de fichiers. En enregistrant leurs travaux, les enseignants les mettront ainsi à disposition des autres, sans avoir de manipulation à faire pour transformer leurs fichiers en documents HTML.
Au niveau de la gestion administrative des écoles, on a demandé quelque chose d’un peu plus performant pour faire une gestion d’école complète : emplois du temps, notes… M. Lambey signe dans quelques jours un projet d’appel d’offres pour cela. On souhaiterait d’ailleurs ajouter à ces outils de gestion d’école, une gestion du suivi des élèves en difficultés pour ceux qui sont vus par des réseaux d’aides extérieurs (psychologues…), avec bien sûr un système de mot de passe car ce sont des informations confidentielles.

L’un des objectifs du programme était d’observer et mettre en œuvre de nouvelles pratiques pédagogiques. Qu’en est-il sur le terrain ? De nouvelles pratiques voient-elles le jour ?

Oh oui ! Trois ordinateurs dans la classe : quel bouleversement dans les pratiques et les acquisitions est justement le sujet de mon mémoire. Trois ordinateurs sur lesquels on peut mettre un groupe d’enfants autonomes sur un travail, nécessitent, à terme, un système de travail adapté : un travail individualisé, une pédagogie différenciée. Car les enfants qui travaillent sur les ordinateurs alors que les autres font des mathématiques doivent disposer d’un temps adapté pour reprendre le travail qu’ils n’auront pas fait… Cela nécessite de mettre en place des systèmes d’ateliers tournants où chacun doit trouver son fonctionnement. En tout cas, les enfants ne feront plus toujours la même chose au même moment. C’est le plus difficile. C’est ce qui freine souvent encore les enseignants. Ca signifie qu’il y a des enfants qui vont sur l’ordinateur et qui se déconnectent de la classe pendant un temps. Comment fait-on pour qu’ils puissent rattraper ? Pour qu’ils puissent reprendre ce qui a été fait ? Ca nécessite de trouver un temps pour travailler avec ces enfants-là pendant que d’autres feront encore autre chose…. Si on veut utiliser au mieux ce nouvel outil, on va tendre à cela. Toujours en se disant que c’est un outil et pas une fin en soi : on utilise l’outil informatique parce que dans le projet actuel c’est un bon outil.
Au niveau des apprentissages, on ne peut pas dire que l’ordinateur apporte quelque chose dans les acquisitions. L’enfant ne progresse pas grâce à l’ordinateur : c’est un ensemble, où, au bout du compte, l’enfant a progressé. Par contre la motivation est toute autre. Et l’on sait que les élèves motivés apprennent mieux. L’ordinateur est un  » motivateur « . Plus les enfants sont motivés, plus ils vont accepter de travailler autrement. Plus ils vont être autonomes sur l’outil informatique, plus ils vont être autonomes dans d’autres pratiques.
Mais pour parler des apports on a encore peu de recul. Il faut prendre son temps pour affirmer des choses. En attendant : la motivation et l’autonomie sont réelles. Les pratiques pédagogiques se mettent en place avec le temps. Mais petit à petit, quand les personnes auront pris en main techniquement l’appareil, seront rassurées, quand l’outil sera démystifié on pourra plus facilement évoquer les pratiques.

Qu’attendez-vous du développement du projet ?

Le parc doit être renouvelé tous les trois ans, et les nouvelles performances des machines sont toujours encourageantes. Elles permettront plus de choses, plus d’applications multimédias, plus simplement… On espère pouvoir bientôt consulter des cd-rom directement – ce qui n’est pas possible pour l’instant. Certaines demandes, pour l’instant ponctuelles, aiguisent notre réflexion et ce d’autant plus qu’elles vont se développer. Des collègues souhaiteraient utiliser l’outil pour faire de la musique et pour l’instant on ne peut pas. Des pistes s’ouvrent. Il y a un démarrage d’une autre ampleur que le plan informatique pour tous de 1985 et on peut s’attendre à ce que cela se passe beaucoup mieux car tout ce qu’on nous a proposé au niveau du réseau Lumière est beaucoup plus réfléchi.

Interview réalisée le 17 avril 2001 par Hubert Guillaud
pour la Fondation Internet nouvelle génération

Pour en savoir plus sur le programme « 1000 ordinateurs à l’école » : http://www.besancon.org/intro/francais/

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