Fête de l’internet mobile 2003 – Session « Jeux et mobilité »

Interventions de Nicolas Gaume, consultant (fondateur de Kalisto), Camille Guermonprez-Brouard ( Infraworlds), Jérôme Schurch (directeur du développement d’ In-Fusio), Jean-Dominique Lauwereins ( BeTomorrow), Xavier Tessier (responsable programmes jeux de SFR)

Le secteur du jeu pour mobile est d’ores et déjà un segment dynamique dans la production de contenus mobile en France et dans le monde. Hormis les constructeurs d’appareils qui continuent de jouer un rôle important au niveau mondial dans la structuration du marché (à l’instar des constructeurs de consoles sur le marché du jeu), il existe désormais un nombre significatif de jeunes sociétés de développement (de jeux Java ou embarqués, par exemple), ainsi que des éditeurs confirmés comme In-Fusio ou Gameloft, et des opérateurs de télécommunication à la recherche de contenus ludiques.

Si le secteur du jeu pour mobile est assez différent de celui du jeu vidéo classique, on peut constater que certaines sociétés se sont montées à partir d’effectifs de développeurs de jeux vidéo ayant déposé le bilan pendant la crise que vient de traverser ce secteur (à l’instar de Kalisto dans la région bordelaise). Cependant, il existe également une culture spécifique au domaine du jeu mobile, et certaines équipes n’avaient aucun passé dans le jeu.

Côté usage, de premières études (pour Orange notamment) ont montré que les utilisateurs actuels consomment des jeux (en téléchargement par exemple) non pas uniquement dans les transports en commun ou dans des périodes creuses de leurs emplois du temps, mais le vendredi soir, ou le week-end, ce qui laisserait penser que le mobile tend à devenir une interface ludique à part entière (témoignage de Yann Mondon, responsable communication d’In-fusio).

On a pu le constater, les jeux pour mobile sont fortement dépendants des technologies et de leurs évolutions, ce a pour effet de rendre ce secteur volatile, mais aussi de le redynamiser périodiquement. En outre l’hétérogénéité des applications rend ce domaine encore difficile d’accès pour des non spécialistes.

Un effort de pédagogie paraît ici nécessaire pour expliquer ce que sont les jeux pour mobile, car il en existe déjà une certaine variété  : les jeux Wap (en consultation ou en « push ») ou i-Mode, les jeux SMS (bientôt MMS), les jeux Java, les jeux téléchargeables, les jeux géo-localisés (par triangulation entre cellules ou via l’utilisation du GPS), les jeux associant PC fixes et mobiles (exemple de Kigen)…

Sur le plan de la création, on constate d’un côté que reviennent en force les jeux de plate-forme, jeux de réflexion ou de réflexes des années 80 (Tetris, Casse-Brique, Space Invaders…) et de l’autre, que les jeux pour mobile constituent déjà (comme le jeu en réseau vis-à-vis du jeu offline) une branche à part entière du secteur vidéoludique, avec ses règles et ses genres. A ce titre, il sera intéressant d’observer la coexistence d’offres "conventionnelles", s’appuyant sur des licences ou des jeux éprouvés, et de démarches qui essayent d’innover sur les aspects graphiques, le gamedesign, les services (moteurs 3d d’Infraworlds, Game Center Managment d’In-Fusio, projet Livefoot et test UMTS avec Alcatel pour BeTomorrow par exemple) – ou encore d’inventer de nouvelles modalités ludiques spécifiques au média, notamment par rapport aux jeux online à tendance "communautaire".

On peut comprendre que des projets de jeux massivement multijoueurs tels que Kigen de Newtgames (présenté au Carrefour des possibles de la FING), sont des projets très innovants et plus risqués, dans la mesure où ils associent d’emblée plusieurs technologies encore sélectives, comme la géolocalisation, et qu’ils posent des questions nouvelles en termes de création, d’usage, de protocoles d’identification et d’accès aux services, de modèle économique. Il apparaît important de porter une attention à ces initiatives dans la mesure où elles contribuent à inventer des usages radicalement nouveaux pour le jeu et le mobile en général.

Sur les aspects économiques, les intervenants, développeurs et éditeurs, ont montré qu’ils avaient choisi des business modèles pragmatiques, en s’appuyant sur des marchés existants, comme celui des jeux embarqués par exemple et en recherchant des partenariats avec les constructeurs et les opérateurs. On peut noter que certaines de ces sociétés encore peu connues, parviennent à survivre, voire à dégager des bénéfices, alors même que le secteur du jeu vit toujours une période de crise.

Le discours de Xavier Tessier, responsable des programmes et services jeux de SFR, montre cependant toute la prudence des opérateurs face à cette fragmentation des sociétés de production de jeux. Face à des technologies ou segments porteurs mais encore jeunes, les opérateurs appellent une consolidation du marché, où les normes seraient harmonisées. On voit poindre un débat entre les défenseurs de technologies standards et les tenants de technologies propriétaires. In-Fusio par exemple propose une technologie propriétaire de téléchargement des jeux (ExEn) et annonce plus d’un million de clients en Europe et plusieurs millions de téléchargements de jeux payants. Face à cela, des modèles de rentabilité dans l’exploitation de ces services sont en jeu, entre éditeurs et opérateurs.

En définitive, on peut supposer que le marché des jeux pour mobile, y compris online (comme des Tétris multijoueurs, etc.), touchera sans doute le grand public beaucoup plus rapidement que les jeux massivement multijoueurs sur PC, voire que les consoles connectées. Avec 18 milliards d’euros de recettes prévues en Europe à l’horizon de 2006 (source Anderson, via Idate), il semblerait que les jeux mobile génèrent à terme des recettes avoisinant celles de l’ensemble du secteur du jeu vidéo "traditionnel".

Alors que les entreprises françaises du jeu vidéo sont en crise, le salut pourrait donc venir en partie du jeu mobile. En effet la plus grande souplesse dans la réalisation des jeux (temps de productions plus courts, équipes de 4 à 5 personnes, budgets très inférieurs à ceux des jeux vidéo, marché plus important que celui des consoles…), favorise l’émergence rapide de nouveaux talents, mais aussi la valorisation de jeux existants. Il est intéressant de voir que des jeunes sociétés françaises de jeux pour mobile vendent des jeux sur le marché européen, japonais et chinois, alors que des développeurs de jeux existant depuis dix ans mettent des années avant de finaliser leurs contrats avec des sociétés japonaises comme Nintendo par exemple. S’il est évidemment difficile de comparer les deux secteurs, en terme d’expérience industrielle et de constitution de réseaux, le jeu mobile pourrait devenir un élément moteur du secteur vidéoludique dans les années à venir.

Frank Beau, FINGames

À lire aussi sur internetactu.net