Comment le « Page Rank » de Google modifie l’ordre du monde

Le 17 février 2003, une analyse de Patrick Tyler décrivait à la une du New York Times le mouvement de protestation anti-guerre comme l’émergence d’une seconde super-puissance (the second superpower). Puis apparut sur un blog un article intitulé "La seconde super-puissance dévoile son beau visage" signé James F. Moore qui prit rapidement la tête du référencement de cette expression sur le moteur de recherche de Google. Il aura fallu des millions de personnes de par le monde pour forcer l’armée américaine à décrire le mouvement anti-guerre comme la "deuxième super-puissance" ; il aura suffi d’une poignée de blogueurs référençant un article pour que celui-ci, en vertu de l’algorithme PageRank de Google, bénéficie d’une légitimité telle que sa définition écrase toutes les autres dans les résultats de recherche. "Si vous regardiez le monde par une lorgnette Google, et si le moteur de recherche était votre principale vision du monde, vous auriez du mal à croire que l’expression "deuxième super-puissance" puisse signifier autre chose. Son sens original (renvoyant selon l’époque à telle ou telle superpuissance) a quasiment disparu. Rayé de la carte, en tout juste sept semaines." La subversion par James Moore du terme de "seconde super-puissance" est en réalité la conséquence du Page Rank très élevé dont celui-ci a immédiatement bénéficié grâce aux liens qu’ont tissé vers son texte d’autres blogeurs…
Le prodige, s’étonne Andrew Orlowski, est d’avoir pu y parvenir avec si peu de personnes. Le dernier rapport du Pew Internet Research indique que le nombre d’internautes qui consulte les blogs est "si faible qu’il n’est pas possible d’obtenir de conclusions statistiquement fiables sur qui les utilise". Ils l’estiment globalement aux alentours de 4  %. Ce qui signifie que Google peut être instrumentalisé – et le langage transformé – par un très petit nombre de personnes. Pierre Lazuly, traducteur de l’article, note en Post-scriptum que si l’article original du New York Times avait été publiquement accessible (il faut s’enregistrer pour pouvoir consulter les articles du New York Times), l’article aurait été beaucoup plus cité par les blogs et aurait obtenu un très bon Page Rank. "C’est peut-être ce retrait progressif de nombre de sites d’information (qui préfèrent ne plus rendre publiques leurs archives dans l’espoir de vendre en ligne quelques articles) qui favorise ce genre d’OPA sur mots-clés. Lorsque l’information de référence n’est pas disponible, le premier à la commenter hérite de sa paternité."
L’info et les liens : http://www.uzine.net/article1960.html
L’article original : "Anti-war slogan coined, repurposed and Googlewashed… in 42 days" par Andrew Orlowski : http://www.theregister.co.uk/content/6/30087.html

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