RSS : le format qui détruit le format

Les éditeurs de contenus sur l’internet, qui ont pourtant été bien malmenés ces dernières années comme le rappelle Le Guide mondial de la presse en ligne (http://www.courrierinternational.com/hors-serie/PresseWeb/edito.htm) publié par Courrier International, sont à l’aube d’une nouvelle épreuve. Jusqu’à ce jour, non sans difficulté, les médias électroniques ont peu ou prou trouvé un support leur permettant de donner forme et valeur à leurs contenus (lettres d’information, sites…), à l’image des objets du monde réel. Avec des formules variées (publicité, abonnement, vente à l’unité, enregistrement, mutualisation, …), ils ont réussi à mettre en place de fragiles modèles économiques.

Mais avec RSS (Really Simple Syndication), cet équilibre précaire pourrait bien être remis en cause. Le format d’échange RSS (un simple fichier texte comportant le contenu, sa description synthétique et les liens hypertexte vers leur source) dématérialise le contenu, un peu comme les fichiers de partage peer to peer ont séparé la musique de ses formats et de ses médias. Via RSS, en recevant sur un « lecteur d’actualité » (on parle d’agrégateur logiciel ou web) les fils d’information auxquels ils s’abonnent (un peu comme les fils d’agence de presse), les utilisateurs vont « pouvoir » (cela ne veut pas dire qu’ils vont le faire, ni tous le faire) se passer de recevoir des lettres d’informations, de visiter les sites des publications en ligne… Fragilisant par là-même les modèles économiques patiemment mis en place et reposant sur le comptage des pages visitées, la durée de consultation, les bases d’abonnés qualifiés, etc. Avec RSS, la lecture de l’information n’a plus de matérialité autre qu’un ping sur un site (1).

Ces outils et les pratiques qui les accompagnent pourraient en effet rapidement changer la donne et complexifier encore la recherche de modèles économiques. RSS détruit les supports imposés par les éditeurs (anéantissant au passage les « fortunes » consacrées à la mise en page, à l’ergonomie, à l’identification et au design html dont on n’a cessé de nous répéter combien ils étaient primordiaux) et redonne l’entièreté du choix aux usagers (qui peuvent s’abonner ou se désabonner sans que l’éditeur n’en soit jamais informé par exemple). Ensuite parce que la force du format repose justement dans sa souplesse, son interopérabilité, sa personnalisation… Aujourd’hui, je peux ainsi composer mon information comme je le souhaite dans un fil ou dans un agrégat thématique ou disciplinaire et mêler par exemple les brèves sciences de Libération avec celles du Monde, du Figaro et de l’Humanité… faisant fi de ce qui faisait la particularité même des contenus : leur origine éditoriale. Cela ne signifie pas que l’origine éditoriale de ces informations n’ait pas d’importance – au contraire -, mais montre qu’une partie des utilisateurs rejettent le fait que celle-ci soit le seul mode de distribution de ces informations.

Pour l’instant, les propos des spécialistes sont plutôt rassurants (http://www.fing.org/index.php?num=4028,2). Selon Chris Pirillo ou Steve Outing, RSS ne remet pas en cause les modèles économiques des éditeurs de contenus puisque le fil permet à chacun d’accéder aux contenus web de l’éditeur d’origine. Selon eux, il suffirait presque aux éditeurs de proposer leurs fils RSS sur leurs propres sites pour offrir une réelle alternative aux générations spontanées de fils RSS… Mais cette assertion est en partie fausse : car non seulement c’est parfois le texte entier qui est disponible sur un agrégateur, mais en plus parce que les internautes n’ont pas attendu les éditeurs de contenus pour créer eux-mêmes les fils d’information des médias qui n’en proposaient pas (c’est même là le coeur de l’étonnant succès de ce petit format qui s’est développé par l’appropriation spontanée de milliers d’internautes, ce que beaucoup de grands standards ne sont pas parvenus à faire).

Incontestablement, la force de RSS est d’être parti des usagers. Ni vraiment norme, ni vraiment standard, c’est visiblement un format en réponse à la démultiplication des formats. Il ne les annule pas, mais se nourrit d’eux pour fluidifier les échanges. Ne nous trompons pas : l’enjeu n’est plus depuis longtemps de proposer un fil informatif ou pas ! Si vous ne le faites pas, il est très simple de le faire à votre place ! Pour les éditeurs, la question est déjà de chercher de nouvelles modalités économiques pour imaginer des systèmes d’identification préalable ou de services ajoutés payants… Pour les intermédiaires, il est dans la multiplication d’offres et d’outils aux fonctionnalités toujours plus avancées. Pour les utilisateurs les plus accros, ils cherchent déjà des outils pour éliminer les redondances d’information parmi les milliers de fils auxquels ils sont abonnés et faire le meilleur choix selon leur profil, leurs attentes en terme de qualité ou de rapidité, de synthèse ou de développement, etc.

De cette confusion à naître, une chose risque en tout cas d’en sortir grandie : « le contenu ». Le contenu dont la diffusion va être encore plus large… Même si c’est certainement au risque d’une toujours plus grande concentration de l’information car la syndication a d’abord pour effet d’en démultiplier l’écho.

Hubert Guillaud

(1) Faire un Ping (Packet Internet Groper) consiste à envoyer une requête de contrôle à un serveur.

Les éditeurs de contenus sur l’internet, qui ont pourtant été bien malmenés ces dernières années comme le rappelle Le Guide mondial de la presse en ligne (http://www.courrierinternational.com/hors-serie/PresseWeb/edito.htm) publié par Courrier International, sont à l’aube d’une nouvelle épreuve. Jusqu’à ce jour, non sans difficulté, les médias électroniques ont peu ou prou trouvé un support leur permettant de donner forme et valeur à leurs contenus (lettres d’information, sites…), à l’image des objets du monde réel. Avec des formules variées (publicité, abonnement, vente à l’unité, enregistrement, mutualisation, …), ils ont réussi à mettre en place de fragiles modèles économiques.

Mais avec RSS (Really Simple Syndication), cet équilibre précaire pourrait bien être remis en cause. Le format d’échange RSS (un simple fichier texte comportant le contenu, sa description synthétique et les liens hypertexte vers leur source) dématérialise le contenu, un peu comme les fichiers de partage peer to peer ont séparé la musique de ses formats et de ses médias. Via RSS, en recevant sur un « lecteur d’actualité » (on parle d’agrégateur logiciel ou web) les fils d’information auxquels ils s’abonnent (un peu comme les fils d’agence de presse), les utilisateurs vont « pouvoir » (cela ne veut pas dire qu’ils vont le faire, ni tous le faire) se passer de recevoir des lettres d’informations, de visiter les sites des publications en ligne… Fragilisant par là-même les modèles économiques patiemment mis en place et reposant sur le comptage des pages visitées, la durée de consultation, les bases d’abonnés qualifiés, etc. Avec RSS, la lecture de l’information n’a plus de matérialité autre qu’un ping sur un site (1).

Ces outils et les pratiques qui les accompagnent pourraient en effet rapidement changer la donne et complexifier encore la recherche de modèles économiques. RSS détruit les supports imposés par les éditeurs (anéantissant au passage les « fortunes » consacrées à la mise en page, à l’ergonomie, à l’identification et au design html dont on n’a cessé de nous répéter combien ils étaient primordiaux) et redonne l’entièreté du choix aux usagers (qui peuvent s’abonner ou se désabonner sans que l’éditeur n’en soit jamais informé par exemple). Ensuite parce que la force du format repose justement dans sa souplesse, son interopérabilité, sa personnalisation… Aujourd’hui, je peux ainsi composer mon information comme je le souhaite dans un fil ou dans un agrégat thématique ou disciplinaire et mêler par exemple les brèves sciences de Libération avec celles du Monde, du Figaro et de l’Humanité… faisant fi de ce qui faisait la particularité même des contenus : leur origine éditoriale. Cela ne signifie pas que l’origine éditoriale de ces informations n’ait pas d’importance – au contraire -, mais montre qu’une partie des utilisateurs rejettent le fait que celle-ci soit le seul mode de distribution de ces informations.

Pour l’instant, les propos des spécialistes sont plutôt rassurants (http://www.fing.org/index.php?num=4028,2). Selon Chris Pirillo ou Steve Outing, RSS ne remet pas en cause les modèles économiques des éditeurs de contenus puisque le fil permet à chacun d’accéder aux contenus web de l’éditeur d’origine. Selon eux, il suffirait presque aux éditeurs de proposer leurs fils RSS sur leurs propres sites pour offrir une réelle alternative aux générations spontanées de fils RSS… Mais cette assertion est en partie fausse : car non seulement c’est parfois le texte entier qui est disponible sur un agrégateur, mais en plus parce que les internautes n’ont pas attendu les éditeurs de contenus pour créer eux-mêmes les fils d’information des médias qui n’en proposaient pas (c’est même là le coeur de l’étonnant succès de ce petit format qui s’est développé par l’appropriation spontanée de milliers d’internautes, ce que beaucoup de grands standards ne sont pas parvenus à faire).

Incontestablement, la force de RSS est d’être parti des usagers. Ni vraiment norme, ni vraiment standard, c’est visiblement un format en réponse à la démultiplication des formats. Il ne les annule pas, mais se nourrit d’eux pour fluidifier les échanges. Ne nous trompons pas : l’enjeu n’est plus depuis longtemps de proposer un fil informatif ou pas ! Si vous ne le faites pas, il est très simple de le faire à votre place ! Pour les éditeurs, la question est déjà de chercher de nouvelles modalités économiques pour imaginer des systèmes d’identification préalable ou de services ajoutés payants… Pour les intermédiaires, il est dans la multiplication d’offres et d’outils aux fonctionnalités toujours plus avancées. Pour les utilisateurs les plus accros, ils cherchent déjà des outils pour éliminer les redondances d’information parmi les milliers de fils auxquels ils sont abonnés et faire le meilleur choix selon leur profil, leurs attentes en terme de qualité ou de rapidité, de synthèse ou de développement, etc.

De cette confusion à naître, une chose risque en tout cas d’en sortir grandie  : « le contenu ». Le contenu dont la diffusion va être encore plus large… Même si c’est certainement au risque d’une toujours plus grande concentration de l’information car la syndication a d’abord pour effet d’en démultiplier l’écho.

(1) Faire un Ping (Packet Internet Groper) consiste à envoyer une requête de contrôle à un serveur.

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