En Ardèche, les écoles et mairies rurales sont d’ores et déjà entrées dans la société de l’information

Dans cette tribune, Michel Alonzo, responsable du projet des Inforoutes de l’Ardèche revient sur l’expérimentation rurale menée en Ardèche depuis 1998 grâce à la technologie Wadsl. Alors que les équipements installés n’ont pas encore été totalement amortis, l’Autorité de régulation des télécommunications a choisi de mettre fin à l’autorisation d’émission dont bénéficiait le Syndicat intercommunal à vocation unique de l’Ardèche.

Dans cette tribune, Michel Alonzo, responsable du projet des Inforoutes de l’Ardèche revient sur l’expérimentation rurale menée en Ardèche depuis 1998 grâce à la technologie Wadsl. Alors que les équipements installés n’ont pas encore été totalement amortis, l’Autorité de régulation des télécommunications a choisi de mettre fin à l’autorisation d’émission dont bénéficiait le Syndicat intercommunal à vocation unique de l’Ardèche.

Michel Alonzo, responsable du projet Inforoutes de l’Ardèche.

En Ardèche, 95 % des communes ont moins de 600 habitants. Très peu d’entre elles ont une chance d’être éligibles à l’Adsl. Et pourtant écoles et mairies ardéchoises échangent en haut débit pour certaines depuis longtemps !

Le Syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) des inforoutes de l’Ardèche a été créé en novembre 1995 pour participer à l’aménagement du territoire grâce aux Technologies de l’information et de la communication (http://www.inforoutes-ardeche.fr). Il regroupe 260 communes qui totalisent 250 000 habitants. Aujourd’hui : 194 communes sont couvertes par le réseau hertzien mis en place par les inforoutes de l’Ardèche (voir encadré). Parmi elles seules 25 communes, les plus importantes, disposent de l’Adsl, ce nombre devant doubler au cours de l’année 2004. Les 173 autres bénéficient du réseau des inforoutes de l’Ardèche. Dans ces villages, 360 écoles primaires, 25 centres multimédias, des mairies et des hôpitaux utilisent quotidiennement ce réseau.

Pour réussir ce pari, mettre en place des infrastructures de réseau ne suffit pas. Le Sivu a du également sensibiliser, former les enseignants et le personnel des mairies, équiper les écoles en ordinateurs, développer des applications spécifiques pour les communes, assurer un service d’aide et de maintenance pas seulement pas téléphone mais également sur le terrain.

Cette présence au quotidien, sur tout le département, est d’ailleurs un des points forts du Sivu. Les utilisateurs actuels apprécient cette présence quotidienne et les nouvelles demandes continuent d’affluer. Des particuliers eux-mêmes demandent à être reliés au réseau des inforoutes de l’Ardèche, mais la législation actuelle ne permet pas de le faire et réserve l’accès au réseau au groupe fermé d’utilisateurs constitué des établissements publics.

Une expérience importante sur les usages ruraux

Ces écoles et communes constituent un véritable observatoire des usages ruraux du haut débit grâce aux quelques années de recul qui permettent aujourd’hui de mieux comprendre ce qui constituera peut être demain le lot quotidien dans les zones rurales du reste de la France. Comme partout ailleurs, c’est l’échange qui constitue la première motivation pour utiliser le réseau et le courrier électronique est l’usage le plus courant. Mais des usages plus spécifiques ont également vu le jour : l’application communale la plus prisée est la consultation des données du cadastre ; elle rend beaucoup de services aux mairies et permet de gagner du temps et de répondre simplement aux administrés. La consultation de ressources pédagogiques mises à disposition par le Rectorat de Grenoble et les recherches sur internet constituent aussi des applications quotidiennes.

La commune de Montpezat sur Bauzon représente un exemple démonstratif. Montpezat, petit village de 660 habitants et chef lieu de canton, accède au réseau par voie hertzienne. Elle est située au fond d’une vallée reculée, à l’ouest de Vals-les-Bains. Son maire, ancien adjoint de l’inspecteur d’Académie, est très motivé par le développement des TIC dans l’éducation et soucieux de désenclaver sa commune ; il a demandé la connexion de sa mairie et du centre multimédia. Un projet de « cartable électronique » est expérimenté depuis 2001 au collège de Montpezat qui est aussi desservi par le haut débit hertzien (http://www.inforoutes-ardeche.fr/cartable/2002/bilan2002.htm). Sans cet accès, les professeurs se demandent aujourd’hui comment ils pourraient continuer à utiliser les TIC.

Les bureaux du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche, situés également à Montpezat, ont été eux aussi connectés au réseau hertzien à la demande des élus locaux. Les employés utilisent largement les possibilités du haut débit pour les échanges et la récupération de documents volumineux (http://www.parc-monts-ardeche.fr/v1/sommaire.php3).

Pour en savoir plus : le réseau des inforoutes de l’Ardèche

Le Sivu a travaillé dès sa naissance en 1995 sur un réseau innovant à cette époque et particulièrement bien adapté aux zones rurales. Les lieux publics sont reliés par un réseau de type MMDS dans la bande hertzienne 3,6 – 3,8 GHz. La diffusion des données se fait sous une forme identique à l’internet par satellite – le Digital Video Broadcasting (DVB) – mais adapté aux réseaux terrestres (DVB-M qui utilise le saut de phase QPSK). Cette technologies, le Wadsl (http://www.wadsl.com) mis en place par la société MDS (http://www.mds.fr), est également utilisée dans les Emirats Arabes Unis.

A l’époque, ces modes de diffusion ne permettaient pas une voie de retour sans fil. C’est donc le téléphone qui est utilisé pour la « voie montante » comme c’était le cas à ce moment-là également pour les liaisons satellites.

Le réseau a été peu coûteux à installer : 462 000 euros, soit dix fois moins que si la Boucle locale radio avait été choisie. Il permet de récupérer les données à 5 ou 10 Mb/s pour celles situées en Ardèche et 800 Kb/s pour celles qui viennent du reste de l’internet.

Le SIVU a reçu une autorisation expérimentale de l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) en janvier 2002 pour l’usage de fréquences hertziennes. Il a constitué un réseau indépendant formé par les communes adhérentes. L’autorisation d’usage des fréquences hertziennes a été renouvelée en janvier 2003 pour une année.

Les usages ruraux ardéchois en péril

Le financement des investissements pour les inforoutes de l’Ardèche provient de fonds publics : fonds européens Feder, Datar, Conseil Général, Conseil Régional, communes. Ils sont récents et non amortis. Dans deux ans, le matériel sera amorti et il deviendra possible d’envisager de passer à de nouvelles technologies bidirectionnelles tels que le satellite ou Wimax qui auront une plus grande disponibilité et des prix plus accessibles d’ici là.

Malgré les propos rassurants prodigués fin 2003, l’ART a choisi en début d’année de demander au Sivu de ne plus utiliser les fréquences autorisées en 2002 et 2003. La raison invoquée est la nécessité de disposer de la totalité des canaux de fréquences hertziennes pour permettre la diffusion des manifestations temporaires. Pourtant l’Ardèche est une zone rurale, peu peuplée où les fréquences sont moins utilisées qu’en zone urbaine. Le Sivu pourrait même rendre 2 canaux hertziens sur les 4 que l’ART lui a attribué sans perturber le fonctionnement actuel du réseau. Mais ne plus disposer de fréquence avant d’avoir pu amortir le matériel de l’expérimentation signifierait l’arrêt brutal de tous les usages quotidiens des communes et écoles rurales de l’Ardèche.

Au moment où les appels à projets sur les technologies alternatives et sur les usages permettent de dessiner le paysage de la France de demain, il est urgent de ne pas oublier ceux qui ont une précieuse expérience sur les usages ruraux pour ne pas agrandir la fracture numérique.

Michel Alonzo

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