Carl Franklin : « Les radios devraient être attirées par le podcasting »

Carl Franklin est l’un des pionniers du podcasting. Il produit notamment – depuis août 2002 – « .Net Rocks« , une émission hebdomadaire diffusée sous la forme de podcasts audio et destinée aux développeurs informatiques. Il est également fondateur et PDG d’une start-up nouvellement créée, Pwop Productions, qui propose des services divers dans le domaine du podcasting : enregistrement, édition, production, retranscription de programmes audio diffusés via RSS.
(Cette interview vient compléter notre dossier sur le podcasting)

InternetActu.net : Vous êtes un acteur du domaine du podcasting depuis un certain temps. Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans son évolution récente ?

Carl Franklin : Je suis stupéfait de la vitesse à laquelle les gens s’y mettent. De nouveaux podcasts surgissent de partout !

InternetActu.net : Vous avez lancé récemment une entreprise, Pwop, spécialisée dans le podcasting. Quelle est votre cible ? Avez-vous le sentiment que le podcasting est déjà en train de quitter la sphère amateur ?

Carl Franklin : Oui, c’est certainement la voie vers laquelle nous allons, et je trouve cela très excitant. L’une des choses que je trouve prometteuse est que mon entreprise, Pwop Productions, produit des talk-shows sous forme de podcasts pour des entreprises comme Microsoft. Au début, j’étais l’un des seuls à pratiquer le podcasting dans un contexte professionnel et commercial, mais maintenant beaucoup d’autres sont en train d’étudier les possibilités du podcasting en tant que média.

Ceci étant dit, je ne pense pas que les amateurs vont cesser de produire des podcasts. C’est ce qui fait l’essence de la culture du podcasting. Les technologies qui permettent de s’enregistrer et de publier soi-même sont vraiment bon marché et simples. Ce qui reste difficile, c’est d’enregistrer des gens au téléphone ou de créer des émissions où chaque intervenant se trouve à un endroit différent, tout en conservant une bonne qualité de son. Nous sommes parvenus à le faire avec nos « Mondays« , mais ce n’est pas trivial. Les aspects logistiques ne sont pas négligeables : c’est l’un des services que nous essayons de proposer dans Pwop.

La fiabilité constitue une autre raison de payer pour bénéficier de services en matière de podcasting. Quand quelqu’un produit pour vous sur la seule base de sa bonne volonté, pouvez-vous réellement vous plaindre s’il ne tient pas les délais, ou décide d’arrêter sans prévenir ?

InternetActu.net : Selon vous, comment les médias traditionnels (et au premier chef les radios) doivent-ils réagir au podcasting ? Vous attendez-vous à les voir produire leur propres podcasts, en utilisant RSS pour permettre à leurs auditeurs d’accéder à des programmes radios « à la demande » ? Ou pensez-vous que certains essayeront de syndiquer des podcasts produits par des blogueurs indépendants ?

Carl Franklin : Je ne crois pas que les radios seront intéressées par l’idée de syndiquer du contenu produit par d’autres. Elles ont le contenu et devraient plutôt être attirées par le podcasting comme nouvelle façon de diffuser leur contenu vers leurs auditeurs. Ce serait très simple pour elles, en particulier pour les réseaux de radios publiques qui produisent des talk-shows.

L’avenir est clairement dans la voie d’une diffusion de type Tivo utilisant l’internet, RSS et un protocole de type BitTorrent. Sans un dispositif P2P, le podcasting ne peut pas vraiment prendre d’envergure. Adam Curry et moi l’avons bien compris, à nos dépens. Je l’ai souvent entendu décrire dans son show combien son serveur saturait, et cela nous est arrivé aussi. Quand des milliers d’utilisateurs téléchargent simultanément un gros fichier, le serveur s’étouffe, même si vous avez beaucoup de bande passante. Nous avons alors imposé l’utilisation d’un client BitTorrent pour écouter nos programmes, et le problème était résolu. Avec BitTorrent, plus il y a de gens qui téléchargent et plus c’est rapide pour tout le monde. Résultat : l’auditeur obtient le fichier plus vite et cela vous coûte moins cher.

InternetActu.net : Selon vous, les podcasts vont-ils plutôt évoluer principalement vers des programmes « parlés » ou plutôt vers un nouveau mode de diffusion de la musique ?

Carl Franklin : Je ne sais pas vers quel « style » le podcasting va évoluer et les spéculations sont hasardeuses en la matière. Je m’intéresse davantage au bénéfice technologique : les consommateurs s’abonnent à un contenu numérique et quand quelque chose de nouveau est disponible, il se télécharge de façon automatique. C’est donc très simple.

Avec cette technologie, je peux imaginer une application sous la forme d’un logiciel client installé sur l’ordinateur de ma mère, qui surveille un répertoire contenant les photos de mes enfants, hébergé sur mon serveur web. Dès que je place une nouvelle photo dans ce répertoire, celle-ci se met en fond d’écran sur l’ordinateur de ma mère. Pour reprendre l’analogie avec Tivo, on pourrait aussi avoir un groupe de journalistes vidéastes à différents endroits du monde, qui placent leurs vidéos sur mon serveur FTP, à partir duquel celles-ci pourront être distribuées à tous les internautes. Je pourrais aussi utiliser le procédé pour permettre à un éditeur de logiciels d’assurer que ses produits sont toujours à jour sur les ordinateurs de ses clients. Il ne s’agit donc pas seulement de blogging audio. La technologie consiste en un processus de distribution syndiquée de contenus numériques, qu’il s’agisse de sons, d’images, de vidéos, d’applications ou même de livres au format numérique.

InternetActu.net : La publicité au sein des podcasts intéresse-t-elle les agences de publicité et de marketing ?

Carl Franklin : D’après mon expérience, un bon moyen de gagner de l’argent est de commencer à produire du contenu gratuit, de le faire pendant longtemps jusqu’à avoir une communauté d’utilisateurs fidèles, et alors seulement d’inviter des annonceurs à participer. Ce modèle où l’on donne gratuitement fonctionne et tout le monde peut s’y essayer. Bien sûr, il y a un risque mais si vous ne tentez rien, il y a peu de chance de réussir.

Je pense que beaucoup essaient de gagner trop et trop vite avec ce type de modèle, et c’est pourquoi ils échouent. Je suis à l’aise avec le fait de gagner un peu d’argent ici ou là sans être trop intrusif avec mes auditeurs. En retour, ceux-ci me restent fidèles. Pour ma part, je n’écoute plus du tout les radios ou TV traditionnelles parce que leur rapport signal/bruit est trop faible. Je crois, en particulier si vous vous adressez à une audience éduquée, que l’excès de publicité vous nuit. Sur le programme « .Net Rocks », nous diffusons des publicités radios « à l’ancienne ». C’est-à-dire que c’est moi que parle d’un produit sur un fond musical. C’est facile de ne pas l’écouter si vous le souhaitez et pourtant beaucoup de gens l’écoutent. Cela semble fonctionner et les gens apprécient la musique aussi.

Mon conseil aux podcasteurs qui veulent gagner de l’argent est donc : privilégiez une croissance lente et visez le long terme. Etablissez des accords avec des sponsors et donnez-leur beaucoup au début dans le but de les conserver sur la distance. Ne soyez pas trop gourmands et ne cessez jamais d’écouter vos programmes avec les oreilles de vos propres auditeurs. Et essayez d’avoir la plus large audience possible.

(Propos recueillis par Cyril Fiévet)

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0 commentaires

  1. Bonjour Cyril,

    j’ai rencontré ce soir Pierre Orsatelli de la FING. Je lui ai parlé des skypecast que Blogperformance réalise en interviewvant des chefs d’entreprise et il m’a proposé de m’inscrire au carrefour des possibles. J’aurais aussi aimé que tu puisse parler de ce nous développons sur un article.

    Merci Cyril.

  2. merci de cet article (un de plus) très intéressant.
    je ne partage pas l’avis de Carl au sujet de la difficulté d’enregistrer des conversations téléphoniques et de les podcaster. Blogperformance (ci-dessus) et le podcasteur de Bertrand Lenotre sont deux exemples d’utilisation de skype dans ce sens. Et j’espère les rejoindre bientôt pour l’émission ecotalk dont je fais le blog: http://www.ecotalkblog.com
    Je ne suis pas d’accord non plus au sujet de la syndication de contenu, au moins en ce qui concerne les USA.
    Il y a en fait ici une pénurie (pour le moment) de contenu et une pénurie artificielle des fréquences radio traditionnelles. Mais cette pénurie va exploser avec le digital broadcast et le net. La question pour les operateurs traditionnels dont le business model est lié à beaucoup de pub est où trouver de nouveaux programmes/contenus peu couteux alors que les recettes publicitaires auxquelles nous sommes habitués n’existent pas?
    On va vers une explosion de nouveaux contenus.
    D’accord avec son idée de service offert pour accompagner la production. Voir blogperformance, le podcasteur et bien d’autres j’imagine.
    Take care