Internet et innovation : « innovation de services, clients et usagers »

Dans le cadre de l’Université de printemps de la Fing qui s’est tenue à Aix-en-Provence les 8, 9 et 10 juin 2005, InternetActu.net vous propose une série de compte rendus synthétiques d’une sélection d’ateliers et de plénières. Pour nos lecteurs désirant aller plus loin, les enregistrements vidéos sont disponibles en ligne.

Un service se construit toujours avec ses usagers. Mais il n’en découle pas nécessairement qu’il se conçoive avec ses usagers potentiels.
Pourtant, l’internet semble modifier pour partie cette situation : parce que la boucle de rétroaction entre innovation de service et retour des usagers est à la fois beaucoup plus courte et autorise, au moins du point de vue quantitatif, une plus grande précision d’analyse ; parce que sur certains types de services, les utilisateurs disposent de possibilités plus larges que celles qui consistent à adopter ou ne pas adopter une innovation : la détourner, la modifier, etc. ; enfin, parce qu’un service numérique peut plus facilement qu’un autre être personnalisé, contextualisé, habillé de mille manières différentes et aussi modifié en fonction des retours. Cela ouvre la voie à une co-construction progressive avec les usagers – une démarche que l’industrie du logiciel connaît bien avec ses versions alpha, bêta, 1.015, etc.

D’autres démarches émergent également comme celles consistant à co-construire, dès le départ, le service avec certaines communautés d’utilisateurs. D’autres encore font des usagers, de leurs interactions, de leur expression, le moteur même d’une innovation de service : c’est par exemple le cas des systèmes de recommandation ou de filtrage collaboratif popularisés par Amazon ou eBay, ou encore de l’extraordinaire développement des Skyblogs.

L’objet de l’atelier était donc d’explorer les démarches d’innovation de service, dans l’internet, qui se fondent sur de nouvelles formes d’interaction avec les usagers (réels ou potentiels) et d’utilisation de leurs retours, ou de leur créativité, dans ce que l’on peut qualifier de « servicisation de l’économie », quelles que soient les appellations choisies…

Le « monde des services » dans l’internet : des interpénétrations de métiers surprenantes…

André-Yves Portnoff (Futuribles) part d’un double constat : d’une part, l’hyperchoix rend la distinction entre services et produits de moins en moins opérante ; d’autre part, la technologie transforme les conditions de production de services (ou de produits…).

Le client n’achète somme toute que du plaisir. Dit autrement, c’est le client qui a le dernier mot et qui choisit : qu’on lui dise que le CD est un objet mais que par contre, le MP3 est un service, n’a que peu de sens ; pour lui, c’est la même chose, c’est un même marché censé satisfaire une même demande : le plaisir d’écouter de la musique. Off-line ou on-line, le métier des « fournisseurs », « distributeurs » ou « prestataires » est le même, celui de donner accès à la musique que l’on souhaite. Le service nait de l’empathie entre une offre et les attentes (latentes) des utilisateurs-clients, la valeur réside dans la capacité à produire et traduire cette rencontre.

Mais c’est aussi en amont de cette rencontre que le numérique favorise l’émergence de nouveaux modèles d’affaires. On pense par exemple au lien « collaboratif » entre des grands distributeurs tels que WalMart et ses fournisseurs. Ou encore à Dell qui, ne produisant que ce qu’il a déjà vendu, à partir de composants standardisés, est à même de personnaliser chaque produit (ce qui revient à vendre un service autant qu’un ordinateur). S’agit-il d’un commerçant qui gère de la production ou d’un industriel qui fait du commerce ?

De telles entreprises deviennent des « orchestrateurs d’activités », qui exploitent leur relation directe avec le client et organisent en amont la réponse aux demandes formulées par le client. Dans ce contexte, l’internet sert à faciliter les interactions tout au long de la chaîne : c’est dans cette interaction, et dans l’interpénétration des métiers qu’elle produit, que réside l’innovation.

Enfin, derrière tout cela, André-Yves Portnoff insiste sur le fait que le client prend de plus en plus d’importance dans ces processus de co-conception. Comme le rappelait Serge Soudoplattoff, « il peut y avoir 100 000 client mécontents mais maintenant, chose nouvelle, ils savent qu’ils sont 100 000 et de ce fait, ils représentent une capacité importante de mobilisation ». C’est là fondamentalement un apport de l’internet, en tant qu’outil de coalition. Ce type de client décideur va assurément prendre sans doute de plus en plus de poids…

Amazon, Meetic ou comment utiliser le pouvoir que la technologie donne au client

Cécile Moulard – aujourd’hui directrice marketing de Meetic, après avoir participé à l’aventure Amazon – rappelle que le rôle de l’utilisateur dans les services en ligne n’a pas fondamentalement changé. Ce qui a changé, ce sont plus les différents moyens dont on dispose pour le comprendre et l’exploiter.

C’est en partie sur ce constat que ce sont bâtis les succès d’Amazon, et plus récemment de Meetic. Dans les deux cas, l’idée de leurs créateurs ne consistait pas à partir de la technologie, mais bien d’un business model : comment utiliser les TIC pour créer de la valeur ? L’intuition était de penser que la technologie donnait du pouvoir au client et que c’est ce pouvoir qu’il fallait utiliser, en cherchant à impliquer le consommateur dans la production de valeur.

Amazon mobilise ainsi l’énergie de ses clients de toute une série de façons : passive (le filtrage collaboratif), active (les commentaires de produits écrits par les clients eux-mêmes), et au-delà (via l’affiliation et les web services), en permettant à d’autres de construire leurs propres services appuyés sur la base de données et le système de vente d’Amazon. Le choix initial de vendre des livres était donc une simple facilité : le métier d’Amazon est de gérer des clients. Le client est l’obsession d’Amazon : le service clients est consulté pour toute innovation, tout choix stratégique. Il a aussi pour charge de remonter, non seulement les réclamations, mais aussi les suggestions des clients qui font partie du processus d’innovation.

Dans le cas de Meetic,, le client est la source unique de création de valeur, il est la matière première et le produit fini. La difficulté provient cependant qu’en principe, quand ce client a obtenu ce qu’il veut (disons, une âme soeur), il s’en va… Aussi Meetic cherche-t-il à faire de ses clients des ambassadeurs, à prolonger le réseau.

Meetic est une sorte d’innovation sociale. Celle-ci touche des choses profondes et l’entreprise y fait très attention. Mais la demande est forte, l’attachement des utilisateurs aussi. Le fait qu’il existe une dimension commerciale ne leur pose pas de problème dès lors que le service est rendu et que l’éthique est respectée.

Pour Frank Beau, il y a bien une forme d’innovation, notamment sur le plan des modèles économiques. Mais peut-on pour autant parler d' »innovation sociale » ? Dans le cas de Meetic, les services ne permettent pas aux usagers de dialoguer de manière transversale, d’échanger sur le service en lui-même et la satisfaction qu’ils en retirent ou non. C’est notamment pour cette raison que les utilisateurs se sont mis à échanger sur leurs pratiques par le biais de canaux parallèles et pour le moins inattendus, comme c’est le cas de forums de sites tels que (« jeniquecestmythique« ) où des internautes bloguent sur leurs rencontres, leurs succès ou leurs déconvenues…

Nouvelles prophéties du bonheur ?

Enfin, cet atelier a mis l’accent sur les représentations que peut avoir l’utilisateur de réseaux sociaux tels que Meetic, en mettant en lumière une notion renouvelée de « recherche du bonheur ». On passerait ainsi d’une société du bien-être à une société du bonheur. Il peut y avoir une dimension prophétique dans une telle approche, et celle-ci entraîne une responsabilité particulière.

Pour Alain d’Iribarne, cette idée de bonheur a une traduction économique. Les moteurs sont le raccourcissement du temps, la société de solitude, la déliquescence des constructions collectives (qui conduisent à demander à des entreprises de reconstruire du lien à partir des singularités, au coût le plus bas possible) et pour les entreprises, la possibilité de faire payer le client avant de fournir le service. Une nouveauté est qu’à l’inverse du modèle industriel dans lequel il s’agit de rapprocher la norme de production avec la norme de consommation, dans les modèles décrits ici, l’idée est plutôt de créer la norme de consommation et la norme de production se produisent en même temps…

En guise de conclusion, Jacques-François Marchandise formule quelques parallèles entre les exemples évoqués lors de l’atelier et d’autres formes de services.

Un constat fort est celui de la personnalisation croissante, voire de l’individualisation du service. Cette vision soulève de fortes interrogations sur la disparition de lieux communs où l’on échange, et que l’on a du mal à réinventer. Autrement dit, la place de l’imprévu est fortement réduite et porte en elle une certain dose d’inquiétude, en mettant en lumière des externalités négatives en termes de désolidarisation.

En second lieu, il faut s’interroger sur la place de l’intermédiation dans de tels systèmes qui s’adressent directement à l’utilisateur. De fait, certains intermédiaires disparaissent, mais d’autres se réinventent et y trouvent de nouvelles formes de valeur ajoutée. Dans un autre domaine, c’est par exemple le cas avec les modalités « multicanal » d’administration électronique et la complémentarité entre lieux d’accès physiques et points d’accès en ligne.

Enfin, toujours en lien avec l’e-administration, on peut formuler l’hypothèse que le secteur public pourrait sans doute s’inspirer de ces systèmes qui intègrent en continu la voix des utilisateurs, comme partie prenante du service.

Renaud Francou

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  1. a chaque foi j veut chatter avec une personne on me dit que cette fennetre n est pa faite pour que j ai une autre fennetre pour ça soit disant une fennetre prinçipale mais la qu elle j ne sais pas veiullez vous me dire la quel?