ProspecTIC 2010 : L’utilisateur-producteur, seul ou accompagné

Lire et commenter le quinzième chapitre de ProspecTIC 2010 : L’utilisateur-producteur, seul ou accompagné.

En synthèse : l’utilisateur-producteur

  • Importance durablement dominante des pratiques et outils de communication dans les usages des réseaux.
  • Création d’usages, voire de produits par les utilisateurs eux-mêmes.
  • Croissance, élargissement, approfondissement et diversification des pratiques coopératives en réseau.

En intégralité

Au-delà des « contenus « , il est frappant de constater qu’aucun des usages dominants de l’internet (fixe et mobile) n’a, à l’origine, été inventé par les grands acteurs du secteur : ils proviennent soit d’innovation issues de petites start ups (ICQ pour la messagerie instantanée, eBay), soit d’utilisateurs ou de groupes d’utilisateurs qui ont bâti les outils dont ils avaient besoin (Napster, ou d’une certaine manière, le web et le courriel), soit encore de détournements d’usages (le SMS).

L’échange et la communication continuent de tirer la croissance des télécommunications en général, et de l’internet en particulier. Malgré l’afflux de spams et de virus, le courriel demeure pour l’instant le premier usage de l’internet à domicile comme au travail. Les jeunes (et désormais les moins jeunes) plébiscitent la messagerie instantanée. Et bien sûr, le téléphone – qui bascule progressivement sur l’internet – continuera de jouer un rôle essentiel, notamment en mobilité. Le P2P lui-même relève, au moins pour partie, des pratiques communautaires et de communication, comme le démontre clairement le sociologue Jean-Samuel Beuscart. Bien sûr, les loisirs numériques, l’information, le commerce électronique, connaissent une croissance rapide, mais leur part dans le trafic de l’internet et surtout, dans sa dynamique de croissance, dans la motivation de ses utilisateurs, reste limitée. Pour ses utilisateurs, l’internet est une infrastructure de communication avant d’être un média ou un canal de distribution, même s’il est aussi cela.

Invention d’usages, création d’outils, de service et de contenus, échanges interpersonnels : les utilisateurs de l’internet sont aussi des producteurs. Ils le sont à titre individuel, mais aussi, désormais, en groupe. Le réseau a donné naissance à des formes de production coopérative d’une ampleur sans précédent. Cette « intelligence collective » à l’échelle de l’internet se manifeste de diverses manières : dans l’élaboration des standards de l’internet soi-même (IETF) ; dans la construction coopérative de logiciels libres ou de ressources d’information de référence (Wikipedia) ; dans l’alimentation collective de sites communautaires tels que Slashdot ; dans les « systèmes de réputation » qui fondent la confiance entre les utilisateurs d’eBay, ou l’évaluation des ouvrages par les lecteurs d’Amazon ; et bien sûr dans l’existence de nombreuses communautés en ligne.

Ce modèle « coopératif » n’émerge pas du fait d’une quelconque supériorité morale, mais simplement parce que, dans un monde entièrement connecté, la coopération devient une stratégie rationnelle dans un nombre de croissant de situations. Au point que le modèle s’étend même au-delà des coopérations humaines : les machines, les robots, les objets, les agents intelligents et les logiciels coopèreront de plus en plus pour fournir un service global à la demande. L’émergence de « briques techniques » de la coopération dans le traitement (grid), le routage (ad hoc), l’échange de fichiers (P2P), les logiciels (web services), les agents, les robots etc. – produit en définitive une vision convergente : pour atteindre un objectif, un système (objet, agent logiciel, machine avec certaines ressources…) saura détecter les ressources disponibles dans son environnement, négocier avec les détenteurs de ces ressources et coopérer avec eux pour réaliser les tâches nécessaires.

Contrairement à ce que l’on pouvait penser, l’importance des pratiques communautaires et collaboratives n’a pas décru à mesure que l’internet s’étendait au-delà des populations de pionniers et de techniciens. Il est probable que cette tendance continuera de s’exprimer sur l’internet tel qu’il devient, omniprésent, « pervasif » et mobile, et qu’elle entraînera des conséquences significatives sur l’organisation de certains secteurs économiques, les modes de management, ou encore, la décision publique.

Venez réagir et collaborer à ProspecTIC 2010, l’exercice de prospective de la Fing et de l’Irepp.

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