La numérisation des livres sur le web va-t-elle réécrire le droit d’auteur ?

Les efforts de Google et d’Amazon pour transformer des millions de livres en données numériques pouvant être indexées, recherchées, consultées de n’importe où et vendues à l’extrait, pourraient-ils redéfinir le droit d’auteur ?, s’interrogent les experts de Wharton. L’action en justice intentée à l’encontre de Google par la Guilde des auteurs et l’Association des éditeurs américains pourrait-elle amener la justice à préciser ou redéfinir les limites du copyright ?

Le service Google Books Search (ex Google Print) pose de nombreuses questions irrésolues : viole-t-il les lois sur le copyright si l’utilisateur final ne peut accéder qu’à un extrait du livre lors de sa recherche ? Est-ce que cela crée une différence si le livre n’est plus édité, même s’il est toujours sous copyright ? Google doit-il requérir la permission des éditeurs plutôt que d’offrir une solution qui permet à l’éditeur de demander à posteriori à ce qu’un de ses ouvrages soit retiré des bases de données ? Les lois sur le copyright écrites pour du matériel imprimé demeurent-elles encore valides à l’ère numérique ?

Susan Wojcicki, responsable « produits » de Google, défend la position de sa société en rappelant que Google ne montre qu’un bref fragment de texte, là où le terme recherché apparaît, et y ajoute des références bibliographiques ainsi que plusieurs liens vers des vendeurs de livres en ligne et des bibliothèques. Selon elle, Google respecte le copyright.

Pour Patricia Schroeder, présidente de l’Association des éditeurs américains, qui poursuit Google en justice, un « fragment » n’est pas un terme légal et peut s’interpréter autant comme une citation que comme un chapitre complet. L’argument de Google selon lequel les éditeurs peuvent botter en touche n’est pas recevable, ajoute-t-elle. « La loi ne dit pas qu’un auteur ou un éditeur peut choisir. Elle dit que vous devez obtenir une permission avant de faire une copie. Si la politique de l’opt-out devenait la norme, la charge serait sur les éditeurs qui devraient surveiller les usages pour protéger leurs copyright, un fardeau qui deviendrait rapidement ingérable.

Alors qu’il a annoncé depuis peu un programme assez proche du Google Book Search avec « Pages » (qui permet d’acheter en ligne des extraits d’un livre) et « Upgrade » (qui permet au client ayant commandé un livre physique d’avoir accès en permanence et en intégralité à sa version numérisée), Amazon n’a pas subi les mêmes foudres de la part des auteurs et des éditeurs. L’approche d’Amazon est plus conforme avec les notions traditionnelles de la propriété intellectuelle, avoue Dan Hunter, professeur d’éthique des affaires à Wharton. « Dans l’esprit de Google, ce qu’ils font est positif pour la société comme pour eux, et ils sont donc prêts à prendre des risques même s’ils soulèvent l’ire des auteurs. Amazon entretient une relation beaucoup plus proche avec les éditeurs, et par conséquent sa position suscite bien moins d’objections. »

En attendant, cette affaire pourrait bien aller jusqu’à la Cour Suprême, ce qui signifie qu’il faudra au moins deux ans avant de connaître la réponse, remarque le professeur Kevin Werbach.

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