La Commission européenne redéfinit les investissements en R&D

Les entreprises européennes envisageraient d’augmenter leurs investissements en R&D d’environ 5 % par an au cours des trois prochaines années. Pour la Commission européenne, qui a sondé 449 entreprises de dix grands secteurs industriels, il s’agit là d' »une hausse considérable. Si ces prévisions sont respectées, ce serait la première fois depuis plusieurs années que les entreprises européennes rivaliseraient avec leurs homologues américaines sur le plan des investissements dans la R&D« .

Des chiffres à manier avec précaution : si les entreprises interrogées (1) représentent au total près de 30 milliards d’euros d’investissement en R&D, « soit un pourcentage significatif de l’investissement européen dans la R&D« , les secteurs de la chimie d’une part, de la pharmacie et des biotechnologies d’autre part, totalisent à eux seuls près de 60 % des investissements de toutes les sociétés sondées. A défaut de chiffres concernant le secteur des NTIC en général, on apprend que les entreprises de matériel informatique, qui avaient enregistré la baisse la plus importante de tous les secteurs (-13 % entre 2001 et 2004 en Europe, et -3 % dans le reste du monde), prévoient d’augmenter leurs investissements d’un peu plus de 2 % seulement dans les années à venir.

En tout état de cause, pour la Commission, « l’enquête confirme la thèse selon laquelle les entreprises préfèrent encore mener leurs activités de R&D dans leur pays d’origine« . On notera cela dit que l’indice de popularité des pays comme lieu d’implantation des investissements en R&D place les Etats-Unis largement en tête des suffrages, suivis de l’Allemagne puis de la Chine, du Royaume-Uni, de l’Inde, la France n’apparaissant qu’en 6e position, largement devant les autres pays européens ou encore le Japon.

On apprend également que « le coût salarial des chercheurs, souvent cité comme un facteur important, semble n’avoir qu’une faible influence sur la décision » d’implantation de la R&D, qui dépend surtout de l’accès aux marchés, de la disponibilité de chercheurs qualifiés, de la stabilité politique et macroéconomique et des opportunités de coopération.

Les entreprises sondées estiment majoritairement que la R&D doit être financée sur fonds propres, bien plus que par le biais d’incitations fiscales et autres subventions publiques. Elles sous-traitent en moyenne 18 % de leurs activités de R&D (25 % de la R&D pharmaceutique et biotechnologique, mais seulement 5 % de la R&D informatique), près des 2/3 de ces activités étant confiés à d’autres entreprises et 1/3 à des organismes publics de recherche.

Janez Potocnik, commissaire européen chargé de la science et de la recherche, qui annoncera « de nouvelles idées » à l’automne prochain, n’en conclut pas moins que « pour atteindre notre objectif de 3 % du PIB investis dans la recherche et le développement, le secteur privé doit accroître ses investissements« .

Investissements ≠ financements

Un autre rapport de la Commission européenne, rendu public début septembre, donne à ce titre une vision éclairante de la notion d’investissement. Intitulé RICARDIS (pour « Reporting intellectual capital to augment research, development and innovation in SMEs », ou « Evaluer le capital intellectuel pour enrichir la recherche, le développement et l’innovation des PME »), il recommande d’intégrer les données relatives au « capital intellectuel » au bilan des petites et moyennes entreprises et donc d’y intégrer, par exemple, les projets innovants, mais aussi les méthodes managériales, plutôt que de se contenter des seules données financières.

Le groupe d’experts réuni par la Commission définit le capital intellectuel comme « la combinaison des ressources et activités humaines, organisationnelles et relationnelles d’une organisation, qu’il s’agisse des connaissances, des compétences, des expériences et des aptitudes de leurs employés, de ses activités de R&D, de ses procédures, systèmes, routines et bases de données, de ses droits de propriété intellectuelle, et de ses clients, fournisseurs et partenaires de R&D« .

L’inscription du capital intellectuel dans les bilans d’entreprise répondrait à deux objectifs. En interne, elle permet d’améliorer le développement et l’allocation des ressources, de mieux définir la stratégie et les priorités, d’affiner la perception des résultats et, donc, d’améliorer la prise de décision. En externe, elle améliore et développe la communication avec les partenaires, et donc le potentiel d’attraction de ressources financières et humaines.

Les racines du capital intellectuel

Dans une série de tests, les experts se sont ainsi aperçus que les analystes disposant de données relatives au capital intellectuel des sociétés étaient bien plus enclins à recommander un titre à l’achat que ceux qui ne disposent que des seules données financières. L’absence de mesure du capital intellectuel contribuerait ainsi aux difficultés rencontrées par les PME dans leurs rapports avec les banques et autres investisseurs.

Le rapport, qui recense un certain nombre de tentatives internationales de définir, et de gérer, le capital intellectuel, propose de mettre en place un standard européen, puis international, afin de s’en servir comme critère d’attribution des subventions publiques, mais aussi de financement de la recherche par les banques et le secteur privé.

De quoi donner du grain à moudre à la Commission sur l’économie de l’immatériel mise en place par Thierry Breton en mars dernier et dont l’une des missions est précisément de « contribuer à concevoir une véritable politique d’évaluation et de gestion du patrimoine immatériel public, en citant les exemples des licences, brevets, fréquences, bases d’information et savoir-faire dont l’État est détenteur« .

Le ministre notait alors à ce titre que « si le passif public de la France est maintenant bien connu de nos concitoyens grâce aux travaux de la Commission présidée par M. Pébereau sur la dette publique, la commission présidée par M. Lévy devra pour sa part permettre de mieux identifier et valoriser ceux de ses actifs qui sont les moins connus » Un rapport définitif devrait être remis au ministère pour le 30 septembre prochain.

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1. Les entreprises sondées se décomposent par grands secteurs industriels comme suit : automobiles et pièces détachées (21), industrie chimique (143), équipements électroniques et électriques (19), ingénierie et machines (93), industrie de production et de transformation des denrées alimentaires (18), santé (22), matériel informatique (11), produits pharmaceutiques et biotechnologies (81), sidérurgie et autres métaux (21), et services d’appui à la R&D notamment en matière pharmaceutique et biotechnologique (20).

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