Les Français et leurs mobiles

L’association française des opérateurs mobiles (Afom) vient de publier une étude (.pdf) sur le téléphone mobile dans la société française en 2007, plutôt intéressante. Cette étude, qui poursuit le travail amorcé depuis 2005 par l’Afom avec le livre Mobile Attitude, a été réalisée par un groupe de chercheurs du Gripic, pilotée par Anne Jarrigeon et Joëlle Menrath, et met en lumière la maturité de notre relation au mobile :

  • Les pratiques collectives et collaboratives se développent. Les téléphones mobiles sont de plus en plus des objets qui circulent dans le groupe : son propriétaire n’en est plus le seul utilisateur. Parallèlement, on voit apparaître des choix collectifs d’opérateurs ou de forfaits pour optimiser les coûts au sein d’un groupe. Cela donne lieu à une définition des rôles et des affinités : de « l’expert » qui aide ses amis en difficulté, au « banquier » qui dispose d’un forfait conséquent en passant par la figure du « taxeur » qui emprunte sans cesse.
  • Les relations au téléphone mobile sont ambivalentes et changeantes. Objet « signature » auquel on s’attache et objet éphémère, le mobile est aussi une boîte noire intime dont on gère les visites et les possibles intrusions : pour l’adulte il sert d’album photo, pour l’adolescent, il y expose ses collections (images, sonneries, etc.).
  • De nouvelles convenances se stabilisent. Raccrocher brutalement ou ne pas répondre ne sont plus considérés comme des impolitesses. Face aux nombreux règlements qui limitent ou contrôlent l’usage du téléphone, souvent transgressées, les pratiques s’autorégulent. L’exemplarité fonctionne mieux que l’interdit : « Décider de ne pas utiliser son mobile quand on est en vacances, à table, en réunion, en famille… est souvent la meilleure façon de dissuader les autres de l’utiliser. »
  • Le mobile est de moins en moins un objet individualiste. Son usage exaspère moins qu’il y a quelques années. Il offre des ressources pour agir et réagir et les comportements collectifs et collaboratifs s’y développent.
  • Les images mobiles renouvellent les pratiques de la photo et du film amateur. Images précaires que l’on fait circuler et que l’on n’imprime pas, les images prises depuis nos mobiles servent à se fabriquer des souvenirs et prouver que l’on a bien vécu un évènement.

Le mobile de 2007 n’est finalement plus tout à fait le même que celui de 2005, concluent les auteurs de l’étude :

« Sa présence aujourd’hui massive et apparemment irréversible, dans toutes les sphères de la société aurait pu laisser imaginer une forme de banalisation ou de neutralisation de ses usages. Il n’en est rien. (…) Si les usages désormais classiques du mobile sont plus stables qu’ils ne l’étaient en 2005, ils cohabitent avec des usages nouveaux, liés aux innovations techniques et à leur appropriation par les utilisateurs, ou véritablement créés dans la pratique.

(…) Ce qui nous a frappé, c’est que le mobile n’a pas ‘éclaté’ sous l’effet des greffes successives de nouvelles fonctions, mais continue de faire sens comme un ‘téléphone’, alors même que les gens l’utilisent de manière plurielle. Cela va même plus loin : le portable n’est plus tout à fait conçu ni ‘vécu’ comme un couteau suisse ou un agrégat de fonctions juxtaposées mais bien réinventé à chaque usage comme un objet plein : une machine à écrire des SMS, un appareil photo, une messagerie vocale… C’est un objet doté d’une capacité de métamorphose. Articulé aux autres objets avec lesquels il fait « système », le mobile semble aujourd’hui faire partie d’une panoplie « augmentée » d’objets communicants, comprenant les objets des autres (…). La recherche d’effets sur l’autre semble aujourd’hui plus importante qu’une quête d’optimisation des performances et des complémentarités des différents outils. »

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