Demain les mondes virtuels (2/11) : Des univers limités

Des univers limités par la bande passante et la conception

Le premier goulot d’étranglement qui s’oppose à une extension massive des mondes virtuels est la lourdeur du système client serveur. En moyenne, un serveur Second Life est capable de gérer les mouvements d’une quinzaine de personnes. Cela fait de la Réalité virtuelle (RV), du moins lorsqu’elle est multi-utilisatrice, l’affaire de grosses compagnies. Selon la Technology Review, « Linden Lab doit acheter et installer plus de 120 serveurs par semaine pour intégrer les nouveaux membres qui accroissent la demande en calcul lorsqu’ils créent de nouveaux objets ou veulent acquérir leur propre terrain ». 120 serait un chiffre largement exagéré selon certains, mais le nombre reste probablement très important.

Cela limite, semble-t-il, la création d’univers virtuels à des sociétés capables de se lancer dans d’assez gros investissements…

Une technologie comme celle de Croquet, un logiciel pour la création et le développement d’environnements pour mondes virtuels, pourrait démocratiser quelque peu le processus. Ce système tout à fait original repose en effet sur une technologie peer to peer. Chaque monde développé avec Croquet se situe sur un ordinateur particulier, et le calcul est distribué entre les machines : pas de « gros serveur » centralisant les données de nombreux visiteurs, chacun gère son espace virtuel et les informations partagées sont « répliquées » entre les machines. Une bande passante très faible est suffisante pour cela.

croquetporte.jpgLes différents « mondes sont reliés entre eux par des portails, et il possible de « téléporter » son avatar d’un monde à l’autre en le faisant traverser un de ces portails, dans la grande tradition de la science fiction série B, école Stargate SG-1 !

Mais Croquet est bien plus qu’un simple environnement virtuel : c’est un système d’exploitation conçu comme une environnement collaboratif et tridimensionnel, disposant d’un langage de programmation puissant (Squeak, issu de Smalltalk) ; il est ouvert à la création d’une multitude d’applications. Par exemple, il devrait être possible de concevoir et modéliser un objet 3D à plusieurs. A l’origine du projet, on trouve en autres Alan Kay qui fut l’un des cerveaux du Xerox Parc, l’un des inventeurs du micro-ordinateur moderne. Croquet est de surcroit gratuit et open source.

Mais ici encore, il faut faire la différence entre la technologie et le comportement humain qui en découle. Les mondes virtuels sont avant tout des métaphores. Second Life en est une très simple : c’est une grosse planète, avec des coordonnées fixes et une cartographie. Lorsque deux personnes veulent se voir dans Second Life, il leur suffit de se donner rendez-vous en tel ou tel lieu, comme ils le feraient dans le monde physique. L’un des participants au rendez-vous peut être absent, mais au moins sera-t-on sûr de retrouver le lieu. Second Life est littéralement un « web3d » : les internautes voyagent au coeur d’une géographie (relativement) fixe, où des coordonnées remplacent des urls.

Croquet est un monde virtuel d’une nature différente. Son modèle n’est pas le Web, mais les applications pair à pair, comme Emule… Avec ces programmes, rien n’est fixe, l’environnement accessible est constitué par les internautes branchés simultanément. Contrairement au Web, on a du mal à imaginer de tels réseaux ad hoc comme des « espaces ». La configuration de l’univers est chaque fois différente, dépendante de la connexion entre les machines présentes sur le réseau. Un « monde » peut disparaître tout simplement par ce que son possesseur aura décidé d’éteindre sa machine… Avec ses mondes isolés, mais reliés par des « portails » qui peuvent ou non aboutir à leur destination, avec une géographie en constant flux, Croquet ne ressemble en rien à une « seconde terre« .

Peut être considèrera-t-on cet aspect fluctuant de Croquet comme une limite. Et si c’était plutôt l’annonce d’un véritable changement de nos conceptions ? Dans un article du blog Terra Nova, « Mort à Snow Crash« , Mike Sellers (qui ne mentionne pas Croquet) dénonce une réalité virtuelle « à la papa », prenant la forme d’un monde unique que visitent une multitude d’avatars : « La centralisation n’est pas le futur. Plutôt que faire entrer le web dans une espèce de Metavers unique, (…), nous ferions mieux de réfléchir au futur d’une multitude de mondes distribués, certains grands et certains petits, parfois en 3D et interactifs, d’autres fois en 2D et en lecture seule, et comment ceux-ci peuvent se combiner en une mosaïque d’éléments, de sites, de places indépendants mais potentiellement connectés« . Si réellement, comme le pense Harry Drew du MIT, la réalité virtuelle ressemble trop à notre monde, l’abandon d’une cartographie traditionnelle pourrait peut être s’avérer le premier pas vers une libération de codes trop rigides suggérés par notre environnement quotidien…

À lire aussi sur internetactu.net

0 commentaires

  1. La question de la nature des espaces virtuels est posée. Il est vrai que la duplication, la simulation d’espaces ordinaires ne dit que le décor, pas le Sens. or un espace virtuel est un espace qui véhicule, porte, un Sens partagé (conSensus) comme une méta-phore (signification étymologique).
    Les espaces virtuels sont des mondes habités, ils n’existent qu’habités. Cela rejoint l’idée de ces mondes constitués par la présence simultanée de ceux qui y participent en interrelation, mais qui ses vivent dans le même monde. Ils pourraient comme l’a fait l’occident croire que c’est LE monde, ce que Second Life voudrait redoubler.
    Un espace virtuel est métaphorique mais aussi symbolique c’est à dire qu’il n’existe pas sans le Sens qui l’investit. Par exemple un roman est un espace virtuel. Existe-t-il dans la seule description du papier, de l’encre et des formes imprimées? Non il faut pénétrer dans l’histoire pour qu’il devienne un monde virtuel. Or comment cela se produit-il? Est-ce seulement par la lecture physique des lettres sur les feuilles de papier? Non c’est par l’investissement du lecteur que le roman devient un monde habité un espace virtuel.

    Ainsi considérer le support, toujours indispensable comme une espace virtuel rate l’essentiel. Rien de compréhensible pour les spécialistes des supports. Les serveurs de second life sont au virtuel ce que la fabrique de papier est au roman.

    Second life devient un espace virtuel lorsqu’il est investi par de groupes qui y créent leur monde. Seulement le temps est aux communautés virtuelles qui créent leur monde – virtuel. Les mondes virtuels sont constitués d’une trame relationnelle, une sorte de toile ou d’étoffe de ces univers. Leur trame est ce qui s’y trame, comme pour le roman.

    La théorie du virtuel ( Humanisme Méthodologique) a donné lieu à la notion d’espaces virtuels d’activités qui ne sont rien sans l’activité (humains) en question.

    http://journal.coherences.com/rubrique36.html pour la théorie
    http://institut-coherences.fr/ pour la pratique

  2. Bonjour,
    Comme le dit Nifle « Second life devient un espace virtuel lorsqu’il est investi par de groupes qui y créent leur monde. » Ne pensez-vous pas qu’on va voir un vrai développement des mondes virtuel quand on pourra facilement les créer ?
    De même que les outils de blogging ont permit un explosion du nombre de « sites » personnels, des outils comme Metplace ne vont-ils pas permettre le lancement de très nombreux univers virtuels. La grande majorité va rapidement disparaitre mais aux moins ceux qui marcheront seront le résultat de ce que veulent les utilisateurs.

  3. Bonjour,
    Puis-je me permettre de poster ici une annonce en rapport avec Internet et les images? Je vous propose, à vous et à tous vos lecteurs, de participer à une enquête, en vue de la création d’un nouveau site:

    « Vous et les fonds d’écran ».

    Habitudes, difficultés, envies? Dites-nous tout dans ce questionnaire, jusqu’au 24 novembre inclus. Les réponses seront partiellement publiées. Pour en savoir un petit peu plus, c’est ici:
    http://iconique.net/limesurvey/index.php?sid=16238&lang=fr
    Merci!

  4. je voulais rebondir sur les 15 avatars en moyenne – il faut savoir qu’on peut aller jusqu’à 40 avatars en mouvements sur une sim, voir jusqu’à 80 selon les sims, tout dépend de l’ergonomie qu’on aura eu le soin d’employer pour réaliser sa sim.