Arden : savoir amuser pour pouvoir expérimenter

Utiliser les mondes virtuels comme laboratoire pour expérimenter sur la société est une idée qui passionne le groupe d’économistes et de sociologues gravitant autour du blog « Terra Nova« .
Récemment nous parlions de Robert Bloomfield et de son projet Worlds for Study. Mais l’économiste Edward Castronova poursuit depuis 2006 ses propres recherches avec un monde virtuel construit à cette fin, Arden, basé sur l’oeuvre de William Shakespeare. Réservé au début à un petit groupe, Arden s’ouvre aujourd’hui au grand public. Chacun peut télécharger le jeu et explorer l’univers médiéval créé par Castronova et son équipe (attention, il faut toutefois auparavant acquérir le jeu « Neverwinter Nights« , Arden étant en réalité un module de ce jeu commercial).

Financé par l’université d’Indiana, Arden n’est pas World of Warcraft et n’enthousiasmera guère les gamers fanatiques. Castronova le reconnait lui même dans Terra Nova, le jeu est assez ennuyeux et n’a pas pour ambition de concurrencer les pointures du domaine. « Pensez plus à un petit Donjons et Dragons avec une couche de Shakespeare qu’à un World of Warcraft avec Hamlet« , note-t-il avec ironie.
Bien qu’il existe des monstres dans Arden, (quelque part dans la forêt, selon Castronova), leur présence n’est pas déterminante. Et après tout, pourquoi peupler de monstres un univers virtuel destiné avant tout à l’étude sociologique ? Mais justement, cette absence commence à gêner l’ambition de faire d’Arden une plateforme de test pour les sciences sociales. Car, comme l’écrit encore Castronova : « Pas de monstres, ça veut dire pas de fun, pas de fun ça veut dire pas de monde, et pas de monde, ça veut dire pas d’expérimentation. »

Du coup, Castronova et son équipe rectifient le tir et préparent Arden II : l’incendie de Londres. Cette nouvelle version sera « un vrai jeu : des monstres partout. Le Barde (Shakespeare) sera toujours présent, mais pas au détriment des monstres. Nous espérons obtenir une population décente dans Arden II, et lorsque nous l’aurons, alors nous conduirons nos expérimentations. »

Dans l’attente, Arden I s’ouvre à tous pour deux raisons. La première est de faire vivre un monde multi-utilisateurs en dehors des structures commerciales, entretenu par des volontaires et financé par une université. Ensuite, dans le but de permettre à tout un chacun de bâtir son propre espace à partir de celui-là : « Si vous voulez prendre un monde conçu autour de Shakespeare et le rendre amusant, s’il vous plait faites-le, explique Castronova. Je serai intéressé de voir ce que d’autres personnes peuvent en tirer. »

La leçon d’Arden est donc doublement intéressante. En plus des conclusions sociologiques que Castronova espère en obtenir, il devient maintenant une expérience « collaborative » de création de mondes virtuels. Son échec relatif montre aussi à quel point l’aspect ludique reste une notion fondamentale dans le succès d’un tel univers. Depuis Second Life, on a peut être eu trop vite tendance à voir dans les mondes virtuels des systèmes sociaux affranchis du média jeu qui leur a donné naissance (et Second Life n’est-il pas finalement aussi un jeu, un gigantesque Monopoly ?).

Castronova espère pouvoir exposer les premier résultats issus d’Arden II vers mai 2008. Espérons que ce projet ne fera pas beaucoup de bruit pour rien.

Et pour conclure comment ne pas citer la question 41 de la FAQ consacrée à Arden :

« 41 : To be or not to be ?
R : That is the question. »

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