La ville nous rend-elle plus aimables ?

Pourquoi les villes existent-elles ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre, reconnait le journaliste scientifique Jonah Lehrer sur son blog. La métropole moderne, après tout, est plutôt un endroit désagréable, coûteux, dangereux… Pourtant, comme il l’expliquait il y a quelques mois dans un article du New York Times Magazine sur les lois de la ville (dont nous avions rapporté l’essentiel), ce sont les avantages socio-économiques qui nous font majoritairement préférer la ville à la campagne. Ces mêmes études ont également montré que si les villes agissent comme des moteurs de la réussite, elle sont également des moteurs pour le crime et la maladie.

On savait également que si la ville a toujours été le moteur de la vie intellectuelle, elle n’en a pas moins des effets négatifs sur nos capacités cognitives.

Reste à savoir si la ville a un effet sur notre moralité. Les villes favorisent-elles un comportement altruiste, « prosocial » comme disent les anglosaxons ? Les zones métropolitaines nous rendent-elles plus charitables … ou plus cyniques ? C’est ce qu’on essayé de savoir Samuel Arbesman et Nicholas Christakis de la Harvard Medical School dans une récente étude. Les chercheurs ont analysé un certain nombre de comportements prosociaux pour lesquels il existait quelques données fiables : le don d’organe, le vote, le nombre de donateurs aux campagnes politiques…

Contrairement aux variables socio-économiques étudiées par West et Bettencourt, les gens ne deviennent pas significativement plus susceptibles de voter quand ils vivent en villes. Au contraire, ils sont même moins susceptibles de donner un rein par exemple. Par contre, les citadins ont plus tendance à donner de l’argent pour une campagne. En fait, les résultats semblent même contradictoires : les citadins sont plus susceptibles de retourner un courrier perdu que d’aider un étranger au hasard dans la rue. Contrairement aux travaux de West et Bettancourt, ces travaux-ci font états de réelles différences locales : certaines villes ont des taux de dons de reins élevés, alors que d’autres montrent de faibles taux de participation électoraux.

Jonah Lehrer conclut son billet en expliquant qu’il faudrait plus de données pour être mieux à même de comprendre les leviers de la politique publique pouvant encourager les comportements prosociaux.

Pas si sûr. Nicolas Kayser-Bril, responsable du pôle data-journalisme chez Owni expliquait il y a peu que les données n’expliquent pas tout justement. La séduisante idée que les révolutions seraient déclenchées par des conditions sociales bien définies par exemple ne tient pas la route. Une étude de l’université de Stanford montre d’ailleurs que le principal déterminant des émeutes reste le nombre d’émeutes précédentes, plus que les conditions socio-économiques dans lesquelles vivent les populations ! Nos comportements cyniques ou altruistes résisteront-ils à la modélisation ? Certains n’ont pas fini de s’y essayer en tout cas.

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