Comprendre la croissance à l’heure de l’informatisation de la société

Layout 1« Il est temps d’ouvrir un débat sur les nouveaux paradigmes de la croissance », lance Philippe Lemoine président du Forum Action Modernités – et de la Fing, éditeur d’InternetActu.net – , en introduction du livre Une croissance intelligente qui vient de paraître aux éditions Descartes & Cie et qui livre les résultats d’un groupe de travail qui s’est plongé longuement sur l’origine et l’avenir de la notion de croissance.

Ce livre rassemble plusieurs contributions pour comprendre la croissance aujourd’hui dont celles de Didier Toussaint sur la croissance et l’économie psychique ou celle de Philippe Moati s’intéressant à la refondation du modèle de consommation. Parmi celles-ci, la contribution de l’économiste Michel Volle nous a semblé éclairer par bien des aspects certains de nos questionnements sur la transformation du système économique en cours. Pour Michel Volle, le changement n’est pas lié au simple passage au numérique, mais correspond à l’apparition d’un système de travail et de coopération autour de l’informatisation, qu’il faut analyser par rapport à l’industrialisation. C’est cette contribution que nous vous proposons de découvrir. En espérant qu’elle vous incite à regarder les publications du Forum Action Modernités.

Le mécanisme démultiplicateur : D’un monde à l’autre

Le monde actuel diffère qualitativement du « bloc historique », pour reprendre l’expression de Yann Moulier-Boutang afin de désigner le monde dans lequel nous avons vécu dans les quelque dizaines d’années qui précédèrent 1975 (et qui n’a bien sûr rien à voir avec le bloco historico de Gramsci).

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Graphique : Taux de croissance du PIB en volume. Source Insee, comptes nationaux, base 2000.

Le bloc historique

Dans ce monde-là, le PIB et l’indice de la production industrielle augmentaient de 5 % par an, et le secteur secondaire employait une part croissante de la population active (le maximum a été atteint en 1975). On dénombrait de l’ordre de 700 000 chômeurs.

Sans le savoir, nous vivions alors les Trente Glorieuses, qui allaient bientôt s’achever. La France avait, dès le début des années 1950, achevé la reconstruction d’une économie détruite durant la Seconde Guerre mondiale et dans la foulée, la croissance s’était poursuivie, aiguillonnée par l’exemple américain.

La population avait cependant été marquée par le souvenir de la crise des années  1930 puis de la pénurie des années  1940 : les Français éprouvaient le besoin de s’équiper, de consommer, voire de se « goinfrer », pour oublier ces souvenirs pénibles.

L’exode rural, très rapide, avait d’ailleurs rempli les villes d’une population qui souhaitait vite accéder aux plaisirs de la vie urbaine. Dans leur périphérie, la ruée vers la consommation de masse s’accompagnait de la dissémination de commerces à grande surface. Tous les ménages rêvaient de posséder une voiture, une machine à laver, un téléviseur, un téléphone. Dans les années 1960, ce rêve se réalisa pour presque tout le monde ; seul le téléphone doit encore attendre les années 1970 pour devenir largement disponible.

La « théorie à l’œuvre »
L’économie paraissait simple et elle était simple en effet, du moins dans la théorie « à l’œuvre » qui prévalait dans l’administration économique, avec la comptabilité nationale et les modèles économétriques.

Cette théorie à l’œuvre était bien sûr beaucoup plus pauvre que la théorie savante, dont elle ne retenait que les éléments qui se prêtent à l’évaluation et au calcul. Elle ignorait donc les externalités (« ce qui est extérieur à l’échange marchand »), la concurrence imparfaite, les contrats incomplets, l’information dissymétrique, etc. Elle s’intéressait peu aux services, aux patrimoines et à la qualité des produits, qu’elle peinait d’ailleurs à définir et vers lesquels elle n’orientait pas en priorité son outil d’observation statistique.

Certes, la comptabilité nationale produisait des comptes des services et des comptes de patrimoine, mais ils étaient moins solides que ceux qu’elle pouvait établir à partir des comptes d’exploitation des entreprises, car ils s’appuyaient sur des conventions dont le caractère formel sautait aux yeux : la valeur ajoutée des services publics était supposée égale à leur coût de fonctionnement, et les comptes de patrimoine étaient calculés à partir de bilans comptables dont l’évaluation est dictée par la fiscalité, laquelle ignore l’économie.

Quelle est d’ailleurs la valeur d’un patrimoine, c’est-à-dire d’un actif qui conserve sa valeur d’usage quand on l’utilise ? Le coût historique de son acquisition ? Ce même coût, diminué des amortissements ? Sa valeur au prix du marché ? Peut-il être d’ailleurs convenable, pour estimer la valeur d’un stock patrimonial au niveau global de la nation, de lui appliquer un prix établi dans la seule et minuscule part de ce stock qui fait l’objet d’un flux de transactions ?

Les statisticiens tentaient alors de rendre compte de la qualité des produits en calculant des indices de prix « hédoniques » destinés à évaluer, en termes de volume, le gain d’utilité qu’apporte un gain de qualité. Mais ces tentatives restaient partielles et discutables.

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Dans le modèle implicite de cette théorie à l’œuvre, le système productif était donc composé d’usines produisant d’une part des biens d’équipement ou des demi-produits destinés à d’autres usines, d’autre part et enfin des biens de consommation. Les ménages étaient des consommateurs dont la fonction d’utilité avait pour argument la quantité des divers produits consommés : il semblait donc qu’ils seraient d’autant plus satisfaits, voire d’autant plus heureux qu’ils consommeraient davantage. Le tableau d’échanges interindustriels de Leontief décrivait la relation entre la quantité produite par chaque branche et les matières premières et produits demi-finis qu’elle consommait. L’indice de la production industrielle pondérait et additionnait les nombres de paires de chaussures, de voitures, de téléviseurs, etc., produits.
La théorie à l’œuvre se concentrait ainsi sur des flux – que les comptes d’exploitation décrivent –, et ignorait en pratique (même si certains calculs visaient à les évaluer) les stocks que sont le capital fixe et plus généralement le patrimoine (elle ne connaissait que le capital circulant, stock tampon des produits en attente). Les produits étaient destinés à être vendus, puis consommés ou investis. La dégradation du patrimoine naturel que provoque l’injection des déchets dans l’environnement n’était évidemment pas comptabilisée.

La fonction d’utilité des ménages étant focalisée sur l’achat immédiatement suivi d’une consommation, l’arbitrage entre possession et location d’un bien patrimonial n’y apparaissait pas [1]. Cela rendait fondamentalement incompréhensible l’économie des services, qui consistent précisément en la location temporaire d’un bien patrimonial ou d’une compétence (cette dernière est d’ailleurs une forme de patrimoine).

Maladroite dans l’observation du patrimoine, cette économie ne pouvait pas même se représenter la prédation que constitue l’appropriation éventuellement violente d’un patrimoine mal protégé, suivie d’une consommation qui le détruit ou d’une revente.

Le raisonnement s’appuyait enfin non sur la théorie micro-économique, mais sur les agrégats macroéconomiques qu’évaluait la comptabilité nationale. Les économètres étalonnaient sur ces agrégats des équations censées représenter des « comportements » et expliquer la consommation et l’épargne des ménages, l’investissement des entreprises, le taux d’activité de la population, etc.

Beaucoup de leurs raisonnements tournaient autour du « carré magique » que constituent quatre variables : l’indice des prix à la consommation, le volume du PIB, le solde du commerce extérieur et l’emploi. Les projections que leurs équations permettaient de produire (après le redoutable artifice d’un calage sur les comptes postérieurs à la période d’étalonnage) servirent, dans les années 1980, d’outil de « prévision » à la politique économique – puis celle-ci se détourna dans les années 1990 des modèles, des comptes et de la statistique, car ils étaient devenus inopérants pour des raisons que nous allons évoquer.

La nausée des baby-boomers
La génération du baby-boom, qui n’avait connu ni la crise ni la pénurie, était mal à l’aise pendant les années 1960, dans une « société de consommation » qui manquait d’ailleurs terriblement d’humour. Le chômage était faible, certes, mais les relations au travail étaient grises et les hiérarchies pesantes. Les dirigeants, qui avaient fait leur carrière à l’époque de la reconstruction, étaient marqués par les valeurs du productivisme et empreints d’un sérieux sommaire : nul besoin d’être imaginatif quand on a pour but de rattraper le niveau d’avant-guerre.

Or c’est d’imagination dont on avait besoin, dans les années 1960, pour tracer une route dans le territoire inconnu qui s’ouvrait une fois la reconstruction achevée et le niveau de vie américain à peu près rattrapé. À la dénonciation de la société de consommation s’ajouta donc bientôt la revendication, politique, d’une prise de pouvoir par l’imagination. Mais les générations antérieures au baby-boom ne pouvaient ni comprendre ni partager ce point de vue.

Mai  68 en résulta, suivi d’une dévalorisation de la parole des « vieux » et d’une exaltation des vertus des « jeunes », qui laissa des traces durables dans notre société. L’imagination sur laquelle on comptait tant, coupée de ses racines par la panne de la transmission, orienta d’ailleurs beaucoup de bonnes volontés vers des illusions que suivit bientôt un désarroi.
C’est alors que se produisit le choc qui allait disloquer le « bloc historique » et faire basculer le monde en catalysant une crise jusqu’alors latente : la guerre du Kippour en octobre 1973, suivie du choc pétrolier décidé par les pays de l’OPEP, mit un coup d’arrêt à la croissance de la production industrielle et provoqua une transformation radicale du système productif.
La part du secteur secondaire dans la population active décrut alors rapidement, le taux de chômage passa, en dix ans, de 3 à 10 % [2], l’économie et la société pénétrèrent bras dessus bras dessous un continent nouveau dont personne n’avait la moindre idée.

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Graphique : Taux de chômage au sens du BIT de 1962 à 1984. Source : article de Claude Thélot cité dans la note 2.

Le nouveau monde

L’économie passe en effet, aux alentours de 1975, pour reprendre l’expression de Bertrand Gille [3], d’un « système technique » à l’autre.

Les techniques fondamentales du système productif avaient été jusqu’alors celles de la mécanique, de la chimie et de l’énergie. À partir de 1975, elles sont détrônées par la synergie de la micro-électronique, du logiciel et des réseaux de télécommunication.

Ce changement n’est cependant pas plus absolu que ne l’avait été, aux alentours de 1775, le passage d’une économie agricole à l’économie mécanisée que l’on a qualifiée d’industrielle : l’industrialisation n’a pas supprimé l’agriculture, elle l’a industrialisée. De même, l’informatisation ne supprime pas l’industrie mécanisée : elle l’informatise.

Notons au passage que le mot « industrie » a pris, vers 1800, un sens étroit. Étymologiquement, il désigne l’ingéniosité dans l’action, la mise en œuvre efficace d’un savoir-faire : ce sens s’est conservé dans l’adjectif « industrieux », comme dans l’expression « chevalier d’industrie », qui désigne un escroc trop habile.

Aux alentours de 1800, la production mécanisée et chimisée était, de loin, la plus efficace : on lui a donc appliqué le mot d’« industrie » qu’elle a accaparé, et il s’est trouvé ainsi bientôt connoté par des images d’engrenages, de cheminées d’usine, etc. Si on revient cependant à son étymologie, on peut dire que l’informatisation est la forme contemporaine de l’industrialisation, et que 1975 est la date de la troisième révolution industrielle.

Pourquoi le basculement s’est-il produit alors ? On peut avancer plusieurs hypothèses concourantes. D’une part, le mouvement social de 1968 avait accéléré la hausse du coût de la main-d’œuvre et les entreprises ressentaient donc le besoin d’accroître la productivité du travail [4].

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Graphique : Coût salarial horaire dans l’industrie manufacturière. Source OCDE et US Bureau of Labour Statistics.

D’autre part l’informatique, avec la dissémination des terminaux, commençait à sortir des mains des purs informaticiens pour se placer dans celles des utilisateurs : elle semblait offrir des perspectives de productivité, qui se concrétiseront quelques années plus tard avec la mise en réseau des micro-ordinateurs.

Enfin, le choc pétrolier introduisait de la volatilité dans le prix de l’énergie, jusqu’alors stable et relativement bas. Frappant d’incertitude les business plans du système technique bâti sur la mécanique, la chimie et l’énergie, ce dernier phénomène a sans doute suffi à catalyser le basculement vers le nouveau système technique.

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Les économistes sont tentés de mépriser la technique : ils la considèrent comme l’affaire des ingénieurs, auxquels ils s’estiment supérieurs. C’est ignorer que l’économie a pour socle un rapport avec la nature médiatisé par la technique. Lorsque le système technique change, ce rapport est transformé – et donc la nature elle-même change, telle du moins qu’elle est perçue par les acteurs de l’économie puis par la société. Le socle de l’action économique est alors modifié, comme si on avait découvert une source d’énergie nouvelle et peu coûteuse.

Le sol, apparemment solide, sur lequel s’était construite l’imposante structure des institutions et des lois se dérobe, ce qui rend obsolètes des valeurs, habitudes et comportements adaptés au système technique antérieur.

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Graphique : Evolution de la structuration de la population active en France de 1806 à 1996. Source : Olivier Marchand et Claude Thélot, Deux siècles de travail en France, Insee, 1991.

Alors que la part de la population active dans le secteur secondaire avait crû continuellement depuis les débuts de l’industrialisation, pour atteindre 40 % en 1975, elle entama une décroissance rapide. Elle est aujourd’hui d’environ 20 %, et la classe ouvrière a pratiquement disparu de la structure sociale.

Le volume de la production industrielle n’a cependant pas diminué, même si sa croissance a fortement ralenti (autre symptôme du basculement), car la main-d’œuvre a été remplacée par des automates.

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Graphique : L’indice de la production industrielle, 1960-2006. Source : Insee, indice de la production industrielle, série CJ0-CVS, base 100 en 1995.

Vue micro-économique
Étant soumise à la pression de la nécessité, l’entreprise est le laboratoire micro-économique où s’élabore l’adaptation au nouveau système technique. Celui-ci transforme ensuite la société puis redistribue, dans l’ordre de la géopolitique, le droit des nations à l’expression de leur personnalité historique.

En examinant les entreprises, on peut donc faire progresser la compréhension du phénomène et tirer des leçons qui éclairent et le basculement, et les tendances qui animent l’évolution future.

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L’informatique s’était focalisée, au début des années 1960, sur des opérations gourmandes en temps et en paperasses : comptabilité, paie, facturation, gestion des stocks, prises de commandes. Elle s’est alors résumée à quelques grandes applications auxquelles l’entreprise attribuait un nom propre : Frégate à France Télécom, Sabre et Amadeus dans le transport aérien, etc. L’attention des informaticiens s’est naturellement focalisée sur la programmation des algorithmes qui procurent un résultat à partir des données saisies.

Il est bientôt apparu qu’une même saisie pouvait nourrir plusieurs applications, et que le résultat d’une application pouvait aussi en alimenter une autre : la normalisation des bases de données et l’architecture des systèmes d’information ont, dans les années 1970, répondu à cette exigence de cohérence.

Dans les années 1980, la dissémination des micro-ordinateurs et des réseaux locaux – puis, dans les années 1990, d’Internet – a fait franchir un pas supplémentaire. Avec la documentation électronique et la messagerie, il devenait en effet possible d’informatiser le parcours d’un processus de production en transférant, d’un poste de travail au suivant, les documents où s’inscrit l’élaboration d’un produit.

Comme tout processus est orienté vers un produit, il était naturel de lui associer le nom et l’image de celui-ci. La personnalité des outils que sont les applications (Frégate, Amadeus, etc.) s’estompa alors pour faire place à celle des produits, biens ou services auxquels furent associés des attributs de qualité (téléphone « intelligent », voyage « de bout en bout [5]», etc.).

Dès lors, l’informatique n’était plus ce système d’information qui se superpose aux systèmes de gestion et de production : s’entrelaçant avec le travail des opérateurs humains, elle s’insinuait dans l’intimité de la gestion et de la production dont elle devenait inséparable.

Chacune des activités qu’un processus fait se succéder comporte en effet des opérations mentales (perception, jugement, décision) qui préparent des tâches physiques (donner un billet d’avion à un client, réaliser une opération de maintenance). Le point de départ de l’informatisation est alors sémantique : il faut nommer et identifier les êtres représentés dans le système d’information et qui seuls, dans l’entreprise, apparaîtront devant l’attention des agents et se proposeront à leur action.

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L’économie mécanisée qui s’est déployée grosso modo à partir de 1775 était fondée sur l’alliage de la maind’œuvre et de la machine, et son émergence a eu d’immenses conséquences économiques, sociologiques, culturelles et géopolitiques.

L’économie informatisée, depuis 1975 environ, est fondée, elle, sur l’alliage du cerveau humain et d’un automate programmable et ubiquitaire : un « cerveau d’œuvre » a succédé à la « main-d’œuvre » en tant que ressource fondamentale du système productif.

Cela aura des conséquences économiques, sociologiques, culturelles, géopolitiques différentes de celles de l’économie mécanisée, mais d’ampleur sans doute comparable : elles se manifestent déjà avec la mondialisation (que les réseaux informatiques favorisent), le foisonnement du Web sur Internet, l’Internet des objets et l’informatisation du corps humain lui-même, avec le téléphone « intelligent » et autres prothèses.

Dans beaucoup d’entreprises cependant, cette transition s’est produite sans qu’on en tire les conséquences : le bon dosage et, peut-on dire, les conditions de cuisson qu’il faut respecter pour que l’alliage du cerveau humain et de l’automate soit efficace, sont encore généralement ignorées.

Il arrive ainsi qu’on automatise à outrance, empêchant ainsi les opérateurs humains d’user, en cas d’incident, de ce bon sens qu’aucun automate ne peut posséder : la banque ayant ainsi fait confiance à des empilages d’algorithmes ultra-rapides que ni les opérateurs, ni les superviseurs, ni même leurs concepteurs ne pouvaient maîtriser intellectuellement, la catastrophe était (et reste) inévitable.

Il ne convient pas, d’ailleurs, de traiter le cerveau d’œuvre comme on avait cru, dans l’économie mécanisée, devoir traiter la main-d’œuvre : le cerveau est un organe plus délicat, plus sensible encore que la main, et comme le dit Robert Zarader, il ne peut être efficace que si on lui accorde de la considération [6].

Cependant, beaucoup d’entreprises confèrent de facto des responsabilités aux agents opérationnels, sans leur accorder de jure la légitimité correspondante : après avoir tâtonné, dans les années 1980, à la recherche d’une « intelligence collective », elles y ont en effet renoncé dans les années 1990, car elles n’ont pas su trouver la bonne formule pour distribuer la légitimité sans compromettre le pouvoir des dirigeants. Elles ont adopté alors un comportement tellement mensonger et cruel que le diable lui-même, incarnation du Mal, semble s’y manifester : il en est résulté une épidémie de stress dont on a de nombreux témoignages. Citons celui d’un médecin du travail à France Télécom : « Le but était de tenir l’objectif de moins 22 000 salariés en deux ans. On ne licencie pas les gens mais on les met dans une situation telle qu’ils vont décider de s’en aller. Une des façons d’atteindre cette réduction d’effectifs a été la mise en œuvre de réorganisations incessantes. Les réorganisations, regroupements de services et délocalisations, ne poursuivaient aucun objectif d’efficacité professionnelle, n’avaient aucune justification économique. (…) Quand dans une entreprise, à une aussi large échelle, des réorganisations de ce type sont mises en œuvre, on finit par désorganiser complètement le travail, par faire perdre tous leurs repères aux salariés, par détruire toute coopération entre les services. Chez beaucoup de salariés existe une fierté du travail bien fait. Quand on vous met dans une situation professionnelle où vous pensez que vous ne pouvez plus faire un travail de qualité, la souffrance est très souvent au rendez-vous [7]. »

De cette crise de transition résulte une inefficacité massive, d’autant plus que la brusque délocalisation de la production mécanisée à l’ancienne vers des pays émergents a mis l’épée dans les reins des pays industrialisés, les contraignant d’accomplir dans l’urgence une transition difficile : leurs économies retrouvent aujourd’hui la « pauvreté dans l’abondance » paradoxale propre à la crise des années 1930.

Vue macroéconomique
Lorsque les usines où se réalise la production physique des biens sont automatisées, l’entreprise devient ultracapitalistique, car l’essentiel du travail nécessaire pour la production est stocké dans la conception, la construction et la programmation des automates. Ce stock constitue un capital, tandis que le flux de travail qui accompagne la production répétitive, réduit à la supervision et à la maintenance de l’automate, devient pratiquement négligeable. On peut donc dire, en poussant à sa limite le schématisme du modèle, que dans cette économie-là, le capital est devenu le seul facteur de production [8] ou, pour parler autrement, que le travail n’y intervient plus que sous forme de stock et non de flux.

Il en résulte que cette économie est essentiellement patrimoniale. La richesse d’une entreprise provient non plus du nombre d’ouvriers que ses usines mettent au travail mais de la compétence de ses concepteurs, de la qualité de son organisation, des brevets, plans et programmes informatiques qu’elle a accumulés et de la confiance de ses clients. Sa crédibilité financière – c’est-à-dire son aptitude à obtenir et à renouveler des prêts – dépend de la perception de ce patrimoine par ses créanciers, ainsi bien sûr que de sa répartition, selon divers degrés de liquidité. La généralisation des rendements d’échelle croissants suscite par ailleurs, dans chaque secteur, soit un équilibre de monopole, soit un équilibre de concurrence monopoliste : en fait, c’est ce dernier qui s’instaure dans la plupart des secteurs. J’ai montré dans e-conomie (Economica, 2000) que cet « équilibre » suscitait des comportements concurrentiels extrêmement violents [9], et qu’il soumet les entreprises à des risques qu’aggrave encore la mondialisation.

Cette évolution du système productif conduit la société vers une conception de la valeur qui outrepasse l’étape post-moderne et que je qualifie donc d’ultra-moderne : comme le coût marginal de production est pratiquement nul, la valeur se détache de la quantité produite pour adhérer à la qualité du produit. La fonction d’utilité qui évalue le bien-être du consommateur n’a plus pour argument la quantité qu’il consomme mais la qualité des produits qui lui sont accessibles – et donc leur diversité, où chacun peut trouver la variété qui lui convient le mieux. La satisfaction du consommateur dépend alors de façon cruciale du patrimoine de compétences dont l’ont doté son éducation et sa formation. Il n’est plus le porteur passif d’une fonction d’utilité que pourrait satisfaire une consommation en volume, mais le porteur actif d’une sensation de bien-être qu’il peut manipuler lui-même. Toutes choses égales d’ailleurs en effet, celui qui a par exemple appris à aimer la lecture jouit d’un bien-être supérieur à celui qui ne l’a pas appris, car on peut consacrer tout son temps à la lecture pour un budget modeste.

La société, étant un individu collectif, peut elle aussi manipuler la fonction d’utilité de la population à travers le système éducatif : dans une telle société, la fonction d’utilité est endogène, ainsi d’ailleurs que celle de production, avec la « croissance endogène » que Paul Romer [10] a modélisée.

Le caractère endogène des fonctions d’utilité et de production ouvre la voie d’une « croissance intelligente [11] » : ce qui croît est non plus le volume mais la qualité de la production, source de satisfaction pour le consommateur. Tout comme l’innovation, moteur de la croissance endogène, suppose un travail de l’entreprise sur elle-même, la croissance intelligente implique un travail de l’individu sur lui-même. Comme le disait Épicure, « avec un peu de pain sec et de l’eau, le sage rivalise en félicité avec les Dieux »…

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Dans une économie essentiellement patrimoniale, la location des actifs patrimoniaux (appartements, voitures, etc., et aussi compétences) se développe naturellement : c’est en cela que consistent les services. À l’émergence de l’alliage du cerveau d’œuvre et de l’automate dans la production répond la transformation des produits en assemblages de biens et de services. Une « économie des effets utiles » peut naître, selon l’expression de Philippe Moati.

Le meilleur moyen pour s’enrichir rapidement n’est cependant pas de produire mais de s’emparer de la richesse qu’un autre a produite, et qui a été condensée sous la forme d’un patrimoine. Massivement patrimoniale, l’économie contemporaine renoue d’autant plus volontiers avec les comportements prédateurs de la féodalité que certaines entreprises ont pris pour devise la « création de valeur pour l’actionnaire », la « production d’argent » et non d’effets utiles.

Dans le modèle économique du « bloc historique », les prix des biens de consommation sont guidés vers un niveau d’équilibre par le jeu de l’offre et de la demande, tandis que la valeur des actifs est essentiellement incertaine. Dans une économie patrimoniale, cette incertitude se traduit par la volatilité des prix, influencés par des anticipations et sujets à des comportements d’imitation : des opportunités s’offrent ainsi à la spéculation.

La « production d’argent » se découplant alors de la production d’utilité, le système bancaire est soumis à la tentation (à vrai dire irrésistible) de la prédation, tandis que beaucoup d’entreprises s’emploient à détruire des parts du patrimoine – qu’il s’agisse du patrimoine naturel, de celui des institutions publiques, d’autres entreprises, ou même de leur propre patrimoine –, afin de présenter à court terme un résultat d’exploitation qui satisfasse leurs actionnaires.

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L’économie contemporaine s’écarte donc, sur tous les points essentiels, du « bloc historique » dont la « théorie à l’œuvre » donnait (et donne, car elle est encore « à l’œuvre ») une représentation schématique. Des concepts naguère négligés sont désormais primordiaux (patrimoine, services, qualité des produits). Des exogènes sur lequel le raisonnement pouvait s’appuyer (fonction de production, fonction d’utilité, dotations initiales) sont devenus des endogènes (croissance endogène, manipulation de l’utilité, prédation), et le raisonnement doit remonter vers l’amont pour les modéliser en partant d’autres exogènes.

La clé du progrès théorique se trouve dans les anticipations, dont le jeu détermine et l’innovation et la manipulation de la fonction d’utilité. Le traitement de la dotation initiale suppose de mettre en scène, en s’appuyant sur la théorie des jeux, le conflit entre deux mondes qui se disputent la maîtrise de l’économie : le monde féodal et guerrier du prédateur et le monde de l’échange équilibré, qui était le seul considéré par la théorie à l’œuvre.

Trouble dans la pensée

Tout changement de système technique suscite un désarroi. À la charnière des XIXe et XXe siècles, la disponibilité de l’électricité et du pétrole a transformé le système productif puis la vie en société, la hiérarchie des classes a été bouleversée par la montée des administrateurs et des ingénieurs, un ascenseur social par les études s’est amorcé. L’épidémie d’hystérie et de névrose qu’a diagnostiquée Freud en résulta, et on peut même se demander si le massacre de la Première Guerre mondiale n’a pas été implicitement organisé pour éteindre cette épidémie, en supprimant la population elle-même [12].

Notre époque, rencontrant elle aussi un changement du rapport avec la nature, expérimente tout autant le désarroi : en témoignent la maladresse avec laquelle les entreprises s’adaptent et les décisions malencontreuses qu’elles prennent, affolées.

Le prouve aussi l’écologie « verdâtre », comme dit Yann Moulier Boutang : partant de la corrélation entre le PIB en volume et la consommation d’énergie, puis identifiant ce PIB avec la richesse économique, elle milite pour une « décroissance », afin de combattre le réchauffement climatique et d’anticiper l’épuisement des ressources fossiles. L’objectif est louable, mais le raisonnement est faux : l’hommage que cette écologie rend à un PIB anachronique montre qu’elle n’a rien compris à l’économie contemporaine.

Plus profondément, on observe une épidémie de haine envers les entreprises et, plus généralement, envers les institutions. Des slogans comme « sortir du nucléaire ! » ou « non au gaz de schiste ! », ainsi que la campagne de Robin des toits contre les ondes électromagnétiques sont fondés non sur une évaluation des avantages et des inconvénients de ces techniques (évaluation qui conduirait peut-être en effet à y renoncer), mais sur un rejet instinctif et irraisonné de l’activité productive organisée, sans laquelle nous mourrions pourtant tous de faim.

Un bon exemple de ce trouble dans la pensée est donné par L’Insurrection qui vient (La Fabrique, 2007), livre signé par un « comité invisible » qui a tenté d’imiter Guy Debord mais n’a pas su atteindre la rigueur de la Société du spectacle. Pour ce comité invisible, le salariat n’est qu’un esclavage et les institutions – États, partis politiques, syndicats, services publics, entreprises, etc. – sont mensongères : il faut s’insurger. Les insurgés trouveront leurs ressources dans des « combines multiples : outre le RMI, il y a les allocations, les arrêts maladie, les bourses d’études cumulées, les primes soutirées pour des accouchements fictifs, tous les trafics » (p. 92). Il s’agit de parasiter la société tout en s’efforçant de la bloquer : « ralentir le travail, casser les machines, ébruiter les secrets de l’entreprise… rendre inutilisable une ligne de TGV, un réseau électrique, trouver les points faibles des réseaux informatiques » (p. 101).

Ces insurgés ne peuvent pas tabler sur l’éternité de l’Étatprovidence puisqu’ils font tout pour tarir les ressources que celui-ci redistribue. Ils doivent donc « accroître en permanence le niveau et l’étendue de l’auto-organisation. » (p.  94) Cette auto-organisation, ce sera la « commune, unité élémentaire de l’action partisane », «  bande de frères et de sœurs liés à la vie à la mort » dont l’extension permettra « l’abolition pratique de l’argent » (p. 107).

Ainsi, ceux qui se sentent mal à l’aise dans la société cherchent, et trouvent, la cause de leur malaise : c’est « le système ». On rêve alors de « tout foutre en l’air », et on dit énormément de sottises : supprimer l’argent, c’est revenir au troc comme seule forme d’échange et croire que l’autonomie, essentiellement individuelle, peut se vivre durablement dans la fusion affective des individus « à la vie à la mort », c’est tourner le dos aux leçons les plus claires de la psychologie.
On peut comprendre ces sottises, sinon les excuser, car le malaise s’explique par une exaspération légitime devant le mensonge, l’hypocrisie, l’absurdité, qui s’étalent dans le discours politique, économique, managérial, médiatique qu’émet une société prise à contre-pied par sa propre évolution. Quand ce discours prétend – et que les professeurs enseignent – que le but des études, c’est d’« avoir de bonnes notes », que celui de l’entreprise, c’est de « produire de l’argent », que l’objectif, en politique, c’est de « gagner les élections » et que le but dans la vie, c’est de « faire carrière », etc., le destin humain et son rapport au monde sont vidés de tout contenu. La trahison est alors érigée en norme et la prostitution en méthode.

Vers la maturité
Napoléon avait mesuré l’avantage que l’industrialisation pouvait procurer aux nations. Dans le traîneau qui le ramène de Russie en décembre 1812, il se confie à Caulaincourt : « On a beau faire, dit-il, c’est moi qui ai créé l’industrie en France. Le but du système continental est de créer en France et en Allemagne une industrie qui l’affranchisse de celle de l’Angleterre [13]. »

L’industrialisation avait démarré vers 1775, l’informatisation a débuté vers 1975 : pouvons-nous espérer que nos politiques auront, en 2012, compris et sa nature et son importance ?

On doit craindre plutôt qu’ils n’aient pas, sur ce point, un jugement aussi pénétrant que celui de l’empereur. Leurs initiatives restent en effet terriblement limitées, en regard de l’ampleur du phénomène : tandis que les grands systèmes de la nation (enseignement, santé, justice, etc.) s’informatisent dans le désordre et comme à reculons, le législateur se focalise sur les droits d’auteur des produits culturels.

Les économistes sont, pour une part, responsables de cette inconscience. Adam Smith avait dès 1776 publié, avec la Richesse des nations, le modèle qui permettait de penser l’industrialisation. Mais ce modèle, ayant inauguré la théorie économique, a comme emmailloté celle-ci dans l’alliage de la main-d’œuvre et de la machine.

Pour penser l’informatisation, il faudra retrouver l’énergie créatrice qui, en son temps, a permis à Smith de modéliser l’industrialisation, puis appliquer cette énergie à l’alliage du cerveau d’œuvre et de l’automate que fait émerger l’informatisation. Ce travail n’est pas impossible, mais il sera difficile, car il suppose de rebâtir l’imposant édifice théorique, mathématique, statistique, comptable et institutionnel construit pour faire mûrir les germes que contient l’œuvre de Smith.

*

Les politiques, les économistes, les dirigeants des entreprises, la société tout entière portent cependant une responsabilité historique.

Il est sans doute compréhensible, et même normal, qu’un changement de système technique suscite un désarroi, de l’inefficacité, et donc une crise à la fois économique, sociologique et mentale pendant une période de transition. L’histoire montre en effet que les sociétés, lorsqu’elles rencontrent une telle situation, sont tentées par un suicide collectif : les guerres de religion ont fait suite à la Renaissance, des guerres européennes puis mondiales ont fait suite à la première (1775) puis à la deuxième (1875) révolution industrielle. Des totalitarismes, enfin, ont cru conforter l’alliage qui sous-tend l’industrialisation en assimilant l’être humain à la machine – mais cela revenait, en fait, à nier cet alliage en le réduisant à une seule de ses composantes.

Nous avons aujourd’hui le choix : bâtir une civilisation ultra-moderne dont l’architecture reste à définir, ou subir une barbarie ultra-violente. On voit déjà s’amorcer le retour à la prédation féodale et aussi l’assimilation de l’être humain à l’ordinateur.

Si on se souvient des précédents historiques, il est probable que notre société ne pourra accéder à la civilisation qu’après un passage par la barbarie. Il faut faire en sorte, pour limiter les dégâts, que ce passage soit le plus bref possible : c’est en cela que réside la responsabilité des générations actuelles.

Michel Volle

Michel Volle (@MichelVolle) : X-INSEE et docteur en histoire économique, ses travaux se sont focalisés sur les conséquences anthropologiques de l’informatisation. Ses ouvrages les plus récents sont e-conomie (Economica, 2000), De l’informatique (Economica, 2006), Prédation et prédateurs (Economica, 2008), et un roman intitulé Le Parador, publié sur Volle.com.
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Notes
1. Pour l’application de la théorie de la valeur au patrimoine, voir John Hicks, « A Suggestion for Simplifying the Theory of Money », dans Economica, février 1935, reproduit dans John Hicks, The Economics of John Hicks, Selected and with an introduction by Dieter Helm, Blackwell, 1984, p. 168.
2. Claude Thélot, « Les traits majeurs du chômage depuis vingt ans », dans Économie et statistique, n° 183, 1985, p. 37. Pour mémoire : fin 2010, on dénombrait 2,6 millions de chômeurs en France et le taux de chômage était de 9,6 %.
3. Bertrand Gille, Histoire des techniques, Gallimard, « La Pléiade », 1978.
4. Jean-Claude DuTailly, « La crise du système productif », Économie et Statistique, n° 138, 1981, p. 3.
5. Dans le transport aérien, le voyage « de bout en bout » (d’un bureau à l’autre, d’un domicile à l’autre) est un service plus complet que le transport d’un aéroport à l’autre.
6. Michel Volle, « Le commerce de la considération », www.volle.com/opinion/consideration.htm.
7. Monique Fraysse, « Management chez France Télécom : les mentalités évoluent lentement », Le Monde, 29 avril 2011.
8. Sergio rebelo, « Long-Run Policy Analysis and Long-Run Growth », dans Journal of Political Economy, 1991, p. 500.
9. Voir aussi Erik BrynjolFsson, Andrew Mcafee et Michael Sorell, Scale Without Mass : Business Process Replication and Industry Dynamics, Harvard Business School Working Paper Series, 2008.
10. Paul romer, « Endogenous Technological Change », dans Journal of Political Economy, 1990, p. 571.
11. Michel Volle, « Une ressource naturelle inépuisable », www.volle.com/opinion/croissance2.htm.
12. Le dogme de l’offensive, dont les stratèges se déferont très lentement, répond à une pulsion suicidaire : « Mourir utilement, c’est tout l’art de la guerre […] Attaque donc et meurs, officier de France ! » (Capitaine Billard, Éducation de l’infanterie, Chapelot, 1913, p. 399 ; cité dans Michel Goya, La Chair et l’Acier, Tallandier, 2004, p. 61.).
13. Général de caulaincour, Mémoires, Plon, 1933, vol. 2, p. 215 et 261.

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  1. Où est le bouton « Facebook » ?
    (je peut toujours partager via l’url ou via Sharaholic mais c’est pas pratique)

  2. @Daniel: La logique voudrait qu’on lise l’article avant de décider si on a envie de partager, donc si le lien se trouve en fin d’article, c’est ce qu’il y a de plus naturel. Et c’est ce qui pourras le plus pousser au partage du contenu. :p

  3. Roy, la « logique » n’est pas la même pour tous, j’imagine. Celui qui veut faire suivre l’article, sans l’avoir lu, au bénéfice de sa communauté (qui saura plus l’apprécier que lui) le fait probablement par souci de partager ce qu’il juge comme ayant de la valeur pour les autres, pas nécessairement pour lui…

    «Lire» est une des modalités d’un article, plus la seule. «Partager» n’est pas moins valable — même si on peut souhaiter que tous aient lu cet article! Avec ce partage altruiste, l’auditoire potentiel n’en sera que plus étendu….

  4. Nous avons prévu d’installer des fonctionnalités de partage lors de la refonte prochaine de notre site. En attendant, il vous suffira de copier l’URL pour se faire.

  5. Cet article est trop long pour le message qu’il souhaite passer: avec l’informatisation l’économie change significativement, dans les poids relatifs des différents facteurs de production, des différents produits-services et donc dans les stratégies applicables par les acteurs.
    Qui fera un résumé court du principal ?

    Je suis étonné que la mondialisation, rendue possible par l’informatisation, les télécommunications et le maintien d’une énergie bon-marché et mieux utilisée, ne soit pas plus mise en valeur : les acteurs doivent maintenant avoir la bonne taille mondiale dans leur secteur, et l’accès rapide à des centaines de millions de clients rend les positions des acteurs plus fragiles. (Nokia-Apple).
    Comme d’hab, ce genre d’auteur se voit en conseiller du Prince, mais d’une part en France les princes sont tous petits / monde, d’autre part, ce sont les conseils aux lecteurs-individus qui sont les plus urgents et j’en vois peu.
    Que dois-je, que puis-je, qu’ai-je intérêt à changer personnellement pour améliorer mon sort et celui de ceux qui me sont chers ?

    Selon moi, ce que chacun doit comprendre, c’est qu’il a intérêt à augmenter son capital personnel « portable » et ne pas trop compter sur les investisseurs pour financer l’indispensable capital de son job moderne (moyenne 100k€ en France, 3M€ pour du high tech).

    En effet, ce qui s’est passé avec le choc pétrolier de 1973, c’est une ponction financière considérable, amplifiée ensuite par le retour aux taux d’intérêts positifs (http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Volcker ), qui a tué, la capacité de nos vieux pays à investir et attirer les investisseurs pour créer des jobs supplémentaires et accueillir la population en age de travailler supplémentaire annuelle (+200 000 / an depuis 1962).

    L’informatisation, par certains cotés, diminue les coûts et le capital nécessaires pour des tas de production qui trouvent leurs clients plus facilement, mais cela ne supprime pas les coûts-capital de communication-commercialisation, et cela nous met en concurrence avec des millions de terriens.

  6. Très bel article, qui donne envie de lire le livre.

    La question qui me vient est de savoir quelles économies, cercle, gens, ont développé une réelle conscience du changement de configuration mentale qu’appelle cette réflexion, voire la mettent en oeuvre ?

    Puisque l’article ouvre un point de comparaison avec Napoléon en 1800 dans le contexte européen, qu’en est-il par exemple de la différence de culture économique entre ce que j’appellerai des « territoires schumpeteriens » comme les USA. Une approche économique et politique intégrant plus l’innovation va t’elle de paire avec la conscience de la conduite du changement nécessaire ?
    Merci par avance.