A quoi sert la pagination sur le web ?

La lecture de la semaine provient de la rubrique « technologies » du site d’information américain Slate (@slate), on la doit à Farhad Manjoo (@fmanjoo), qui tient cette rubrique, le texte s’intitule : « arrêtez tout de suite la pagination ».

« La pagination », écrit Farahad Manjoo, « est, en termes de design et d’usage, le pire péché sur le Web. Elle est la preuve d’un mépris constant et silencieux pour ceux qui devraient être la cible privilégiée des sites d’informations : à savoir les gens qui veulent les articles jusqu’au bout. La pagination persiste parce que diviser un article en deux pages peut, en théorie, doubler la place pour les publicités. Alors qu’en pratique, la plupart des lecteurs ne cliquent jamais sur la deuxième page. La pratique de la pagination est devenue tellement courante qu’on a l’impression qu’elle a toujours été la norme sur le Web. »

Or c’est faux, rappelle Manjoo. « Les premiers sites d’information ne paginaient pas, et cette pratique est vieille d’à peine dix ans, répondant à la pression de l’industrie publicitaire. Et il pourrait en être autrement, et d’ailleurs, quelques-unes des publications les plus intéressantes et les plus lues, comme BuzzFeed ou the Verge, s’en passent très bien. » De toute façon, selon Farahd Manjoo, le comptage des pages vues est une stratégie à court terme. Car sur le long terme, un design peu accueillant n’aide pas les sites à gagner de nouveaux adhérents, or le fait de gagner de nouveaux lecteurs est le but de tout site. Je suis certain, ajoute Manjoo, que si tous les sites d’informations passaient en page unique, ils récupéreraient vite ce qu’ils croient perdre. Leurs articles seraient plus partagés, et trouveraient plus de lecteurs fidèles.


Image : le tourneur de page d’Andy Brandon.

« Chaque jour, comme des dizaines de millions d’autres lecteurs innocents, je clique sur des articles qui se révèlent être des morceaux d’articles. Des papiers qui pourraient se lire sur une page exigent un, deux, trois, quatre, cinq, ou dix autres clics pour passer à la page suivante. Nous avons tous nos petites habitudes pour affronter cette prolifération des pages. Les timides font ce qu’on leur dit, cliquent et recliquent, perdant du temps et utilisent de la bande passante pour que les publicités puissent d’afficher. Les plus malins savent comment contourner le problème et cliquent immédiatement sur le bouton « single page ». Pour ma part, j’ai développé ce réflexe au pont que sur les sites que je visite souvent, mon doigt glisse presque automatiquement vers ce bouton. Quand il n’y a pas de bouton « single page », j’ai immédiatement envie de casser la gueule du web designer.

Certains avancent qu’ils aiment que les articles soient divisés en plusieurs pages. Ils sont évidemment dingues, et leur opinion mérite à peine d’être discutée, mais faisons-le quand même. En général, leur argument est le suivant les longs articles sans coupure sont comme écrasés sur une page web. En gros, les paginer est un moyen de les rendre plus accueillants. C’est l’argument du journal qui m’emploie, Slate : un long article sur une seule page peut décourager le lecteur, la pagination le rend plus digeste. Et même, la pagination donne au lecteur une idée de la longueur de l’article. Si vous voyez que l’article compte dix pages, vous savez à peu près le temps qu’il vous faudra pour le lire.

Je ne suis pas en complet désaccord avec l’idée que ce sont là des bénéfices de la pagination. Mais je pense qu’un design intelligent peut améliorer l’apparence de longs articles sur le web. Un site comme The Verge, qui publie chaque jour de longs articles, y parvient très bien. Les longs articles y sont découpés en blocs séparés par des photos ou des éléments graphiques et chaque article possède sa propre navigation interne qui permet d’aller directement d’une partie à l’autre du texte.

Et manifestement, leurs commerciaux ont été tout de suite convaincus que ça ne poserait pas de problème aux régies publicitaires. Et c’est ce qui s’est passé. La fréquentation de The Verge est toujours en hausse et les régies ont compris que des lecteurs attentifs valaient mieux que des pages vues. Même chose avec BuzzFeed qui publie à la fois longs reportages et longues galeries photo, sans jamais les scinder. Ils peuvent se le permettre parce que leur modèle publicitaire est différent et ne repose pas sur les pages vues. Pour eux, ce qui importe c’est le nombre de clics sur la page et le partage par les lecteurs. Donner envie aux gens de partager ce qu’ils ont lu, pour attirer de nouveaux lecteurs.

« J’y crois », dit Farhad Majoo. « En tout cas, ça vaut le coup d’essayer. »

Xavier de la Porte

“Xavier de la Porte (@xporte), producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une intéressante lecture d’un article de l’actualité dans le cadre de son émission.

L’émission du 21 octobre 2012 était consacrée aux relations entre cinéma et jeux vidéo en compagnie d’Alexis Blanchet (@alexisblanchet) maître de conférences à l’Université Paris 3 et auteur des Jeux vidéo au cinéma.

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0 commentaires

  1. Bonjour,

    La problématique de la pagination est similaire au long formulaire dont les études ont permis d’observer qu’il était préférable de le découper en plusieurs étapes pour convertir plus.

    Je pense qu’il est préférable de tester les deux méthodes sur LA CIBLE pour savoir quelle solution fonctionne le mieux.

  2. “La pagination est, […] le pire pêcher sur le Web.  »

    Plutôt un gros marronnier. Corrigé, merci ! – HG

  3. Il existe effectivement 2 types d’articles sur le web : le long et le court.

    Ces derniers temps, on entend qu’il faut racourcir et écrire dans un style court et direct. La tendance va pour le court.

    L’arrivée de la télécommande sur les articles longs comme le présente the verge par exemple est un bon moyen alternatif.

    Les modes de lectures évoluent et nous avec.

  4. Dommage de constater que même un journaliste d’un site d’info en ligne ne comprend pas que l’info n’est pas gratuite et qu’il faut bien que les lecteurs paient. soit en monnaie sonnante et trébuchante soit en cliquant sur « suivant ». intéressant de noter que les deux seuls sites montrés en exemple comme n’employant pas cette odieuse technique du multipage sont aussi deux sites notoirement déficitaires. il n’y a déjà pas de modèle économique pour la presse gratuite, il y en a encore moins pour la presse gratuite sans le multipage. enfin, on s’amusera du « the verge a réussi à convaincre ses annonceurs » quand on voit la progression des ad networks aux usa, il va falloir convaincre les ordinateurs et plus les publicitaires. bref, le raisonnement est digne de la culture économique d’un enfant de 14 ans.

  5. @Alain. Si on suit votre raisonnement, rien ne s’oppose demain à faire un multipage par paragraphe… ou par image… Pas sûr que ce soit une solution pour autre chose que des fermes de contenus.

    Le modèle publicitaire au nombre de pages vues n’est pas satisfaisant, vous le savez certainement beaucoup mieux que moi. Ce qu’indique en creux Manjoo ici, c’est que d’autres modèles sont possibles, et certainement plus valorisant pour le titre comme pour les lecteurs.

  6. Cliquer sur suivant est il vraiment si horrible que ça ? C’est pratique pour une question de mise en forme (et de design donc) et la pagination peut redevenir à la mode grâce aux tablettes pour donner le coté « tournage de page » comme si on lisait un vrai magasine

  7. Touches Alt+Esc = activation du mode lecture et la synthèse vocale sur Safari

    Je ne lis pas vos articles, je les écoute.