La mise en chiffres de soi (2/2) : les chiffres ne savent pas toujours répondre

L’essentiel de la seconde édition de la conférence Quantified Self Europe a pris la forme d’une succession de présentations personnelles interrogeant les métriques que chacun produit de soi. Tentons d’en produire un peu de sens critique, malgré la grande diversité des expériences relatées.

La mesure peut-elle changer les comportements ?

Jakob EG Larsen (@jakobeglarsen) est professeur associé au département d’informatique de l’université technique du Danemark et coorganisateur des rencontres du QS à Copenhague. L’année dernière, il nous avait présenté son scanner de cerveau pour smartphone, cette année, il revenait sur une tout autre expérimentation, qu’il mène dans le cadre de l’université, le projet de Sensible DTU.

L’idée est de proposer aux étudiants qui le souhaitent des téléphones mobiles équipés d’une application qui mesure leur activité physique et leurs interactions sociales, QS Spiral. Le système analyse beaucoup d’informations comme les téléphones captés à proximité du téléphone du porteur, les activités vocales, sociales ou par e-mail (sans s’intéresser aux contenus), la localisation… Une expérimentation qui vise à faire réfléchir les étudiants sur leurs comportements, car le but du projet est surtout de concevoir une interface qui rende certaines informations plus transparentes tout en ayant une influence sur le comportement des étudiants afin qu’ils le modifient. L’expérience vient de débuter et n’a pas encore amassé suffisamment d’informations pour rendre des premières conclusions. Via son application, Jakob EG Larsen cherche à pousser la mesure de soi dans ses extrémités : peut-elle être un outil de transformation de soi, un outil d’économie comportementale ?

Luca Foschini est venu présenter Achieve Mint, une place de marché pour les activités de santé. Les services sociaux pourraient-ils encourager les gens à utiliser des applications préventives en rémunérant les bonnes pratiques qui nous maintiennent en forme et en bonne santé ? Achieve Mint permet de récupérer les données de nombreuses applications de santé et donne des récompenses à ceux qui les utilisent sous forme de points. La gamification des exercices de santé incite les gens à les utiliser et à les utiliser plus souvent et plus régulièrement, constate le directeur de la recherche d’Achieve Mint. Inspiré par les études de Mayo Clinic, Luca Foschini espère parvenir à convaincre un service de remboursement de soins à son projet… afin que les utilisateurs soient récompensés de leurs efforts à prendre soin de leur santé, d’une manière préventive. Reste bien sûr à trouver les partenariats institutionnels capables de prolonger et financer cette vision. Est-ce que demain, la mesure de soi et les résultats de santé préventifs qui en découlent pourront recevoir le soutien des politiques publiques et comment ?

L’interprétation des chiffres en question

Pour Robin Barooah, malgré les efforts de la science, notre humeur demeure assez mystérieuse. Selon une étude récente du collège européen de neuropsychopharmacologie, 38 % des adultes européens disent souffrir d’un trouble psychologique menant à des déséquilibres de l’humeur. Selon lui, nous devrions porter plus d’attention à notre humeur. Mais qu’est-ce que l’humeur ? L’humeur décrit un état émotionnel à court terme, par rapport au tempérament, à l’émotion ou à la personnalité qui décrivent des modèles à plus long terme. « L’humeur est une variable de nos sentiments eux-mêmes inclus dans d’autres variabilités ». C’est quelque chose d’éphémère tant et si bien qu’il est facile d’oublier quand elle débute ou quand elle prend fin. Certaines personnes peuvent changer d’humeur très rapidement. Or si le contexte est important, il n’est pas le seul paramètre à influer sur l’humeur, estime Robin Boorah.

L’humeur influe sur nos décisions et a des conséquences sur nos choix immédiats. De plus, nous avons tendance à être plus attentifs à notre mauvaise humeur qu’à notre bonne humeur. Comme c’est un état passager, nous n’en avons pas le souvenir : qui peut dire quelle était son humeur la semaine dernière ?

En 2008, Robin Barooah était au bord du désespoir. Il souffrait d’une forme de dépression le rendant paranoïaque et suicidaire. C’est alors qu’il a commencé la pratique de la méditation en tenant un journal des sessions, de leurs durées et de leurs effets sur son humeur via un simple calendrier Google. Il a créé une ligne de temps des entrées de son journal… Mais il demeurait difficile d’en extraire du sens, voire d’avoir envie de se plonger dans ce retour rétrospectif sur soi. Il a tenté de corréler son journal de méditation à l’enregistrement de ses humeurs, mais c’était difficile. Est-ce qu’il avait tendance à plus changer d’humeur quand il méditait moins ? Le nombre de changements d’humeur fréquent était-il lié à un stress particulier ? En dévoilant ses doutes face aux données, Robin Boorah montre bien l’une des limites de la mesure et de l’interprétation des chiffres… Se mesurer ne signifie pas être capable de corréler ou d’analyser les données accumulées. L’enseignement qu’il en a retiré ne peut s’appliquer à personne d’autre qu’à lui, rappelle-t-il comme le font si souvent les quantifiés. La connaissance de soi à travers les nombres ne conduit pas à une connaissance universelle. Tous les parcours sont singuliers. Et celui de Robin l’est également. En mars 2012, il subit un traitement expérimental dans le cadre du programme de recherche lié aux drogues mené par le professeur Ben Sessa à Beckley qui l’a singulièrement transformé. Sa pratique de la méditation s’est stabilisée. Son humeur également tant et si bien qu’il a arrêté de la suivre.

Jon Cousins (@joncousins) a également toujours eu des problèmes d’humeur. Malgré une dépression à 22 ans, il a toujours vécu avec. C’est seulement il y a 7 ans, à cinquante ans, alors que ses changements d’humeur devenaient intolérables, qu’il a été diagnostiqué comme souffrant de troubles bipolaires. Son psychiatre n’arrivant pas à l’aider, il lui a demandé de suivre ses humeurs, sans lui donner d’outils pour le faire. Il a utilisé le lexique PANAS pour créer un jeu de cartes pour décrire son humeur, qui lui a donné l’idée de créer Moodscope, un outil en ligne pour catégoriser son humeur et y associer des éléments de contexte, des mots-clefs ou des explications.

Jon Cousins
Image : Jon Cousins dans la salle de QS Europe 2013 photographié par Ian Forrester.

Moodscope c’est désormais 36 000 utilisateurs et 1,4 million d’enregistrements d’humeur par jour. Lui-même a enregistré son humeur durant 7 ans. Il a rassemblé les mots clefs des jours où son humeur était la meilleure et ceux où son humeur était la pire, pour constater très lisiblement combien ses proches étaient la raison de sa bonne humeur et combien sa relation avec sa collègue et la start-up qu’il avait lancée finissaient par lui miner le moral. Alors que le lancement avait été passionnant, la routine de l’administration du projet le lassait. Il a donc démissionné de Moodscope pour se lancer dans un nouveau projet.

Le designer Luca Mascaro (@lucamascaro) a eu une belle idée qui aurait plu au réalisateur Michel Gondry. Celle de mesurer ses rêves. On passe plus de 23 ans de nos vies à dormir, rappelle-t-il. Or, chacun de nos rêves est unique. Ce sont à la fois des images, des pensées, des sensations qui nous occupent durant notre sommeil, mais également des pensées qui disent des choses de nous. Peut-on corréler la conscience à l’inconscience ?

Pour y parvenir, Luca Mascaro avait besoin d’imaginer un outil très créatif. C’est ainsi qu’il a conçu DreamBoard (voir sa présentation). Pendant un an, il a utilisé cet outil pour raconter ses rêves. Mais plutôt que d’utiliser des informations narratives, il a plutôt favorisé des données structurées afin de pouvoir mieux mesurer les 210 rêves qu’il a notés. Il enregistre ainsi son humeur, la couleur, son émotion, les lieux où se déroulent ses rêves, les protagonistes… Un outil, assez fascinant, qui donne effectivement l’impression de pénétrer un autre monde. Pour autant, si Luca Mascaro montre qu’on peut tenter de mesurer ses rêves, il demeure plus difficile de les orienter, d’influer sur eux. La mesure ne permet pas toujours l’action.

Le designer Giorgio Baresi (@giorgiobaresi) (que nous avions déjà entendu l’année dernière) a développé un application pour suivre ses objectifs, sur le modèle de DidThis ou Beeminder, baptisée InTheFlow en référence au concept développé par le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi. Il a tracé son humeur de septembre 2011 à mars 2012… Mais il n’a rien découvert dans les résultats de ces données. Son déménagement par exemple, moment toujours éprouvant, était invisible dans ses mesures. « La mesure de soi n’est qu’un miroir qui ne renvoie que ce qu’on lui montre ».

La mesure de soi sert-elle seulement à démontrer ses propres convictions ?

Peter Lewis est encore étudiant et il s’est demandé si la méditation pouvait l’aider à faire ses exercices de mathématiques. Une seule étude a montré des effets positifs de la méditation sur la mémoire de travail, mais rares sont les études qui s’intéressent à la méditation. Peter a fait une étude sur 24 jours. Il accomplissait une séance de 10 minutes de méditation basée sur la respiration, avant de s’atteler à résoudre une cinquantaine de problèmes d’arithmétique via une application dédiée. Il constate qu’avec la méditation son temps de réponse aux exercices s’améliore et que les erreurs sont moins nombreuses. Mais pour six collègues qui ont fait le test avec lui, les résultats ne sont pas là. Certains sont même à l’opposé des siens. Qu’en déduire alors ? Peter semble déçu que le miroir que le QS lui renvoyait ne soit pas celui qu’il souhaitait démontrer. Mesure-t-on autre chose que ce qu’on veut voir apparaître, que ses propres convictions, comme le soulignaient Anne-Sylvie Pharabod, Fabien Granjon et Véra Nikolski dans leur étude pour la revue Réseaux ?

Le designer et développeur Jan-Geert Munneke de Sense OS (@jngrt) a un problème de ronflement, visiblement impressionnant. Pour le résoudre, il a décidé de mesurer son sommeil et notamment son activité pendant son sommeil. Le plus difficile a été de trouver un moyen de traiter le son enregistré pendant la nuit et de le corréler aux capteurs de mouvements et de sommeil dont il s’était paré. D’après ses résultats, ses ronflements ne semblent pas liés à la qualité de son sommeil, mais plutôt à son activité physique nocturne. Pas un instant dans sa présentation Jan-Geert Munneke n’a exprimé la possibilité de traiter son ronflement médicalement (alors que des solutions existent, même si elles ne semblent pas toutes satisfaisantes). Jan-Geert Munneke semble avoir développé un impressionnant dispositif technique pour mesurer ses ronflements à la fois bille en tête et à tâtons, cherchant des corrélations là où il n’y a peut-être pas lieu d’en trouver. Face à une telle énergie déployée pour s’investiguer soi-même on se retrouve parfois désarmé par la candeur de la réponse de l’auto-suivi. Comme si on pouvait être plus intéressé à se diagnostiquer qu’à se soigner, à chercher des corrélations qui n’ont peut-être pas lieu d’être…

Charalampos Doukas est bidouilleur et un spécialiste de l’internet des objets (blog). Il s’est équipé d’un fitbit pour s’amuser et se motiver à délaisser un peu son écran. Sa principale motivation était de sortir promener son chien… jusqu’à ce que celui-ci meurt. L’auto-discipline n’est pas toujours suffisante pour se motiver à prendre soin de soi. D’où l’idée, facile à mettre en place pour ce hacker, de trouver le moyen de se forcer à atteindre son objectif en s’autopunissant si celui-ci n’était pas accompli (présentation). Il a donc utilisé des prises Wemo qui s’actionnent à distance via une application mobile par exemple pour les configurer afin qu’elles coupent l’alimentation électrique de certains appareils domestiques s’il n’avait pas accomplit son quota de pas quotidien.

Via un hack de Fitbit, il lui était possible par exemple d’empêcher l’éclairage de sa console de jeu, de couper son accès internet, de couper l’alimentation électrique de son frigo, bref de créer une plateforme pour générer ses propres punitions personnelles. Charalampos Doukas reconnaît pourtant que, pour lui, cela n’a pas été suffisant pour le motiver. Au final, il n’a pas plus marché avant qu’après avoir mis en place son système de punition. Il reste convaincu que son expérience souligne que la motivation à se mesurer, à faire attention à soi, demeure le point faible de la quantification. Et malgré son contre-exemple personnel, il semble persuadé d’être sur la bonne voie. Pourtant, voilà longtemps que l’on sait que la punition n’est pas un moteur de la motivation… Cela ne semble pas entamer la naïveté de la démonstration.

Finalement, quitte à être naïf, Carlos Rizo (cofondateur de My Health Care innovation est peut-être plus lucide. Nombre d’entre nous cherche à changer son comportement en recevant des messages en ce sens de nos applications. Nous voulons sourire plus souvent, mieux dormir, penser à remercier, respirer, méditer, boire plus d’eau… Et si nous procédions à l’inverse, explique-t-il. Si c’était à nous de subvertir nos outils pour faire ce que l’on souhaite faire. Carlos Rizo fait sa démonstration d’un simple exemple. Pour entraîner sa mémoire, pour nous aider à utiliser avec plus d’attention nos smartphones, peut-être qu’une action simple consiste à changer souvent de mots de passe. Voilà une technique simple, gratuite, disponible pour tous qui nous rappelle que nous devons ralentir, nous souvenir. D’autres habitudes de ce type ne seraient-elles finalement pas plus saines pour notre santé que d’attendre les sollicitations de nos appareils ?

De nouveaux outils, de nouvelles métriques ou de nouvelles relations ?

Eri Gentry sur la scène de QS Europe 2013
Image : Eri Gentry sur la scène de QS Europe 2013, photographiée par Ian Forester.

Les frontières de la mesure de soi sont en permanences repoussées par de nouveaux outils de mesures, estime Eri Gentry, qui s’occupe de BioCurious à San Francisco, en nous dressant un panorama d’outils de mesure de soi non invasifs dans le domaine de la santé. On trouve désormais des dizaines d’outils pour mesurer sa santé via son smartphone. Si on trouve facilement des kits pour analyser son urine en ligne (Rapid Response strep-A test kit et Rapid Response 10 parameter Urinalys), Piddle et Uchek sont des applications dédiées. Le principe ne consiste pas à uriner sur son téléphone, mais sur une petite languette de papier que le téléphone analyse en enregistrant ses changements de couleur, pour mesurer son taux de glucose par exemple. Sur le même principe, TouchHb est un test d’hémoglobine. Alive Cor ou Tinke, permettent quant à eux de mesurer ses battements cardiaques juste en apposant son doigt sur un appareil dédié ou en portant son téléphone près de son coeur. VisiMobile ou Scout de Scanadu détectent d’autres signaux vitaux comme la température ou la pression sanguine. AceHearing mesure ce qu’on écoute pour tester la qualité de la sienne. eyeMitra et Netra, développé au MIT, sont des outils de diagnostic de la vue. Ou encore le TrueSenseKit d’Open Path, un minuscule capteur de quelques centimètres qui permet de mesure l’activité encéphalographique ou cardiaque et qui se porte à même la peau. Ou encore, comme l’expliquait Renate Zwiksen dans une autre présentation, le capteur Bioclip, un capteur de doigt qui permet de mesurer l’évolution de sa pression artérielle, précieux indicateur de santé pour prévenir les attaques cardiaques, qui vise demain à remplacer des capteurs plus encombrants et plus chers comme le Sphygmocor, le Vicorder ou le Complior

Enfin, Eri Gentry évoque les tests génomiques comme ceux de Talking20 ou 23&Me, voir désormais sa flore bactériologique avec uBiome et de les partager avec d’autres.

Les téléphones mobiles seront-ils les moteurs de la prochaine révolution médicale ? Ce qui est sûr, c’est qu’à voir le développement de ces applications, la frontière entre la médecine et la mesure de soi semble en train de s’effacer, au profit d’appareils toujours plus simples, accessibles et bon marché.

Pour Marco Altini (@marco_alt) d’ACTLab (présentation), nous sommes entourés de systèmes qui nous mesurent, mais aucun n’est un parfait capteur d’activité ? Qu’est-ce qu’un « bon » comportement, qu’un comportement sain capable de mesurer notre activité physique quotidienne et nous indiquer si elle est suffisante ? Quelles sont les métriques de notre santé, outre le poids, le nombre de pas réalisé, la durée de notre sommeil ? Nous avons besoin de trouver des métriques plus adaptées, estime le chercheur, d’apporter plus de contexte pour développer des métriques de la santé plus adaptées et développer de meilleures réponses comportementales.

Et effectivement, bien des discussions de cette seconde édition de QS Europe portaient sur les métriques elles-mêmes. Qu’est-ce qu’on mesure vraiment ? Qu’est-ce qu’un pas ? Lesquelles sont « valides » (et validées par qui ?) ? Jusqu’à quel point sont-elles interopérables ? C’était là les questions que posaient David Andre (@dandre de BodyMedia, un outil qui s’intéresse à agréger les outils de nos capteurs. Quand on souhaite croiser les données provenant de tous ces appareils, on se rend compte que les champs ne sont pas toujours compatibles. Rien que la façon dont deux outils de mesure de pas ou de sommeil enregistrent le temps pose des problèmes et cela s’accentue avec la grande diversité des enregistrements. Au final, faire de l’analyse de données s’avère plus difficile qu’on ne le croit. Les outils de médecine personnelle ont besoin de modèle de données, d’interopérabilité… Pour David Andre, la communauté du QS a encore besoin d’organiser ses données, pour que celles-ci soient plus centrées sur les gens que sur les appareils, et donc de comparer que de mesurer.

La salle était émue à mesure que s’élevait la voix tremblante de Sara Riggare (@sarariggare) qui était intervenue l’année dernière pour évoquer son combat contre la maladie de Parkinson. « Le temps du patient n’est pas celui du soin », rappelle Sara Riggare qui montre graphiquement qu’elle n’a passé qu’une heure dans l’année avec son neurologue, alors qu’elle a passé 8765 heures à prendre soin d’elle, à se soigner. « Or une maladie chronique est une bataille contre le temps », déclare-t-elle, la voix grave et chevrotante. L’état général de Sara Riggare ne semble pas s’être amélioré en un an. Au contraire. Elle tremble, a du mal à tenir debout.

Sara Riggare
Image : le sourire de Sara Riggare, avec ses oreilles de Necomimi qui bougent selon votre état d’esprit, photographiée par Rain Rabbit.

La maladie de Parkinson a des implications motrices et non motrices. Elle entraîne des rigidités, des lenteurs, des tremblements, des démarches… Mais les implications sont également psychologiques, souligne celle qui est devenue chercheuse sur sa maladie : troubles du sommeil, douleurs, problèmes de digestion, de cognition… Sara continue à surveiller les effets de sa complexe médication sur elle (elle ne prend pas moins de 6 médicaments par jour, plusieurs fois par jour). Avec l’aide de Caspar Addyman, chercheur au Centre de développement cognitif de l’université de Londres rencontré l’année dernière à la conférence, elle a travaillé au développement d’une nouvelle application de santé dédiée à cette maladie – et à la faire financer et tester par plusieurs patients, afin de mesurer l’évolution des problèmes mécaniques liés à la maladie. Ses recherches sur elle-même lui ont montré que les variations suite à ses prises de médicaments étaient plus complexes qu’elle ne le pensait. A mesure que la maladie gagne du terrain, Sara se rend compte combien Parkinson est une maladie complexe et combien elle aurait besoin de mesurer bien d’autres choses que ses tremblements et ses médications pour la comprendre : son sommeil, son stress, l’impact sur ses capacités de réflexion et de mémoire… Dans ce combat quotidien, Sara semble avoir trouvé beaucoup d’entraide dans la communauté du Quantified Self, qui est venue l’aider à développer des applications, à chercher des financements pour son combat contre la maladie. En osant être venue partager ses idées aux rencontres du QS, Sara Riggare n’a pas trouvé les outils pour se guérir, mais assurément des gens pour la soutenir.

Parmi ces gens qui se cherchent eux-mêmes, quitte à parfois se perdre dans les chiffres, finalement, le plus important n’est-il pas que parfois, ils trouvent autre chose qu’eux-mêmes… C’est assurément la plus belle leçon de la communauté.

Hubert Guillaud

A lire, la première partie du dossier : La mise en chiffre de soi (1/2) : qui sont ceux qui se mesurent ?, nos archives sur le thème du QS ou leur compilation sous forme de livre numérique : De la mesure à la démesure de soi.

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