Comment faire réussir les « équipes virtuelles » ?

Pour le consultant Keith Ferrazzi, dans une tribune pour la Harvard Business Review, les équipes virtuelles, c’est-à-dire des équipes voire des entreprises constituées de personnes travaillant à des endroits physiquement distants sont à la hausse. Selon un sondage de sa société d’étude auprès de 1700 travailleurs du savoir, 79 % déclarent travailler toujours ou souvent en équipes dispersées. Reste que ces « nouveaux collectifs » ne sont pas simples à organiser. Une étude de 2001 montrait que 82 % des équipes fonctionnant sur ce mode étaient en dessous de leurs objectifs et 33 % en échec. Une étude de Deloitte (.pdf) en 2005 soulignait que 66 % de ces groupes de travail ne parvenaient pas à satisfaire les exigences des clients. Effectivement, beaucoup de gens considèrent la communication virtuelle moins productive que l’interaction face à face et tout autant admettent être accablés et perturbés par les technologies de collaboration à distance… Mais d’autres études (de 2009) montrent que quand ces équipes dispersées sont bien gérées, elles peuvent se révéler plus performantes que celles qui partagent un même bureau. Un rapport d’Aon Consulting (.pdf) estime que ces formes d’équipes peuvent considérablement améliorer la productivité des organisations (jusqu’à 43 %).

Alors, comment créer une équipe virtuelle efficace ? Pour Ferrazzi, dont le cabinet vient de publier un rapport très documenté sur le sujet (.pdf) cela nécessite bien sûr de rassembler une bonne équipe (avec des gens ayant de bonnes aptitudes de communication, une intelligence émotionnelle élevée, une capacité à travailler de façon autonome, nécessitant même d’utiliser des tests de personnalité pour dépister ces qualités estime Ferrazzi). Les équipes les plus efficaces sont souvent composées de moins de 10 personnes, notamment du fait qu’elles doivent pouvoir se parler facilement (il faut en moyenne une dizaine de conversations dans une équipe de 5 pour que tout le monde soit au même niveau d’information, alors qu’il en faut 78 dans une équipe de 13, estime cette étude (.pdf)). Il faut aussi que chacun dans l’équipe ait un rôle précis, explique-t-il en se référant à l’analyse de Deboarah Ancona du MIT qui distingue le coeur de l’équipe, de l’équipe opérationnelle et des personnes externes ou satellites. Il faut aussi favoriser la confiance, le respect, l’empathie, notamment en prenant le temps de parler de choses personnelles pour mieux surmonter l’isolement. La distance nécessite aussi d’encourager le dialogue ouvert, la franchise.

Car la distance n’est pas que géographique. Pour Karen Sobel Loojeski et Richard Reilly du cabinet Virtual Distance International, il faut certes prendre en compte la séparation physique, géographique ou temporelle, mais également les différentes affiliations de chacun avec d’autres engagements, ainsi que la distance opérationnelle et celle d’affinité.

Bien sûr, il faut établir un but et une vision commune. Ne pas hésiter à faire des téléconférence en vidéo. Il faut aussi prévoir et mettre en place des règles pour les réunions présentielles, que Ferrazzi détaille longuement : au moins tous les trimestres et pour certaines occasions, notamment pour célébrer des résultats ou résoudre des problèmes difficiles.

Enfin, la technologie n’est pas sans poser des problèmes. Utilisez des systèmes de téléconférence qui ne nécessitent pas de code, qui facilitent la transcription automatique ou l’enregistrement, voire qui surveillent le temps d’écoute et de parole pour bien la distribuer, conseille encore Keith Ferrazzi. Messagerie instantanée, forums, plateformes d’accès sont autant de moyens de bien organiser le travail et de le rendre facilement accessible.

Pour Ferrazzi, à l’heure où le travail collaboratif distant se développe, il est essentiel aujourd’hui d’accroître sa productivité et de trouver des règles et des méthodes de fonctionnement, qui offrent à la fois de la liberté et de la cohésion. L’article et plus encore le court rapport (.pdf), qui fourmille de références, en tout cas, méritent l’attention de ceux qui doivent gérer ce type d’équipe.

Hubert Guillaud

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0 commentaires

  1. Je résume : des études pointues montrent qu’une équipe est efficace quand :
    – elle est bien gérée
    – c’est une bonne équipe

    Je crois qu’il serait temps que Keith Ferrazzi s’inscrive au séminaire d’idéation.

  2. Oui Hadrien. Vous montrez très bien qu’en appliquant un résumé très synthétique à tout on n’apprend plus rien d’autres que des évidences (et je pense que ça marche pour à peu près tout). Je veux bien entendre que le mien est peut-être trop synthétique, mais le détail des bonnes pratiques esquissés par le court rapport et l’article me semblait intéressant pour leur côté mise en oeuvre concrète et opérationnelle. Désolé de ne pas vous avoir convaincu !

  3. Désolé, je n’ai pas pu résister à ce petit sarcasme 🙂

    Je pourrais continuer l’énumération pour être moins synthétique :
    – « avec des gens ayant de bonnes aptitudes de communication »
    – « chacun dans l’équipe ait un rôle précis »
    – « favoriser la confiance, le respect, l’empathie »

    Toutes ces choses font aussi l’efficacité d’une équipe non-virtuelle. Sur le fond, ce qui me pose problème c’est la phrase « Mais d’autres études (de 2009) montrent que quand ces équipes dispersées sont bien gérées, elles peuvent se révéler plus performantes que celles qui partagent un même bureau » car elle ne me dit pas, sans avoir lu les études, si bien gérer son équipe donne de meilleurs résultats sur une équipe virtuelle ou non-virtuelle, ne sachant pas dans cette comparaison si les équipes qui partagent un même bureau sont bien gérées. La phrase suivante ne lève pas l’ambiguïté car « ces formes d’équipes » peut tout aussi bien désigner les équipes virtuelles que les équipes bien gérées.

    Mais comme je ne suis pas de mauvaise foi, je devine que le propos est que les équipes virtuelles sont plus performantes à investissement (humain) égal et seulement à partir d’un certain niveau d’investissement.

  4. @Hadrien : sur l’étude de 2009, j’aurais bien voulu la mettre en lien, mais Ferrazzi n’était pas assez explicite sur sa référence pour que je puisse la retrouver !

  5. J’ai toujours travaillé en équipes virtuelles, en tant que coordinatrice internationale puis directrice de clientèle dans le conseil en marketing/communication. Je me retrouve tout à fait dans ce que vous décrivez ici. Merci pour votre billet qui me donne envie de lire l’article et le rapport évoqués. En particulier, je tiens à souligner l’importance de développer une relation pas uniquement basée sur la tâche, de chercher à connaître ses partenaires. Ceci permet de mieux se connaître et de mieux travailler ensemble, en particulier quand, comme c’est de plus en plus le cas, on a pas de liens hierarchiques avec les personnes qui sont sensées contribuer au projet. L’affectif joue un rôle majeur dans la motivation.

  6. Depuis plusieurs années je travaille dans une équipe qui travaille à distance (informatique). Nous respectons à peu de chose près les recommandations de l’article (moins de 10, autonomes, visios régulières…). Et ça fonctionne plutôt bien. On se retrouve en présentiel à l’occasion de formations. Une chose appréciable que nous apportons par rapport à ceux qui travaillent en central est un souci de bien formaliser les choses, à avoir des référentiels partagés et à jour (documents, agendas, rôles, responsabilités de chacun…). Néanmoins je crois qu’il faut distinguer deux situations de travail à distance : ceux qui travaillent isolés, ou qui sont toujours en déplacement (ce n’est pas mon cas), et ceux qui travaillent à distance tout en étant au sein d’une structure (avec des collègues de travail, même si ce ne sont pas ceux avec lesquels on travaille). Ce mode de travail là me semble avoir de l’avenir.