L’économie du partage et l’auto-exploitation – Marginal Utility

Quand il évoque l’économie du partage, Rob Honing, le rédacteur en chef du New Inquiry, n’y va pas avec le dos de la cuillère sur son blog

“La montée de l’économie de partage est un reflet de la nécessité du capitalisme de trouver de nouvelles opportunités de profit dans les aspects de la vie sociale longtemps à l’abri du marché, comme le temps de loisir (…). Ce que les entreprises et les applications de partage nous invitent à faire est de transformer une plus grande partie de nos vies en capital, notre temps libre en temps de travail par hasard, étendant ainsi la portée du capitalisme et reconnaissant toujours plus avant le marché comme le moyen le plus approprié, efficace et bénéfique pour la médiation des interactions entre individus. Pour l’économie du partage, les relations de marché sont les seules relations sociales.”

“Bien que l’économie du partage s’approprie le langage du changement progressif et de la collectivité pour faire le prosélytisme de leurs applications et modèles d’affaires, leur effet est d’atomiser de manière plus approfondie les individus, exigeant qu’ils se considèrent comme une sorte de petite entreprise tout en réduisant leur utilité sociale à leur capacité à mobiliser sur les plateformes de ces courtiers. Les utilisateurs sont invités à purger leur vie du temps et des ressources commercialisables, les invitant à accomplir un travail que les entreprises de l’économie du partage organisent et dont elles les exproprient. 

"Tout comme les usines ont permis aux travailleurs déqualifiés de coopérer et de créer de la valeur au profit du propriétaire de l’usine qui les a réunis, les applications de l’économie du partage coordonnent des utilisateurs disparates et extraient de la valeur de leurs êtres réunis en réseau. Mais, contrairement aux travailleurs qui se rencontrent sur le plancher de l’usine, les utilisateurs des applications ne se rencontrent que comme des adversaires commerciaux. Ils ne construisent pas de solidarité, mais simplement de la confiance qui facilite l’échange mercantile. 

"Les applications de l’économie du partage discréditent le concept même de don et imposent une exploitation réciproque des utilisateurs au bénéfice des entreprises. La mascarade des applications en réseaux semblent un ersatz de communautés, alors que ces réseaux constituent en fait un moyen pour découvrir les avantages et les asymétries des utilisateurs pour mieux chercher les personnes à exploiter. Les liens sociaux non monétisés sont fait pour ressembler à des occasions manqués. Les seules "vraies” obligations entre personnes sont celles vérifiées et rationalisées par des échanges sur les marchés, expliquées en terme d’incitations économiques et d’intérêts. En dehors des plateformes, le partage réel est inexplicable, irréel. 

“La rhétorique des sociétés de l’économie du partage tend à célébrer l’utilisation libératrice de la technologie, qui tord l’inefficacité des pratiques sociales héritées tout en libérant les utilisateurs des fardeaux des désagrément et des coûts de transaction. Or, en fait, l’économie du partage incarne le déploiement de technologies permettant d’intensifier les inégalités, notamment par la création de monopoles qui agrègent et cooptent l’effort et les ressources de nombreux utilisateurs, qui sont opposés les uns aux autres au sein des plateformes. Le réseau est en fait anti-communautaire… L’empathie et la convivialité n’y sont plus que des tactiques où aucun secours ne peut-être trouvé sans passer par le prix fixé." 

Pour Rob Horning, si ces services étaient génériques (nous dirions peut-être publics de ce côté-ci de l’Atlantique) peut-être permettraient-ils de tendre vers l’idéal communiste permettant à chacun de chasser le matin et d’écrire une critique le soir…

"Mais sans un revenu de base garanti, la précarisation du travail qu’annoncent ces plateformes, qui plongent les rapports humains jusqu’à l’inutilité, laisse les travailleurs dans une plus grande insécurité économique, les rendant encore plus désespérés de partager, c’est-à-dire, de s’auto-exploiter !" 

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