Franck Poisson, Google France : « Il n’est pas question de rendre l’accès au moteur payant »

Lorsque Google est arrivé sur le web, il y a eu comme comme une micro révolution dans le petit monde de l’Internet. Tout à coup, il était simple de chercher une info en ligne. Une interface simplissime et totalement pratique, plus besoin d’avoir son diplôme de syntaxe booléenne pour s’y retrouver et le tout en un temps record. A sa manière, Google est un moteur de recherche à haut débit… Aujourd’hui la moitié des salariés de Google se consacrent à la recherche et développement.
http://labs.google.com/

Comment voyez-vous l’avenir des moteurs de recherches et de Google en particulier  ?

Avec la version d’aujourd’hui nous en sommes encore vraiment aux débuts. Bien que nous soyons rapides, efficaces et pertinents, qu’on ait 250 millions de requêtes par jour, on sait que demain les internautes seront toujours plus exigeants et que l’Internet augmente (en volume-ndlr). Notre algorithme est intelligent, il se met à l’échelle : plus le web grandit, plus les algorithmes de Google doivent parvenir à suivre le rythme. Il y a quatre ans, le web faisait de deux milliards de pages. Aujourd’hui il y a cinq milliards de pages. Si le moteur n’avait pas été ajustable, il n’aurait pas pu suivre. Or la magie de Google c’est de pouvoir s’adapter à la taille du web mondial. Néanmoins lorsqu’on tape des requêtes on s’aperçoit que parfois le moteur n’est pas toujours parfait surtout pour des requêtes à plusieurs occurrences. Donc il est encore améliorable. Et nous y travaillons : 50 % des salariés de Google sont dans le secteur recherche et développement. Nous travaillons également sur des moteurs adaptés à de nouvelles interfaces, récemment nous en avons mis au point un adapté à l’I-mode de NTT Docomo.

Ce que nous souhaitons aussi développer concerne la géolocalisation de la recherche d’informations. Nous avions d’ailleurs organisé un concours sur ce thème, ouvert tous : il s’agissait de trouver une application originale, à partir de Google. Le gagnant a trouvé une fonctionnalité assez intéressante, il a réussi à géolocaliser, grâce aux adresses IP, la requête de l’internaute. En d’autres termes un internaute de Chicago, quand il cherchera une librairie, n’aura pas le même résultat que s’il était à Los Angeles. Il aura l’adresse de la librairie la plus proche de chez lui en premier. On voit donc qu’on peut encore améliorer Google soit par la géolocalisation des requêtes, soit par le support utilisé, soit sur la recherche, non pas simplement sur le web, mais aussi sur les newsgroups, ce que nous avons déjà développé et sur tout ce qui est base de données finalement.

L’autre source également d’amélioration concerne notre propre base de données, ce qu’on appelle l’index de Google qui aujourd’hui fait deux milliards de pages web et un milliard de pages de newsgroups.
Elles sont rafraîchies à 100 %, tous les 28 jours. C’est une photographie à un instant t du web. Or, l’estimation du web c’est cinq milliards de pages. L’index de Google c’est la photocopie sur ces cinq milliards de pages, de seulement deux milliards d’entre elles. Il s’agit des pages les plus  » intéressantes « , c’est à dire les pages qui ont le plus de liens vers l’extérieur. Le problème c’est que pour faire, entre gros guillemets, l’enregistrement et la photocopie de ces 2 milliards de pages il nous faut aujourd’hui 28 jours. L’idée, c’est de passer à la semaine. Et la super idée est de passer à 24 heures…

Et le web invisible ?

Il y a un web invisible ? ! Encore une fois on estime le web à 5 milliards de pages, nous n’avons que deux milliards de pages indexées. Où sont les trois autres milliards ? Nous n’avons tout simplement pas la capacité d’indexer l’ensemble du web. Alors ce n’est pas du web invisible, c’est juste qu’on n’y accède pas. Pourquoi ? Parce qu’on pense que ce sont des sites web qui ne sont pas très pertinents pour l’internaute.

Et comment les sélectionnez-vous ?

Ce sont les algorithmes qui le font. Il n’y a aucune intervention humaine. Les algorithmes retiennent alors les pages en fonction des liens entrants et sortants.

Les moteurs de demain vont travailler sur de nouvelles interfaces, type Kartoo qui nécessitent un accès à haut débit ?

Ça me paraît un peu ludique. C’est un bon délire d’ingénieur, mais moi devant une page de résultats de Kartoo honnêtement en tant qu’utilisateur, je ne retrouve pas mes petits. Maintenant s’ils ont des modèles économiques pourquoi pas, mais bon… Je crois beaucoup plus à la géolocalisation, même si ce n’est pas encore pour demain.

Et côté modèle économique Google envisage un jour de faire payer son service ?

Il n’est pas du tout question pour nous de rendre payant l’accès au moteur de recherche. Ce que nous souhaitons c’est donner l’accès gratuitement, et au plus grand nombre, à la puissance de calcul de Google. Le but n’est pas de faire payer un quelconque service premium où vous auriez de meilleurs résultats.

Sur quels modèles économiques travaillez-vous ? Comment vit Google ?

C’est simple : nous vivons avec la vente sous licence de notre moteur, auprès des portails et des FAI. Nous avons plus de 1000 clients dans le monde. Fournir la puissance de calcul de Google auprès des entreprises pour leur intranet et leurs extranet est un autre axe de développement : Cisco et la banque mondiale utilisent déjà notre technologie. Il s’agit d’entreprises ou d’institutions qui commencent à avoir des bases de données internes conséquentes ; avec des salariés répartis dans le monde entier et il y a un moment où la perte d’info au sein de l’entreprise risque de devenir importante : l’idée d’avoir un moteur qui, en tapant un mot clé, vous permet de faire une recherche au sein de tous les documents internes de l’entreprise commence à faire son chemin.

La seconde source de revenus de Google est liée à la commercialisation de l’audience : plus on donne l’accès à Google au plus grand nombre, plus Google devient un support média et pour un responsable marketing, c’est autant d’occasion d’être vu à partir de mots clés ciblés. Il s’agit donc de pub, mais très ciblées. Il ne s’agit pas de mettre aux yeux ou aux oreilles des internautes des bannières, qui changent, qui font de la musique. Nous pensons que c’est de la publicité intrusive. Or nous ne faisons de la pub que si elle est permissive ; c’est à dire  » demandée  » par un internaute au travers d’un mot clé. Si vous tapez assurance auto sur google.fr , vous allez avoir Axa qui apparaît. Ce qui répond à votre question puisque Axa vend des assurances et si vous cliquez sur le lien commercial Axa vous vous retrouvez bien sur les pages assurances auto d’Axa. La pub devient un service en quelque sorte, un infommercial.

L’autre produit s’appelle adwords select, que l’on voit sur la droite de la page. C’est un autre système de facturation. C’est un système au clic : vous ne payez qu’à la visite générée sur votre site, en lien avec les mots clés. Mais il y a un système d’enchère : il y a huit annonceurs par pages et par mot en résultat de recherche. Il est évident que celui qui paye le plus est remonté sur le résultat et on tient compte également du taux de clic. Donc la formule magique est : taux de clic x coût au clic payé par l’annonceur = positionnement de l’annonceur. Avantage pour l’annonceur : on ne paye qu’à la visite et pas à l’impression. Inconvénient, c’est vrai que la position n’est pas garantie.
Finalement on a trouvé un système d’efficacité publicitaire on line : la vente de mot clé.

À lire aussi sur internetactu.net