Le pouvoir du « neuroenchantement »

Dans un récent article pour la revue Psychology Today, Samuel Veissière (qui a déjà écrit dans nos colonnes) présente les travaux de ses collègues de son laboratoire de l’université McGill sur le « neuroenchantement » : comment le prestige associé aux neurosciences peut exercer une influence sur les croyances et les comportements de chacun.

le faux scanner construit pour l'occasionAmir Raz et son équipe ont donc fabriqué un pseudo « scanner cérébral » à partir de bric et de broc (et notamment une chaise de coiffeur !) et ont convaincu leurs sujets (et cela comprenait des étudiants en psychologie) que l’appareillage était susceptible de lire leurs pensées…

Ils ont ensuite, à l’aide d’un autre « équipement » à l’apparence plus sophistiquée, réussi à faire croire à aux participants que l’appareil était également en mesure d’influencer leur esprit.

Dans une autre expérience menée par Jay Olson, des sujets se virent invités à porter un casque EEG (toujours aussi faux) et amenés à répondre à des questions portant notamment sur leur attitude envers la charité. Les expérimentateurs ont alors prétendu que la machine avait repéré des contradictions entre leurs réponses conscientes et leurs attitudes inconscientes. Et 80 % des sujets ont alors admis que le diagnostic de l’appareil était juste et ont par la suite changé leur comportement. Pour vérifier cela, les chercheurs ont placé un complice qui prétendait avoir besoin d’argent sur le campus et celui-ci a effectivement reçu plus de dons de la part desdits sujets.

Que déduire de ce genre d’expériences ? On peut certes en tirer des conclusions pessimistes, nous dit Samuel Veissière, mais on peut aussi en déduire quelque chose de plus positif. Car on pourrait utiliser ces machines pour induire de meilleurs comportements, et même pour guérir certains problèmes de santé. « Dans des expériences pilotes effectuées avec des sujets bénévoles, Jay Olson et moi-même avons constaté que le pouvoir symbolique d’une simulation de la technologie du cerveau et du milieu clinique pourrait être très efficace dans le traitement des migraines et des comportements involontaires comme les tics nerveux ».

Veissière compare aussi cette technique « d’influence sociale » avec l’induction hypnotique, qui est capable aussi d’obtenir les mêmes types de résultats, mais précise-t-il, « une procédure d’induction hypnotique est généralement exigeante tant pour l’hypnotiseur que pour le sujet. Cela peut prendre beaucoup de temps et de nombreuses séances pour qu’un sujet puisse apprendre à se détendre et à supprimer ses doutes, faire confiance à l’opérateur et laisser son inconscient prendre la relève. À l’inverse, en utilisant comme suggestions des symboles puissants, des accessoires et des contextes spécifiques, nous sommes en mesure de contourner les méthodes coûteuses d’induction et de produire des réponses de guérison plus rapides et plus fortes. »

Évidemment, cela pose des questions d’ordre éthique. Jusqu’où a-t-on le droit de « tromper » un patient pour aider ou accélérer sa guérison ? Dans ce domaine, les sciences cognitives se trouvent face à une contradiction : d’un côté rappelle Veissière, elles encouragent à mettre en lumière nos biais et nos préjugés (c’était d’ailleurs le sujet de son article pour InternetActu) mais d’un autre, le recours à notre inconscient peut s’avérer extrêmement profitable, notamment en matière de santé…

L’auteur ne donne pas de réponse définitive, et l’article de Psychology Today se termine d’ailleurs par un petit sondage sur le sujet, auquel vous pourrez répondre si vous le souhaitez !

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