Peut-on créer son propre univers ?

Certains cherchent à créer l’intelligence, d’autres, comme les biologistes de synthèse, veulent réaliser de nouvelles formes de vie. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas créer un univers entier ?

Une idée saugrenue, mais considérée comme envisageable – en théorie – par certains physiciens. La journaliste et écrivain scientifique Zeeya Merali (@littlebangtheor) a enquêté auprès de spécialistes de la mécanique quantique et en a tiré un livre A Big Bang in a Little Room : The Quest to Create New Universes ainsi qu’un article publié récemment dans Big Think (mais qui était auparavant paru dans Aeon).

La théorie a été émise la première fois en 1991 par Andreï Linde, de l’université Stanford, dans un papier intitulé l’art difficile de la création d’univers.

Pour réaliser cet exploit, il faudrait un accélérateur de particules bien plus puissant encore que celui du CERN. Il faudrait ensuite trouver une particule qu’on appelle un monopôle, c’est-à-dire ne possédant qu’une seule charge magnétique.

Si l’on donne suffisamment d’énergie à ce monopôle, explique Merali, ce dernier va grossir, entamer une « inflation » comme celle qui est survenue au début de notre propre cosmos, juste après le Big Bang. Et à partir de cette inflation, comme cela s’est produit chez nous, un nouvel univers pourra voir le jour.

Ce dernier risque-t-il de prendre notre place, de détruire tout sur son passage ? Absolument pas. Il se développera dans son propre espace. De notre côté, nous ne pourrons en percevoir que « l’entrée », un micro trou noir « si petit, nous dit Zeeya Merali, qu’il en sera absolument sans danger ». Et même ce minuscule point de contact finira par s’évaporer et disparaître.

La vidéo ci-dessous illustre la marche à suivre.

Mais du coup, pas la peine d’espérer que notre nouveau créateur d’univers pourra régner sur les créatures qui pourront y voir le jour ! Car une fois créé, l’expérimentateur perdra tout contrôle sur le monde qu’il aura fait naître.

Ce qui pose bien entendu une question éthique. Faut-il jouer à Dieu si on n’a même pas les moyens d’en prendre la responsabilité ?

Zeeya Merali est donc partie poser la question à divers spécialistes. Les avis peuvent être très divergents : pour Eduardo Guendelman, de l’université Ben Gourion en Israël, un chercheur qui travaille sur cette notion de « bébé-univers », c’est comme lorsqu’on décide de faire des enfants, on accepte que leur vie possède son lot de souffrances. Pour Nobuyuki Sakai de l’université Yamaguchi au Japon, l’un des spécialistes des fameux « monopôles », il faudra s’en inquiéter. Mais comme la mise en pratique de ce genre de théorie ne pourra pas se produire avant un avenir lointain, ce n’est pas pour lui le moment de se torturer avec des questions éthiques, cela viendra plus tard. Pour Anders Sandberg de l’Institut pour le futur de l’humanité d’Oxford, la création de formes de vie intelligentes est intrinsèquement positive et s’apparente donc à un impératif moral.

Puis reste l’interrogation théologique. Andreï Linde avait déjà posé la question, en forme de boutade dans son papier de 1991 ; et si notre propre univers avait été créé en laboratoire ? Cela renouvellerait-il l’idée de Dieu ? Pour le physicien chrétien Don Page, de l’université d’Alberta, également interrogé par Merali, il y a une différence fondamentale : Dieu, explique-t-il, aurait créé notre univers ex nihilo, c’est-à-dire à partir de rien du tout, et pas en utilisant un équipement de laboratoire sophistiqué !

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